Le mode de déclenchement des backdraft avait déjà fait l'objet d'une première version de cet article. Depuis, nos recherches nous ont amené à conclure à deux modes de déclenchement, dont les caractéristiques sont assez différentes.
Sans rentrer dans des considérations prenant en compte les émissions gazeuses des gaz de pyrolyse ou la définition exate du courant de convection, il nous a cependant semblé judicieux de remanier cet article, afin que les deux modes principaux soient connus et que les dangers soient un peu mieux appréciés.
Lors des démonstrations sur les « mini-maisons », le backdraft, phénomène typique et impressionnant, ne se déclenche pas toujours quand on le souhaite. Parfois il ne se déclenche pas du tout, ou bien il se déclenche à la figure du formateur, qui se rend alors compte que la "mini-maison" se manipule un peu moins facilement que le rétro-projecteur?
Une des raisons tient sans doute à la manière dont le seul document officiel Français aborde le backdraft et surtout son déclenchement:
"La combustion se réduit à celle des éléments incandescents qui continuent à dégager une certaine quantité de chaleur maintenant ou augmentant le niveau de température, donc d'énergie ambiante contenue dans le volume."
Et plus loin nous lisons :
"Le résultat est fulgurant : au contact des points d'ignition (braises) dans le volume, une violente explosion se produit : le local s'embrase et une boule de feu apparaît dans l'ouverture créée, due à la détente de la surpression."
Ce document étant le premier document officiel Français sur ce sujet, il a sans doute été nécessaire de simplifier les explications, sachant que le public visé n'avait aucune compétence en la matière et que le retard sur ce sujet était très conséquent.
Mais à lire cette définition, nous supposons donc qu'il suffit que le mélange atteigne son point st?chiométrique pour que l'explosion survienne. Mais dans ce cas, pourquoi le backdraft ne se produit-il pas à chaque fois, surtout dans une "mini-maison" ?
La réponse vient en partie d'un texte, de Julien Napoléon HATON DE LA GOUPILLIERE (1833-1927), ancien directeur de l'Ecole Supérieure des Mines. Dans le rapport qu'il fait le 8 mars 1878 à la Commission du grisou, commission instituée par le gouvernement de l'époque pour étudier le problème des explosions de grisou dans les mines de charbon (environ 400 morts entre 1867 et 1877 !), il écrit :
"La détonation du grisou se produit quand une atmosphère formée de grisou et d'air, préalablement mélangés en proportions convenables, subit le contact, non pas seulement d'un corps incandescent, qui ne suffirait pas, en général, pour déterminer l'explosion, mais d'une flamme gazeuse."
La présence de braises ne suffirait donc pas à déclencher l'explosion, compte tenu du fait que les braises ne génèrent pas assez d'énergie et surtout que cette énergie rayonne très peu.
En fait, après de multiples expériences, nous constatons qu'il existe deux mode de déclenchement du backdraft.
Auto-Inflammation
Le premier mode de déclenchement peut se produire lorsque la température du local est très élevée et que les gaz de pyrolyse ont une température d'auto-inflammation inférieure à celle présente dans le local. Ce cas peut se produire lorsqu'une combustion vive a eu lieu, combustion qui a donc consommé l'oxygène, et que des éléments ont pyrolysés assez doucement (ceci n'étant qu'un exemple). Car dans le cas d'une pyrolyse lente (éléments éloignés du foyer par exemple) les gaz émis ont une température d'auto-inflammation assez basse (parfois inférieure à 300°C). Ces gaz ne prennent pas feu à cause du manque d'oxygène, mais à l'ouverture de la porte, le courant de convection se remet en place, l'air frais se mélange et les gaz peuvent alors prendre feu. Dans ce cas, ces gaz prenant feu en hauteur, l'explosion démarre du plafond.
Déclenchement par une flamme
Le second mode de déclenchement va concerner un local dont la température n'est pas très élevée, ou du moins dans lequel les gaz de pyrolyse ont une température d'auto-inflammation supérieure à celle qui règne dans le local. A l'ouverture de la porte, même avec l'apport de comburant, les gaz ne pourront pas prendre feu « tout seul », d'autant que cet apport de comburant aura tendance à refroidir l'ambiance.
Une observation attentive des braises, dans les mini-maisons, juste après l'ouverture, nous permet de voir ce qui se passe : les braises reçoivent l'air, rougissent, puis de petites flammes apparaissent et c'est à cet instant que l'explosion se produit, mais pas avant. Dans ce cas, le phénomène part du bas du local, pour ensuite remonter vers le haut.
Déclenchement par réapparition des flammes. A gauche, les flammes recommencent juste à apparaître sur les braises. Juste après (image de droite), l'explosion se produit.
Déclenchement par auto-inflammation. Les gaz accumulés au plafond, prennent feu, émettant une sorte de lueur orangée, qui se propage instantanément.
Vérification par la logique
L'expérience n'étant qu'une validation parmi d'autres, essayons de valider ces déclenchements pas un raisonnement logique. Acceptons par exemple le postulat par lequel les braises suffisent, et voyons si ce postulat résiste à la logique.
Nous sommes en présence d'un local, saturé en combustible, donc au-dessus de sa LSI.
Deux suppositions sont envisageables:
Première supposition : l'ouverture de la porte amène très rapidement de l'air. Donc en quelques dixièmes de seconde, nous devrions redescendre entre la LSI et la LII, et atteindre rapidement le point st?chiométrique. L'explosion devrait donc se produire sitôt la porte ouverte, donc presque sans aucun délai. Or ce n'est jamais le cas.
Seconde supposition : l'ouverture de la porte apporte l'air, assez lentement. Dans ce cas, le mélange va lui aussi se faire assez doucement. Nous allons donc redescendre tranquillement vers la LSI, puis continuer à redescendre vers le point st?chiométrique. Mais nous savons tous que la combustion peut commencer même si nous ne sommes pas au point st?chiométrique. Donc puisque nous supposons que la braise suffit, cela veut donc dire que nous allons avoir une inflammation "molle", bien avant d'atteindre le point st?chiométrique. Or ce n'est pas le cas non plus.
Par contre, dans les expériences avec mini-maisons, nous remarquons deux cas extrêmes :
Premier cas: c'est la réouverture d'un ouvrant qui a été fermé très longtemps : dans ce cas, nous obtenons les fumées chargés (jaunes foncées), puis la ré-aspiration de l'air par le bas de l'ouvrant, puis ça ventile, ça ventile, ça ventile?. Mais ça n'explose pas ! Enfin, les braises régénèrent des flammes mais il n'y a pas explosion, car le mélange est redescendu sous la LII.
Second cas: c'est celui d'une ré-ouverture après une fermeture très rapide. Là, il n'y a pas non plus explosion, mais une reprise des flammes dans tout le local, sous forme assez "molle", ce qui laisse penser que l'inflammation se produit alors que le mélange est encore loin du point st?chiométrique.
Ces éléments laissent donc penser que c'est bien le retour des petites flammes sur les braises qui va déclencher l'explosion et pas seulement la présence des braises, qui ne suffisent généralement pas.
Si ces flammes apparaissent très rapidement, la combustion est "molle" si elles apparaissent tardivement, la combustion est également "molle". Entre les deux c'est l'explosion.
Or lorsque l'on souffle sur des braises, elles n'émettent pas de flammes, mais de la fumée. C'est à l'arrêt de cette ventilation que les flammes vont revenir. C'est (entre autres) ce point qui explique le phénomène de "backdraft naturel", et de "backdraft haute-pression", qui se produisent dans des locaux ouverts et ventilés : le local est ouvert, le vent souffle sur les braises mais celles-ci n'émettent pas de flammes. Plus gênant, si le vent souffle bien vers l'ouvrant, il va empêcher l'extraction des gaz, tout en les compressant et en abaissant le mélange pour atteindre le point st?chiométrique. Et ce n'est pas l'augmentation du vent qui déclenchera l'explosion, mais bien l'inverse: en arrêtant de souffler, le vent laissera les braises émettre des flammes donc déclencher l'explosion, qui pourra donner toute sa puissance, de part la compression des gaz, le mélange qui sera idéal et l'arrêt du vent, qui ne bloquera plus cette explosion.
Conclusion
Les deux modes de déclenchement du backdraft nous montrent que le danger peut venir aussi bien du haut que du bas du local, et surtout que le temps qui va s'écouler entre l'ouverture et l'explosion peut être très variable.
A cette complexité s'ajoute le fait que la pyrolyse ne consomme pas de comburant. Elle peut donc continuer même dans un local dans lequel il n'y a plus du tout de comburant. Nous aurons donc une production de combustible gazeux durant la combustion vive (fumée issues de la combustion), mais également une production de combustible gazeux alors que le feu est éteint (fumées de pyrolyse). Ces fumées ayant des compositions différentes, l'ensemble constitue un mélange complexe!