En intervention, la présence de faux plafonds peut s'avérer
très dangereuse pour les sapeurs-pompiers. Les fumées,
prises au piège, peuvent s'enflammer rapidement, parfois
de façon explosive. Le décès récent
d'Eric Pero (7 février 2007 à Rochefort, Province
de Namur en Belgique) est un exemple de ce type d'événement.
L'article qui suit à été écrit par
Rick KOLOMAY pour le magazine
Firehouse.
Il concerne la gestion
des faux plafonds, avec des considérations qui pourront
être prises en compte afin d'éviter que de tels accidents
ne se reproduisent.
NdT : Pike Pole
Cet article étant tiré d'une publication Américaine,
il y est souvent question des "pike poles". Ces outils
sont ce que les Français appellent des gaffes. Mais alors
que de nombreux corps de sapeurs-pompiers se contentent de gaffes
avec un seul type de crochet et un manche en bois, les sapeurs-pompiers
Américains utilisent quant à eux des gaffes avec
manche en matériaux composites, disponibles en plusieurs
longueurs (avec parfois des rallonges) et dont la partie métallique
peut se changer au gré des besoins. Lorsque nous parlerons
de gaffe, cela désignera donc un "pike pole"
donc un outil assez complet.
Alors que l'équipe du premier
engin termine la mise en place de ses tuyaux au niveau de la
porte d'entrée d'une maison en bois, à un étage,
les tuyaux sont vides d'air, et l'officier se prépare
à l'entrée. La reconnaissance des lieux a permis
de déterminer la présence d'un feu sur l'arrière,
avec une progression rapide. Une intense fumée noire sort
par le toit, indiquant une extension dans le grenier. Il ne faut
pas négliger la ventilation par le toit, mais malheureusement
l'équipe initiale est en nombre insuffisant pour permettre
une telle opération, et une forte ventilation horizontale
doit être mise en place. Comme l'a indiqué maintes
et maintes fois le Deputy Chief John Norman du FDNY : "ventilez
et vous vivrez". Nous pouvons ajouter "Soulever les
faux plafonds durant l'attaque et vous vivrez heureux et plus
longtemps!". |
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La ventilation par le toit ne doit pas être
négligée, mais l'équipe initiale n'est peut être
pas en nombre suffisant pour réaliser une telle opération.
Photo Roy Hervas |
Alors que, dans ce scénario, l'officier se rend compte
que la porte peut facilement être ouverte, des fumées
noires et chargées sortent de la structure.
Les conditions commencent à se dégrader et la
chaleur est poussée sur les sapeurs-pompiers, depuis l'arrière
de l'habitation.
Tandis qu'il avance doucement tout en dirigeant la lance vers
le haut, l'officier entend le bris des vitres et le forcément
de la porte arrière. Le plafond de fumées chaudes
commence à remonter. A seulement quelques mètres
de la porte d'entrée, l'officier, expérimenté,
prend la décision de faire avancer un sapeur-pompier juste
devant la lance, avec une gaffe, pour soulever le plafond. Bien
que la chaleur soit momentanément remontée vers
le plafond, l'officier peut alors ressentir le retour de la chaleur
sur les intervenants. L'officier expérimenté a réalisé
un rapide calcul : une lance + la ventilation + une structure
+ feu dans des zones cachées + conditions de chaleur =
poussez le plafond car le feu peut être au-dessus de vous
!
NdT : dans le cas des interventions sans matériel
de ventilation ou dans le cas d'une impossibilité d'usage
de ventilation, la technique d'anti-ventilation doit être
utilisée. Cette technique consiste à refermer la
porte sur le tuyau, pour ne pas apporter de comburant au feu.
Dans ce cas, la technique consistant à soulever le faux
plafond, reste pleinement utilisable.
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Il est important que l'officier soit placé
à côté de la lance, derrière le sapeur-pompier
qui va soulever le plafond.
Photo Roy Hervas |
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Le sapeur-pompier qui travaillera à l'intérieur
doit être entraîné pour sélectionner
le type de gaffe le plus adapté au type de structure dans
laquelle il devra opérer. Photo Roy Hervas |
Tandis qu'il se place juste devant la lance, le sapeur-pompier
commence à soulever les dalles du faux plafond ou à
percer celui-ci. Cette première opération réalisée
dans le plafond, lui en apprendra beaucoup :
- Quel effort a été nécessaire pour briser
ce plafond ?
- Des morceaux du plafond sont-ils tombés ?
- Est-ce que cette action dégage tout le plafond d'un
coup?
- Dés qu'un trou a été fait, est-ce qu'il
y a eu une nouvelle " bouffée " de chaleur,
indiquant que le feu est proche ?
- Est-ce que des flammes sont " tombées "
du plafond lorsque celui-ci a été soulevé
?
Il est important que l'officier soit placé à
côté de la lance, juste derrière le sapeur-pompier
qui soulève le plafond:
- Il est évident qu'il n'est pas sécurisant de
travailler devant la lance dans le cadre d'une attaque, mais
dans le cas présent, c'est nécessaire.
- Il est important de placer la lance juste derrière
le sapeur-pompier qui travaille avec la gaffe.
- En laissant le sapeur-pompier qui soulève le plafond,
travailler derrière la lance, nous courons le risque
de voir les débris tomber sur la lance et en plus dans
ce cas la protection est limitée puisque le trou est réalisé
juste au-dessus de la lance.
- De même, si de l'eau est utilisée et projetée
verticalement, juste au-dessus de la tête des intervenants
présents, elle leur retombera dessus.
- La lance placée juste derrière le sapeur-pompier
qui soulève le plafond, en assure donc la sécurité.
- En cas de chutes de débris ou de percement de zones
cachées, il y a risque de détérioration
rapide des conditions, obligeant le sapeur-pompier utilisant
la gaffe, à reculer rapidement, tandis que la lance pourra
immédiatement être mise en action vers le haut.
Des situations de backdraft se sont déjà produites
lorsque des équipes intérieures ont ouvert des zones
cachées ou des faux plafonds.
Le chef Bennie Crane du Chicago Fire Department (aujourd'hui
en retraite) a relaté une telle expérience alors
qu'il était en activité. Dans une vieille bâtisse
construite en plâtre, avec des lattes de bois, la lance
était placée dans le couloir, tandis que la fumée
sortait du plafond et d'une pièce attenante, de façon
inhabituelle. Alors qu'il entrait dans la pièce, il lui
a été demandé de soulever le plafond. La
seule chose dont il s'est ensuite souvenu, c'est d'avoir été
tiré dans le couloir d'entrée par l'équipe
qui était venue en rampant jusqu'à lui, pour combattre
le feu violent qui s'était propagé dans la pièce
au moment où il avait soulevé le plafond : un backdraft
s'était en effet produit.
NdT : dans ce cas, outre des précautions et
une protection par une lance, il est clair que la technique d'anti-ventilation
est une solution idéale pour éviter l'apport d'air
déclenchant le backdraft car la mise en place d'une ventilation
forcée pourra difficilement empêcher cet évènement.
Le sapeur-pompier qui sera chargé de cette opération,
devra être entraîné à choisir le type
de gaffe correspondant au type de structure dans laquelle il entrera.
- La gaffe de 1.80m sera utilisée dans certaines constructions
avec des plafonds à 2.50m, mais lorsqu'il faudra travailler
avec des plafonds plus hauts, comme dans les magasins, les bureaux
ou les locaux industriels, il est évident que ce sont
les gaffes de 2.50 ou de 3m qui devront être utilisées.
Les intervenants qui travaillent dans la structure ne doivent
pas penser à soulever les plafonds au-dessus d'eux, en
faisant tomber les débris sur les autres personnes, mais
doivent incliner la gaffe pour faire tomber les débris
en avant de leur position. Dans de nombreux cas, la gaffe de
1.80m sera donc trop courte.
- L'usage d'une gaffe plus longue est également justifié
par le fait qu'il ne sera sans doute pas possible de se mettre
debout, à cause des conditions thermiques. S'il est nécessaire
de soulever le faux plafond tout en restant à genou, cette
position fera perdre plusieurs dizaines de centimètres.
Il sera donc préférable de prendre une gaffe de
2.50m plutôt qu'une gaffe de 1.80m.
- Si vous n'êtes pas certain du type de construction
(par exemple à cause des modifications, des constructions
très légères avec des plafonds très
hauts, etc), prenez deux gaffes différentes avec vous.
- Suivant le type de construction, le choix du type de gaffe
est également important. Dans de nombreux cas, la gaffe
avec une extrémité pour cloisons sèches
est très efficace, mais pour des plafonds de locaux commerciaux,
très fins, une autre extrémité est parfois
nécessaire.
Dans ce scénario d'attaque, l'officier était
assez expérimenté et a désigné un
sapeur-pompier pour travailler à l'intérieur, afin
de pousser le plafond avant que l'équipe n'avance plus
loin. Avec de telles conditions de fumées et de chaleur,
l'officier aurait pu être victime de la "vision tunnel", l'équipe aurait pu s'avancer en position basse
et passer sous un feu important, caché par le plafond.
Le résultat aurait pu être désastreux car
le plafond en feu aurait pu s'écrouler derrière
eux. La bonne synchronisation d'une ventilation efficace, d'un
bon dimensionnement des moyens hydrauliques et de la gestion des
faux plafonds lorsque c'est nécessaire, sont quelques uns
des points clefs permettant d'assurer une bonne sécurité
et une bonne efficacité dans les actions de lutte contre
l'incendie.
Rick KOLOMAY pour Firehouse