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Incendie de Bailleul (59-Nord-France)
- Paru le 22/12/2008
- Déjà lu 17168 fois.

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Pédagogie et formation bulletArticle: Travailler en petit débit avec une lance gros débit


L'article de Paul Grimwood relatif à l'augmentation dramatique des décès en interventions incendie, au sein du Services Incendies du Royaume Uni, soulève entre autre le problème de l'incompréhension globale concernant les débits. Lors des formations nous constatons que ce point pose problème. En effet, tout se fait presque en petit débit, mais tout se fait avec une lance qui peut donner du gros débit. Cela peut paraître étonnant et il est donc tentant de n'utiliser que des lances petits débits. C'est une énorme erreur, comme nous allons le voir dans cet article.

Des zones de feu
Dans un feu en extérieur, seul le combustible solide (bois, papier...) pose problème. Dans ce contexte, l'émission de chaleur d'un feu, qui se fait principalement par le haut (convection, environ 70%) n'a pas d'impact sur les intervenants. Les fumées, fortement combustibles, ne sont pas piégées et s'échappent. Dans un feu de structure, donc dans une habitation, les choses sont différentes. La présence du plafond va piéger les fumées. Celles-ci, chaudes, vont également subir la différences de pression entre les zones chaudes et les zones froides et vont se déplacer. Le sapeur-pompier va ainsi se trouver confronté à plusieurs problèmes:

  • Eteindre le foyer, donc par exemple le canapé en feu
  • Passer dans des zones de danger, pour atteindre ce foyer «solide»

Or ces zones de danger sont des zones avec un combustible gazeux (la fumée) qui se déplace, prend feu assez facilement et propage les fronts de flammes de façon violente et quasi-instantanée.

En fait, alors qu'en extérieur, il n'y a qu'une «classe» de feu (solide), le feu de local est un feu bi-classe: gazeux et solide.

Refroidir puis éteindre
Face à un feu «solide», l'objectif est d'éteindre. C'est l'action classique. Mais dans la progression vers ce foyer solide, dans un feu de local, il faudra refroidir les fumées donc les gaz. Nous aurons alors un simple refroidissement, puis une extinction. Nous n'éteignons pas les fumées chaudes: nous les refroidissons. Mais rendu face au canapé, nous éteignons celui-ci.
Les fumées sont impalpables. L'eau, envoyée avec force, va les traverser, heurter les parois, produire de la vapeur et l'expansion de celle-ci va repousser les fumées sur les intervenants, donc les brûler. Pour refroidir les fumées et avancer avec le plus de sécurité possible, il faut réussir à suspendre un brouillard d'eau, en l'air, sans toucher les parois. Or, pour des raisons physiques mais aussi des raisons de matériel, ceci ne peut se faire qu'avec un petit débit.
Il est a noter que sur certains secteurs, l'usage de caissons «flashover» avec exutoire, fausse ce raisonnement puisque la vapeur s'échappe dés que l'on ouvre l'exutoire. Ce n'est donc qu'une fois face à un vrai feu, dans une pièce sans exutoire, que le sapeur-pompier se rendra compte de son erreur.

Sur les lances actuelles, le diamètre des gouttes varie suivant le débit (voir les essais des lances POK Debikador par exemple). Plus le débit augmente, plus les gouttes sont grosses donc lourdes, et restent peu de temps en l'air, ce qui n'est pas efficace. En plus, envoyer de l'eau a pour objectif de transformer celle-ci en vapeur pour absorber de la chaleur et donc refroidir les fumées. Mais si nous envoyons trop d'eau, nous générons un trop grand volume de vapeur, ce qui n'est pas bon. En clair, pour refroidir les fumées, il faut du petit débit (de l'ordre de 100 à 150 lpm) en petites impulsions, sans toucher les parois (Méthode 3D, voir article sur la progression).
Rendu face au foyer solide, il y a deux solutions: soit le local est ventilé, soit il ne l'est pas. S'il l'est, il est possible d'éteindre rapidement, sans avoir de souci à se faire avec la vapeur que l'on va générer. La solution de l'attaque combinée (ZOT, voir article attaque combinée) est acceptable. Elle se pratique à gros débit (de l'ordre de 400 à 500lpm). Si le local est mal ou pas ventilé, il faudra travailler en petit débit, avec des petits coups de lance dans les fumées (pulsing) afin de refroidir l'atmosphère et travailler confortablement, alternés avec des petits coups de lance en jet droit, sur le foyer (voir article Attaque pulsing-penciling). Là, tout se fait en petit débit. L'objectif étant alors d'éteindre et d'empêcher la reprise, tout en ayant un jet assez pénétrant pour passer au travers du rayonnement émis par le feu.

Additifs Class A et jet baton
L'usage des additifs de class A (type Sylvex par exemple) ne change rien au problème bien au contraire. Dans toutes les interventions étudiées (voir document sur l'approche tactique), sans exception, les accidents se sont produits avant d'atteindre le combustible solide. C'est donc le trajet qui est dangereux, pas l'attaque. Or les systèmes d'additifs alourdissent les gouttes d'eau et le résultat semble moins efficace sur les fumées (Etude du NIST sur l'impact des additifs sur les gouttes d'eau). Paradoxalement, ces systèmes vont donner un meilleur résultat sur l'élément solide, donc sur le moins dangereux, mais vont diminuer l'efficacité sur la zone de trajet (la plus dangereuse). Il n'en reste pas moins que le refroidissement des fumées, en pulvérisé petit débit avec additif, sera toujours préférable à une tentative de pénétration dans une structure, sans refroidissement, et que l'usage d'un additif permettra d'éviter plus facilement le risque de reprise.
Quand au jet bâton, il est encore conseillé dans certains pays sous prétexte que le jet diffusé génère trop de vapeur. C'est vrai si le jet diffusé est mal utilisé: avec un jet continue, en gros débit, avec un angle assez étroit, dans les fumées, les parois du local seront percutées et il y aura effectivement beaucoup de vapeur. Mais tous les stagiaires qui ont travaillé en caisson l'on constaté: un coup de lance un tout petit peu trop long, trop fermé ou mal dirigé, refroidit bien, mais provoque un petit coup de vapeur. Bien réglé, bien placé, le même jet ne produit plus que du refroidissement, donc sans ce coup de vapeur. Le problème étant que ce n'est pas en essayant une fois, sans être persuadé du principe, que l'on obtient un bon résultat!

Les zones de feu dans un local

1 - la zone solide
2 - la colonne de flamme, renouvelée en permanence, générée par la zone 1
3 - les gaz chauds (avec parfois des flammes)
4 - les objets soumis à la chaleur, qui pyrolysent et vont prochainement prendre feu
A - zone d'approche (refroidissement des zones 3 et 4)
B - zone à partir de laquelle l'attaque de la zone 1 sera réalisée

Quand au passage de porte (voir article sur cette méthode), il se pratique également à petit débit.

De tout cela, nous pouvons déduire qu'un petit débit est suffisant: nous nous en servons pour passer la porte, pour progresser et nous pouvons également attaquer avec un tel débit. Mais tout ceci ne part que d'une supposition: tout va bien.

Une question de mentalité
Dans le secteur du secours à personne (ambulance) c'est toujours le pire qui est envisagé: nous plaçons des attelles, des colliers cervicaux, nous brancardons avec grand soin alors même qu'il n'y a sans doute rien de critique. Paradoxalement, en incendie, la mentalité change et le fonctionnement général se base sur le principe que de toutes façons, tout ira bien. Le sapeur-pompier se permet d'émettre des avis défavorables sur l'ouverture de bars, restaurants, cinémas, etc... qui ne respecteraient pas les consignes de sécurité. Mais lors des interventions incendies, les équipes se munissent souvent d'un matériel réduit, sous prétexte que « c'est suffisant ».
En fait, en se munissant d'un matériel qui ne permet de gérer que des conditions idéales, le sapeur-pompier se met dans la même situation qu'un directeur de cinéma qui dirait «nous ne mettons pas d'issue de secours car nous n'avons jamais d'incendie dans notre cinéma».

Petit débit utilisé, mais gros débit disponible
Nous le lisons depuis longtemps dans de nombreuses études: s'il est possible de faire beaucoup avec un petit débit, lorsque celui-ci s'avère insuffisant, nous ne pouvons plus rien faire du tout.

Ainsi, face à un front de flamme qui se déplace dans une zone gazeuse, vers les intervenants, seul un gros débit pourra assurer la survie du personnel. De même, si la situation empire d'un coup (ce qui est assez fréquent dans les feux de structure), les sapeurs-pompiers ne pourront lutter qu'en augmentant le débit. En se munissant d'un matériel « petit débit », les intervenants ne disposent pas de réserve. Or, le sapeur-pompier doit être un gestionnaire des risques, doit se préparer à toutes les situations, et envisager les cas de fortes dégradations.

L'accident de Bully-Les-Mines (Pas-de-Calais, France, Mars 2006) dans lequel a été impliquée une des membres du site flashover.fr démontre de façon flagrante que les situations apparemment banales peuvent évoluer en quelques secondes vers un véritable enfer et que seuls des moyens importants peuvent alors permettre de survivre (car à ce stade, c'est bien de survie dont il est question!).

Progression de la puissance thermique du feu de Bully-Les-Mines. Les tracés rouges indiquent la puissance thermique absorbable par une lance, en fonction du débit, avec un rendement de 70%. Ne pouvant fuir, les deux sapeurs-pompiers se sont protégés avec leur lance avec un débit de 500lpm. Ils n'ont été que légèrement brûlés aux mains (gants de cuir). Il est évident qu'ils doivent leur survie à ce gros débit et quand le cas d'une utilisation de moyens hydrauliques plus faibles, l'issue aurait été fatale.

La pression: une illusion
Sur certains secteurs, l'usage de lances soi-disant « haute pression » donne une illusion de sécurité. Les véritables lances haute pression ont été inventées dans les années 1950 afin de produire des jets pulvérisés à grande portée, pour des attaques menées de l'extérieur, destinées à produire beaucoup de vapeur (attaque indirecte). Dans le cas des attaques intérieures, ces lances s'avèrent incapables d'assurer la sécurité du personnel, car la pression n'a pas d'influence sur l'absorption thermique. Le point clef, c'est le débit. D'ailleurs si les lances haute pression on été massivement utilisées aux USA après la seconde guerre mondiale, leur usage a complètement disparu dés les années 1970 / 1980 au profit des lances gros débit sur tuyaux souples, seules aptes a assurer la sécurité du personnel dans le cadre des attaques intérieures.

La roulette Russe
Utiliser une lance limitée en débit (type LDT Française, Booster Line Brittanique, HP Belge...) c'est jouer en permanence à la roulette russe. Saisir cette lance pour un feu de local, même insignifiant, revient à prendre un revolver, à se le mettre sur la tempe et à presser la détente. Avec une particularité: à chaque fois que sur votre secteur d'intervention, une personne renforce ces fenêtres, achète des éléments mobiliers combustibles, ou isole sa maison, elle ajoute une cartouche dans le barillet de votre revolver...


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Re: Travailler en petit débit avec une lance gros débit (Score: 1)
par stoller le 20 avril 2008 à 11:52:10
(Profil Utilisateur | Envoyer un message)
Bonjour Pierre-Louis, Bravo et merci pour ce "petit dernier". Tu enfonces un nouveau un clou dans cette problématique des PRF et une nouvelle fois, c'est très clair ( pour qui veut bien voir! ) . Amicalement. Alain Stoller


 
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