Un article de Paul Grimwood
En temps de paix, nos sapeurs-pompiers n'ont jamais été
confrontés à autant de risques lors de la lutte
contre les feux de structures. En Grande-Bretagne, les pertes
humaines pour les sapeurs-pompiers sont actuellement à
leur niveau le plus élevé depuis 30 ans! Le risque
n'a jamais été grand, mais la situation va encore
se détériorer avec la diminution massive des ressources,
telle qu'elle est planifiée. La modernisation est désormais
en marche, et l'on voit désormais la vérification
des prédictions faites sur Firetactics en 2002, en réponse
au rapport Bain.
Depuis 1991, j'ai ouvertement décrit la situation d'un
service incendie Britannique sur le déclin. Epuisement
des ressources, réduction du parc d'échelles aériennes,
augmentation des temps de travail et réduction des effectifs
aboutissent à ce constat. Désormais, cette triste
diminution de la qualité de prestation des services a un
effet spectaculaire sur la force de lutte contre l'incendie.
Statistiquement, avant 2004, les services incendies du Royaume-Uni
subissaient une moyenne de 1 décès de sapeur-pompier
par an, pour 100.000 incendies de structures. Toutefois, au cours
de la période 2004-2007, les pertes en vie humaine ont
augmenté de façon spectaculaire pour atteindre 2,7
pour 100.000 incendies de structures, c'est-à-dire un décès
tous les 37.000 incendies. Le taux de mortalité a presque
triplé. Nous avions l'habitude d'être fier de notre
« sécurité », mais le résultat
annuel est désormais plus mauvais qu'aux USA.
Aux USA, les analyses des décès (causes traumatiques)
de sapeurs-pompiers, montrent qu'il y a une moyenne de 1,9 décès
par an pour 100.000 feux de structures (un nombre plus faible
que celui qui était observé au début des
années 1980), bien que ce résultat ait été
à son maximum (3 pour 100.000 feux de structures) sur une
période de 30 ans, avec un pic dans les années 1990.
Les principales causes de ces décès (LODD - Line
of Duty Death) sont l'inhalation de fumées, les brûlures,
les lésions par écrasement et les traumatismes.
A noter que ces statistiques du Royaume-Uni et des États-Unis,
sont strictement liées à des opérations de
lutte contre l'incendie et excluent toutes les autres causes de
décès, comme les crises cardiaques, les accidents
de la route (trajet vers l'intervention), etc...
NdT: nous devons aussi noter que ce nombre, même
s'il est significatif, cache pourtant une réalité
encore plus dramatique puisque les blessés ou les «
presque accidents » ne sont pas répertoriés.
Les « morts » ne sont donc que la partie émergée
de l'iceberg, ce qui donne à certains pays, et plus particulièrement
les pays de petite taille ou à faible population, l'illusion
que tout va bien.
Des lacunes en termes de tactiques et de commandement ont progressivement
évolué pour former une sorte de triangle de la complaisance,
désormais monnaie courante au Royaume-Uni( NdT: et autre
part également!)
- Manque d'expérience
- Entraînement et commandement inadapté
- Complaisance (manque de discipline)
Il y a également une douzaine d'erreurs tactiques qui,
du fait de l'insuffisance de la formation, peuvent expliquer les
problèmes rencontrés en intervention.
- Echec dans le confinement du feu, dans l'attente de la mise
en place de moyens hydrauliques
- Echec dans le déploiement et l'adéquation des
ressources
- Incapacité à fournir un débit adéquate
sur la première ligne d'attaque
- Echec dans la communication des informations aux équipes,
avant leur engagement
- Déviation par rapport aux procédures opérationnelles
et ce, sans raison valable
- Echec dans la mise en place au bon endroit et au bon moment,
d'une ventilation tactique (NdT : pas obligatoirement
VPP, le confinement faisant parti de le ventilation tactique
tout comme la ventilation naturelle !)
- Echec dans la mise en place d'établissements de sécurité
(seconde ligne d'eau)
- Echec dans les communications
- Echec dans la gestion des procédures liés aux
appareils respiratoires
- Echec dans la mise en oeuvre de manoeuvres de recherche efficaces
- Incapacité à établir un choix tactique
clair (offensif / défensif) en début d'opération
- Incapacité à établir un mode de commandement
et de contrôle, dès le début des interventions
Estimation des ressources par les modèles informatiques
Nous voyons maintenant des experts tenter d'évaluer
les besoins de couverture incendie du Royaume-Uni, en utilisant
des modèles informatiques basés sur l'analyse des
risques « de la vie courante ». Très bien!
Mais cette approche n'est pas en phase avec l'activité
des sapeurs-pompiers. Nous voyons ainsi les premiers effets d'une
réduction des effectifs complémentaires, sur les
véhicules incendies.
NdT: nous parlons ici de modèles informatiques
de gestion générale des risques et pas d'outils
de modélisation d'incendies, tels que FDS.
Ces « experts » s'amusent avec des modèles
informatiques, suppriment les engins de leurs équations
et constatent que le nombre de morts chez les civils n'augmente
que très légèrement. Imaginez: une zone dans
laquelle il n'y aura plus de services incendies, mais sur laquelle
le nombre de décès n'augmenterait pas aussi dramatiquement
qu'on le suppose!
Ils leur suffit de remettre alors seulement la moitié
des engins incendie sur le secteur pour remarquer que le nombre
de décès de civils redevient « normal »
(en fait, au même niveau que si nous avions l'actuel complètement
de ressources humaines et de matériel). Ces personnes se
demandent alors « Pourquoi ont-ils besoin d'autant de véhicules
incendies? ». Et nous pouvons donc supprimer des centaines
de sapeurs-pompiers, en conservant le même taux de mortalité
chez les civils.
Mais qui a considéré l'effet que cela aurait
sur les sapeurs-pompiers qui restent en service?
Avec la moitié des effectifs, les intervenants sont
confrontés à un stress beaucoup plus grand.
Leur travail est déjà assez dangereux comme cela.
Les sapeurs-pompiers sont déjà confrontés
aux sous-effectifs dans les feux d'immeubles de grande hauteur,
et dans d'autres situations, et cette diminution planifiée
des ressources humaines les conduira à travailler avec
encore moins de marge de sécurité.
Le nombre de décès en intervention continuera
à croître durant les prochaines décennies.
A moins que .... nous restions dehors .... toujours en action
défensive... en déversant l'eau par les fenêtres.
Les statistiques sur les pertes causées à la population
remonteraient alors légèrement, mais quelles économies
budgétaires!!
Et que dire lorsque les vies des autres civils sont sauvées
par le fait d'amener les véhicules de secours auprès
des victimes en arrêt cardiaque, dans un délai inférieur
aux 5 minutes critiques. Pourquoi ne pas avoir mis ces paramètres
dans les analyses incendies ?
Il y a donc tromperie quant aux statistiques utilisées
pour l'analyse des pertes en vie humaine, dans les incendies !
Voyons nous la situation réelle ?
Un autre sujet de préoccupation concerne l'approvisionnement
en eau. Il y a une croyance (fausse) que l'on trouve au Royamume-Uni
(NdT: et pas seulement dans ce pays!!!) qui est que l'on peut
combattre plus efficacement les feux de compartiment en recourant
à des tactiques de CFBT (Attaque 3D), avec beaucoup moins
d'eau disponible qu'avant. Moins d'eau distribuée plus
efficacement dans les couches de gaz éteindrait les incendies
encore plus rapidement que les grandes quantités d'eau
destinées à éteindre la base du feu. C'est
ridicule! Les formations CFBT n'ont jamais été destinées
à voir une réduction de débit nécessaire,
mais plutôt d'une utilisation plus optimale des débits
dans la lutte contre les incendies.
Et comme les réseaux hydrauliques sont de plus en plus
réduits (poteaux, bouches) cela incite à réduire
le nombre d'attaquants pour les faire travailler sur les réserves
d'eau des engins, en utilisant des débits reconnus internationalement
comme inférieur à ce qui est nécessaire pour
la sécurité.
Il existe d'autres problème dans le cadre des installations
en hauteur, avec mauvais placement des extractions de fumées.
Toutes ces questions se poseront de plus en plus dans le temps,
à cause de nouveaux problèmes engendrés par
le sous-financement des services d'incendie.
Les petits débits sont dangereux (une moyenne de 230
lpm a été mesurée nationalement en Grande-Bretagne
sur des tuyaux de 45mm!). La France et les USA ont défini
légalement les débits nécessaires, a un niveau
deux fois supérieurs! En Grande-Bretagne, il n'y a pas
de débit minima et la sécurité n'est pas
correctement assurée.
Et maintenant, la modernisation et ses économies, va dans
le sens de la réduction du nombre d'hydrants (poteau ou
bouches incendies).
Les services incendies Britanniques, tout comme la société
qu'ils défendent se trouvent face à un avenir sombre.