Auteur : Franck Gaviot-Blanc
Merci à Pierre-Louis Lamballais pour la relecture et les
commentaires.
Retour du courant de convection - Backdraft, Explosion de fumée - Smoke Explosion,
Feu Eclair - Flash Fire... Comment s'y retrouver ?!?
Depuis la création du site, aux nouveaux membres qui
nous parlent d'accidents thermiques, d'embrasement généralisé éclair et d'explosion de fumées, nous répondons
progression rapides du feu, Flashover, Backdraft, Smoke Explosion ou Flash Fire... Le but de cet article est de vous apporter une information "rapide" et la plus claire possible sur
les termes Backdraft, Smoke Explosion et Flash Fire.
Pour pouvoir parler de ces phénomènes, il nous semble plus logique de conserver le vocable anglo-saxons, car à ce jour il
ne connaissent pas de retranscription officielle ne permettant
pas l'ambiguïté.
La traduction qui semble à ce jour la plus appropriée
au terme Backdraft telle que l'entendent les anglo-saxons serait: retour du courant de convection.
Note: le terme retour indique ici que le courant de convection était initialement présent, qu'il a disparu et qu'il réapparait. Le terme retour ne doit donc pas être pris dans le sens d'une inversion du sens du courant, car celui-ci va toujours dans le même sens.
Qu'est-ce qu'un courant de convection ? A quel(s) mécanisme(s)
physique ce phénomène répond-il ?
Un courant de convection peut s'apparenter à un déplacement
d'air généré du fait de la différence
de température que peut connaître un même fluide
en son sein.
Un fluide qui a une température homogène, est
thermiquement stable. De ce fait, il ne connaît aucun mouvement
remarquable en son sein. En apportant de la chaleur en un point
donné d'une zone de ce fluide, cette énergie va
permettre au volume ainsi réchauffer de voir son poids
diminuer. Et, tout comme une bulle d'air remonte à la surface
d'un liquide parce qu'elle est moins dense que le milieu dans
lequel elle évolue, cette zone de gaz chaud va se déplacer
par rapport à la zone froide qui l'entoure (et vice versa)
de façon à ce qu'un nouvel équilibre physique
soit mis en place. Cela engendre deux choses :
- Le volume soumis à la source d'énergie va du
fait de son déplacement s'en éloigner. Donc il
se soustrait à la zone de chauffe et chemine à
travers le gaz froid qui l'entoure. Cela va contribuer à
son refroidissement progressif au fur et mesure de son ascension. De ce fait, sa densité va augmenter
de nouveau et il va redescendre etc.
- En s'extrayant de la zone de chauffe, le volume chaud permet
au gaz froid placé à proximité de venir
se réchauffer. Sa densité diminue à son
tour, il s'élève etc.
|
Voilà une illustration de
l'explication faite ci-dessus. Elle permet d'observer à
la mise en service d'un convecteur électrique le déplacement
des volumes d'air et l'évolution de leur température
au fur et à mesure du déplacement. Plus le flux
s'élève, moins il est soumis à la source
de chaleur et plus il se refroidi. Ainsi un mouvement circulaire
s'instaure dans la pièce. Ce mouvement de déplacement
des flux du fait des variations de densité est connu sous
le nom de courant de convection ou courant de gravité
(gravity current) chez les anglo-saxons. |
D'un point de vue opérationnel, à quoi cela correspond-il? Pourquoi parler de retour du courant de convection ?
Rappel : un local en situation de pré-backdraft
est un local qui a connu précédemment le développement
d'une combustion vive, contrôlée par le comburant
(c'est lui qui commande l'évolution du feu). Le résultat,
c'est une déplétion en oxygène de l'air qui
a aboutit à l'interruption du processus de développement
normale du sinistre ; le local contient donc un mélange
de combustibles dispersés (fumées et gaz issues
de la combustion), tout cela, dans une ambiance thermique généralement
stratifié mais pas forcément très élevé, des températures de l'ordre de 250/350°C au plafond
pouvant être suffisantes. Ce ciel gazeux chaud va interagir
sur les revêtements muraux, le mobilier et le(s) revêtement(s)
de sol en les faisant pyrolyser. Les gaz ainsi produit sont extrêmement
inflammables et capable de s'auto-enflammer à des températures
de l'ordre de 200°C.
L'absence d'entrée d'air dans la pièce sinistrée,
conditionne la limitation des échanges de gaz de part et
d'autre de la porte. De ce fait les échanges sont très
limités (interstices) ; nous pouvons donc considérer
qu'il n'y a pas de déplacement du flux chaud vers le flux
froid et inversement, donc pas de courant de convection. Ces déplacements
redeviennent possibles à l'ouverture de porte. Le flux
chaud contenu dans la pièce sinistrée et le flux
froid contenu à l'extérieur (couloir, etc.), vont
pouvoir se déplacer : le courant de convection redevient
observable, on parle donc d'un retour du courant de convection.
Au moins deux paramètres vont conditionner la vitesse
d'établissement de ce retour et le temps nécessaire
au déclenchement de la mise à feu :
- La différence de température qui conditionne
la différence de pression entre l'intérieur et
l'extérieur du local sinistré (voir le document
"Influence du froid")
- Le délai d'intervention des secours et leur action
Ce qu'il est important de bien comprendre, c'est qu'une telle
scène de feu peut évoluer de multiples façons,
en fonction du temps que vont mettre les secours pour intervenir,
des actions qu'ils vont mettre en place et aussi de la façon
dont ils vont les mettre en oeuvre.
Exemple : l'ouverture complète d'une porte
(90 cm) effectuer rapidement, n'engendrera pas les mêmes
effets qu'une ouverture prudente et limitée à 20
ou 30 cm etc...
|
Schématisation de la
rencontre des deux flux d'air à l'ouverture de la porte.
Suivant la vitesse de déplacement des deux flux (chaud
/ froid) un brassage à l'interface des deux courants est
généré. L'air frais en progressant se réchauffe,
monte diluer la phase combustible concentrée pour la diluer
et lui permet de descendre en dessous de sa LSE. |
Arrivés à cette phase, deux scénarios
peuvent être observés en fonction de la température
qui règne dans la pièce sinistré :
- Soit la température d'enceinte est supérieure
à la température d'auto-inflammation du mélange
et permet donc sa mise à feu, une fois celui-ci redescendu
en deçà de sa Limite Supérieure d'Explosibilité,
- Soit c'est un point chaud existant ou qui va se former par
l'effet de " vent " généré par
le courant de convection qui se chargera de la mise à
feu.
Le backdraft correspond à la mise à feu accidentelle
des gaz combustibles contenus dans un local jusqu'alors en déplétion
d'oxygène dans lequel par le biais du retour d'un courant
de convection nous avons pu faire entrer suffisamment d'air frais
oxygéné.
(Voir le kit mini-maison disponible sur flashover.fr)
Explosion de fumée Smoke explosion
En 1999, J.B. Sutherland, un chercheur de l'Université
de Canterbury, New Zealand à publié un rapport d'étude
intitulé Smoke Explosion : http://www.firetactics.com/Smoke,%20Sutherland.pdf (rapport en anglais).
La traduction de Smoke Explosion est : Explosion de fumée...
Ce rapport établit qu'un mélange fumée
/ air, placé en présence d'une flamme peut être
mis à feu. Le fait d'admettre que l'ignition d'une telle
source combustible et possible, nous permet de prendre conscience
d'un danger non pris en compte jusqu'alors. L'ambiance dans laquelle
nous évoluons pour accéder jusqu'au foyer, ou lors
des recherches de victimes etc. avec nos ARI, est potentiellement
aussi dangereuse que l'ambiance que nous rencontrons lors d'une
fuite de gaz, car la fumée peut contenir une quantité
non négligeable de combustibles inflammables Des précautions
devraient alors être prises.
Le fait de ne pas parler de l'existence des Smoke Explosion,
ou de le confondre avec d'autre phénomènes, fait
que nous occultons complètement ce dangers. Il est banal
pour un sapeur-pompier d'évoluer avec son ARI au milieu
de la fumée. Mais, l'utilisation d'un poste portatif, d'un
lampe, etc non adapté, tout comme la mise à nu de
flamme, l'élévation d'une braise dans le plafond
de fumée etc. peut mettre à feu le milieu enfumée
et générer ainsi une explosion.
Contrairement à ce que nous connaissons, ce danger est
d'autant plus sournois, qu'il peut se présenter dans une
pièce qui est mitoyenne ou non à la pièce
sinistrée, la fumée peut ne pas être très
chaude
Le feu éclair - Flash fire
Les conditions d'occurrences sont les mêmes que pour
la smoke-explosion : fumées en mélange avec l'air
dans lesquelles est placée une source d'ignition (étincelle,
braise, flamme, etc.) qui met à feu l'ambiance enfumée.
La différence avec la smoke-explosion c'est que les effets
engendrés par cette mise à feu ne génère
pas une surpressions suffisante pour être qualifiée
d'explosion.
En 2001, le National Fire Protection Association a définit
le Flash Fire ainsi :
A fire that spreads rapidly through a diffuse fuel, such as
dust, gas, or the vapors an ignitable liquid, without production
of damaging pressure. [NFPA 921-2001]
Traduction : Un feu qui se propage rapidement dans un combustible
dispersé, tel que la poussière, le gaz ou les vapeurs
d'un liquide inflammable, sans production de pression nuisible.
nb : la version anglaise a volontairement été
reproduite au cas où la traduction serait erronée, merci de m'en faire part.
Ce qui différencie le Flash Fire d'une Smoke Explosion
et lié à la vitesse de déplacement du front
de flamme. Car c'est cette vitesse qui conditionne les effets
d'une progression rapide du feu.
Dans sa vidéothèque, le site www.flashover.fr
dispose d'une séquence qui montre un phénomène
thermique répondant à cette définition "Incendie
magasin LIDL". Nous voyons sur cette vidéo qu'aucun
effet remarquable de surpression n'est engendré par le
phénomène thermique, les personnes qui sont prises
dans le combustible en feu sont a peine abasourdies. Si le phénomène
avait été une Smoke Explosion, les dégâts
constatables sur les structures et les personnels auraient été
tout autre.
La Smoke Explosion et le Flash Fire correspondent tout deux
à une mise à feu accidentelle par apport d'une énergie
suffisante (flamme, étincelle, etc) de gaz combustibles
placé dans un milieu correctement oxygéné,
tout comme le serait un gaz (méthane, propane, butane),
ou des poussières combustibles (farine, cacao, riz, métaux).
Ces deux phénomènes font partie d'une seule et même
famille, distincte de celle des flashover et des backdraft, et
nommée FGI (Fire Gaz Ignition).
Deux issus sont alors observables :
- Soit la vitesse de propagation du front de flamme est importante.
Elle est alors accompagnée d'une vague de pression de
l'ordre 50 à 100 mb (Croft, 1980). Le phénomène
génère de ce fait des dégâts par surpression,
ce sera une Smoke Explosion.
- Soit la vitesse de propagation du front de flamme, est faible.
Elle n'est donc pas accompagnée par une vague de pression
suffisante. Le phénomène ne génère
pas de dégât par surpression et ne peut donc pas
être qualifié d'explosion, il sera nommé
Flash Fire (Wiekema 1984).
Prenez conscience des dangers liés aux fumées,
quelques soient leurs aspects, apparences, couleurs, températures,
localisations etc.
Alors, retour du courant de convection, Backdraft, explosion
de fumée, Smoke Explosion, feu éclair, Flash Fire
; à vous de voir ou de savoir !
Assurez-vous simplement lorsque vous parlez de progressions
rapide du feu, que votre (vos) interlocuteur(s) ai(en)t bien compris
de quoi vous voulez parler...