Développement du feu dans un compartiment - Partie I

Date: 13 octobre 2006 à 13:58:29
Sujet: Pédagogie et formation


Ed Hartin / Firehouse.com (Trad. Franck Gaviot-Blanc, PL Lamballais)
Les connaissances élémentaires du comportement du feu fournissent une base pour la compréhension de son développement dans un compartiment, sa propagation à travers la structure, ainsi que pour les tactiques et stratégies de lutte. Bien que pour la majorité des lecteurs, ce document puisse être considéré comme une révision, il y a également quelques nouveaux concepts ou manière d'appréhender les phénomènes liées au comportement du feu, qui seront utiles à votre compréhension. A la fin de cet article vous trouverez une série d'études et de questions. Ces questions ne constituent pas un "quizz" sur le contenu de cet article, mais sont un moyen pour que vous ayez une vision sur le comportement du feu dans la lutte contre les incendies dans les structures. Utilisez ces questions comme point de départ pour une discussion au moment du repas ou lors d'une instruction informelle dans votre centre.

Les bases
Si vous regardez les textes émanant des Services Incendie, vous y trouverez une multitude de définitions de la combustion. Mais toutes décrivent le même phénomène : une réaction chimique (oxydation) produisant de la chaleur (exothermique) dans laquelle un combustible se combine avec de l'oxygène. Dans leur forme la plus simple, l'hydrogène et l'oxygène se combine, ce qui a pour résultat la production de chaleur et de vapeur d'eau. La plupart du temps ce processus est cependant bien plus complexe.

Dans un feu de structure typique, la grande variété de combustibles et la limitation de la ventilation produit un mélange complexe, toxique, et inflammable de solide, gaz et vapeur, produits de combustions issus de la réaction d'oxydation.
La façon la plus courante de représenter les éléments clés de la combustion est l'emploi du triangle du feu. Le triangle du feu ne fournit pas une explication complète des processus physiques et chimiques impliqués dans le processus de combustion. Dans le cadre qui nous concerne, il est cependant suffisant et permet d'acquérir une bonne connaissance du comportement du feu dans un compartiment.

La combustion exige du combustible et de l'oxygène dans des proportions correctes ainsi qu'une énergie calorifique suffisante pour démarrer la réaction. Le combustible doit être en phase gazeuse (ou vapeur) afin que la combustion puisse se produire.

C'est simple lorsque le combustible est déjà à l'état gazeux (comme le méthane) car le combustible est déjà dans cet état. Les liquides doivent être vaporisés afin que la combustion puisse se produire. Quelques liquides se vaporisent suffisamment pour brûler aux températures normales (l'essence par exemple), d'autres exigent un apport de chaleur complémentaire afin de libérer suffisamment de vapeur pour permettre la combustion (cas du fioul). Cependant, sur un feu de compartiment, le combustible est généralement un combustible solide comme le bois, le papier, ou le plastique.

Allons un peu plus loin, et voyons comme brûle le bois. Comme montré sur le schéma ci-contre, le bois est initialement chauffé, la vapeur d'eau est éliminé donc le bois sèche. Comme l'action de la chaleur se poursuit, le bois commence à pyrolyser. Il est alors décomposé en composés volatiles et en carbone.

Pour que l'allumage ait lieu, il faut que les vapeurs combustibles et l'oxygène soient dans des concentrations correctes et soient portés à leur température d'inflammation. Noter bien que pour cela, il n'y a pas besoin que le bois solide soit chauffé à sa température d'inflammation. Si la concentration en vapeur combustible dégagée est suffisante et qu'elle est mélangée à l'air, elle peut être mise à feu.

La vapeur combustible et le carbone brûlent séparément. Les flammes visibles impliquent la combustion de la vapeur combustible. D'autre part, l'oxydation du carbone peut avoir lieu à la surface du matériau solide (comme avec le charbon de bois rougeoyant).
La pyrolyse commence à une température très basse (en-dessous de 200°C) par rapport à celle nécessaire à l'allumage des produits volatiles de pyrolyse (qui s'étend grossièrement de 500°C à 700°C). Le tableau 1 décrit les effets de la pyrolyse dans différentes zones de température (Browne cité dans l'ouvrage de Pitts, Johnsson, & Bryner) et les températures d'inflammation du carbone et des composants volatiles courants, libérés lors de la pyrolyse du bois.

Tableau 1. Zones de pyrolyse et températures d'inflammation

Zones de pyrolyse Températures d'ignition
Zone A: jusqu'à 200°C
Le bois est séché et une partie de la décomposition a lieu
Zone B: 200 à 280°C
Un grand nombre de composés chimiques complexes est produit par la décomposition et les cendres apparaissent
Zone C: 280 à 500°C
Une pyrolyse rapide a lieu avec dégagement / génération d'un grand nombre de composés chimiques complexes. Des réactions secondaires entre ces produits peuvent avoir lieu et du charbon de bois se form.
Zone D: > 500°C
La température de surface du charbon de bois est suffisante pour produire des réactions secondaires (par exemple grandes quantités de monoxyde de carbone, gaz toxique et inflammable)

Carbone: 407 à 590°C
Hydrogène: 580 à 590°C
Méthane: 650 à 750°C
Ethylène: 542 à 548°C
Ethane: 520 à 630°C
Benzène: 740°C
Monoxyde de carbone: 644 à 658°C


Les températures d'ignition données sont basées sur les données de températures (basse et haute) relevés dans des sources de références multiples. La température d'ignition est aussi fonction de la concentration d'oxygène dans l'atmosphère.
La pyrolyse du bois aboutit à la production d'un nombre très important de composés chimiques complexes. Les composés inscrits ci-dessus sont simplement un échantillon représentatif des substances les plus communes.

Produits de la combustion
La description des produits issus de la combustion comme la chaleur, la fumée et parfois la lumière, est aussi simple que celle que nous avons utilisé pour décrire basiquement la combustion, avec le triangle du feu. De ces trois types généraux de produits, la chaleur et la fumée sont généralement ceux qui présentent le plus grand intérêt pour les sapeurs-pompiers.
La chaleur est liée à l'énergie totale d'une substance. Quant à la température, elle est liée l'énergie cinétique moyenne (énergie du mouvement). Un point important concernant la température est que la chaleur se dégagera des substances ayant une température plus élevée pour se diriger vers celles ayant une température plus basse. C'est particulièrement important pour la compréhension de la propagation du feu et de son contrôle tactique.

La fumée est un aérosol constitué de gaz, de vapeur et de substances sous forme de particules solides. Les gaz de combustion comme le monoxyde de carbone sont généralement incolores, alors que la vapeur et les particules fournissent à la fumée ses différentes couleurs. La plupart des composants de la fumée sont toxiques et présentent une menace significative pour la vie humaine.

Souvent la fumée est perçue comme une menace moindre par rapport aux flammes. Ce n'est pas toujours une perception correcte. Les fuites de gaz combustible tels que le méthane et le propane sont généralement traités avec beaucoup de soins. Or, l'oxyde de carbone, qui est sans doute le gaz le plus courrant, issu de la combustion, a une température d'inflammation inférieure et une fourchette d'inflammabilité considérablement plus grande que l'un ou l'autre des deux autres gaz combustibles les plus courants (méthane et propane). La figure ci-contre illustre la combustibilité de la fumée issue du brûlage d'une "mini maison". Ce risque souvent méconnu présente une menace significative pour les sapeurs-pompiers si elle n'est pas atténuée par une tactique efficace de contrôle du feu et de la ventilation. (Ndt: un kit d'exercice "mini-maison" est disponible dans la section téléchargement).

Transfert thermique

Mais revenons à notre discussion initiale. Pour que la pyrolyse puisse commencer et la mise à feu se produire, il faut que de la chaleur soit transférée au combustible. Le transfert thermique est également important pour comprendre aussi bien la propagation que la tactique de contrôle du feu.

La chaleur est transférée des matériaux ayant une température plus élevée, à ceux qui ont une température plus basse par trois mécanismes de principe : Le rayonnement, la convection, et la conduction.



Conduction : Le transfert thermique par conduction exige un contact direct entre un objet chaud et les objets de température inférieure. C'est la méthode de transfert thermique qui prédomine lors des étapes initiales de développement du feu. En outre, le contact direct entre les gaz chauds et le combustible plus frais résulte du transfert thermique par conduction.
Convection : Quand un milieu fluide (tel que l'air) est chauffé il devient moins dense, il se dilate et s'élève. Les produits chauds issus de la combustion et de la pyrolyse se répandent par l'effet de convection et chauffent d'autres éléments par contact (et également par le rayonnement).
Rayonnement : Sous forme de rayonnement électromagnétique, l'énergie calorifique s'éloigne d'un objet chaud dans toutes les directions. La chaleur radiante est particulièrement importante dans le développement du feu dans un compartiment : c'est un des premiers mécanismes de propagation du feu dans le compartiment. Bien que nous pensions habituellement au rayonnement causé par les flammes, en fait n'importe quel objet chaud émet de l'énergie calorifique par rayonnement. Les gaz chauds et en particulier les particules (tel que le carbone) présentes dans la fumée, peuvent émettre une chaleur importante par rayonnement.
La connaissance du transfert thermique est essentielle pour la compréhension du développement d'un feu. Il est aussi important pour utiliser efficacement l'eau comme agent d'extinction !


Autres concepts importants
Notre intérêt dans le développement d'un feu de compartiments concerne principalement la combustion avec flamme, de l'étape initiale au plein développement du feu.
Quand la vapeur combustible doit se mélanger à l'air dans la zone de combustion, la flamme résultante est appelée flamme de diffusion (la vapeur combustible doit se diffuser pour atteindre sa limite d'inflammabilité dans l'air). Dans une flamme de diffusion, le combustible se répand (se diffuse) dans l'air pour former une zone de réaction contenant le combustible, l'air et la chaleur en proportion correcte pour une combustion soutenue. Lorsque la vapeur combustible est mélangée avant la combustion, nous parlons de flamme de pré-mélange.

Le concept de " pauvre " ou " riche " (utilisé pour décrire le mélange de gaz combustible ou de vapeur avec l'air) ne s'appliquent qu'aux flammes de pré mélange.

Flammes de diffusion et de pré mélange sont illustrées sur la figure ci-contre.

  • Quand l'entrée d'air sur le brûleur du Bec Bunsen est fermée, le mélange de combustible et d'air en fait en dehors du brûleur produisant une flamme clignotante jaune. C'est une flamme de diffusion.
  • Quand l'entrée d'air est ouverte, de l'air est mélangé au combustible dans des proportions correctes avant la combustion, la flamme change d'aspect (ici, elle devient bleue) et la température de la flamme augmente. C'est une flamme de pré-mélange.

Dans la plupart des cas, le feu qui se développe dans un compartiment est composé de flammes de diffusion. Les produits de pyrolyse qui sont dégagés du solide combustible chaud sont mélanger avec l'air au moment de la combustion. Parfois ceci a lieu à une distance considérable du combustible solide (penser aux flammes sortant d'une porte ou d'une fenêtre). Quand le combustible et l'air se mélangent avant la combustion, l'allumage du mélange combustible / air peut libérer une énorme quantité d'énergie (ceci, ajouté à un certains nombre de concepts étudiés précédemment, aura une grande importante dans la suite).
Alors que le triangle du feu représente le combustible, la chaleur, et l'oxygène,d'autres matériaux peuvent avoir un impact significatif sur la façon dont un feu se développe. Les matériaux non combustibles tels que les gaz non combustibles composant l'autre partie de l'air (à 79%), la vapeur d'eau ainsi que l'humidité du combustible absorbent l'énergie calorifique et ralentissent le processus de mise à feu et de combustion. Il suffit de prendre deux feuilles de papier journal, de pulvériser un brouillard d'eau sur l'une d'elles et d'essayer ensuite d'allumer les deux feuilles, pour s'en rendre compte. La feuille humide sera difficile sinon impossible à brûler car l'allumette devra d'abord réaliser l'évaporation de l'eau avant de pouvoir enflammer le combustible. Les matériaux qui absorbent la chaleur, mais qui ne participent pas activement à la réaction de combustion sont désignés sous le nom de "ballast thermique". Si ce concept est important lors de la compréhension du développement du feu, il l'est également dans l'efficacité de la tactique de contrôle du feu mise en oeuvre pour empêcher ou réduire la probabilité d'une progression rapide du feu.


Etude et discussion ­ Questions
Il y a une grande différence entre l'étude du comportement du feu et l'approche basée en premier sur l'expérience. Résistez à la tentation d'éliminer les concepts de base en disant qu'ils sont trop simples ou élémentaires. Résistez également à la tentation de dire que les explications plus détaillées sont trop complexes. Faire le lien entre la théorie et votre propre expérience ou l'expérience des autres est une solution efficace pour apprendre. Utilisez ces questions pour concentrer votre réflexion sur la façon dont la théorie de base du comportement du feu se relie aux incidents sur lesquels vous ou d'autres membres de votre équipe êtes intervenus.

  • Comment les opérations de suppression du feu et la ventilation tactique influencent-elles les trois côtés du triangle du feu ? La réponse qui viendra le plus rapidement à l'esprit sera "la chaleur" (le coté chaleur du triangle). Pourtant, nous avons actuellement la possibilité d'agir sur les 3 côtés et ce de plus d'une façon.
  • Comment la fumée chaude s'étendant au travers de la structure contribue-t-elle à la pyrolyse des combustibles placés loin du feu?
  • Comment cela pourrait-il influencer la propagation du feu et quel est le risque que cela présente pour les intervenants ?
  • Qu'est ce qui représente la plus grande menace pour les sapeurs-pompiers : les flammes ou à la fumée ? Essayer de bien réfléchir aux raisons qui vous poussent à répondre de la sorte.
  • Comment la chaleur est-elle transférée des matériaux chauds vers l'eau utilisée pour le contrôle du feu et son extinction ? Quels facteurs pourraient influencer l'efficacité de ce processus ?
  • Comme mentionné dans cet article, la majeure partie de la combustion avec flammes dans un feu de structure implique des flammes de diffusion, où pourriez-vous rencontrer les flammes pré mélangées ?
  • Comment le concept de "ballast thermique" se relie-t-il au contrôle et à la suppression du feu ?


References
Pitts, W.M., Johnsson, E.L., & Bryner, N.P. (1994). Carbon monoxide formation in fires by high-temperature anaerobic wood pyrolysis. Twenty-Fifth Symposium (International) on Combustion. Pittsburg, PA. The Combustion Institute. 1455-1462.







Cet article provient de Flashover - Backdraft - Fire Gas Ignition
http://www.flashover.fr

L'URL de cet article est:
http://www.flashover.fr/modules.php?name=News&file=article&sid=48
File: /home/flashove/www/mainfile.php
Line: 35
Type: 8
Message: Undefined index: HTTP_ACCEPT_ENCODING
User-Agent: claudebot
Ip: 3.226.254.255