Le ''forced-draft''

Date: 26 octobre 2006 à 10:25:16
Sujet: Retour d'expérience


Nous savons que la ventilation possède un impact important sur la combustion, puisque la ventilation apporte le comburant nécessaire. Dans le cadre des phénomènes explosifs, la sur-pression a également un rôle important. Dans le cas du backdraft haute-pression, cette sur-pression accroît sensiblement l'ampleur du phénomène, mais sans pour autant en allonger la durée. Dans le cas un local sur-ventilé avec une zone de sortie vers l'extérieure, nous combinons alors cet effet haute-pression avec une durée du phénomène qui peut atteindre plusieurs minutes. Analysé depuis peu de temps, ce phénomène est défini scientifiquement comme un "forced-draft" (courant d'air forcé).

Lorsque le feu se produit dans un local dont une fenêtre est ouverte, deux cas sont possibles :
1 - La fenêtre sert pour la ventilation naturelle. Le comburant entre en partie basse de la fenêtre, tandis que les gaz chauds sont extraits par la partie supérieure. La limite entre ces deux zones (le plan neutre) est généralement bien visible.
2 - La fenêtre est "perturbée". Cela peut survenir lorsqu'il y a du vent, soufflant contre l'ouverture. Dans ce cas, l'entrée d'air continue à se faire mais l'extraction devient difficile. Il y a alors accumulation des gaz dans le local et présence d'une forte pression. Ouvrir une porte ou une autre fenêtre produira une issue pour les gaz, soit sur une face différente du local, soit simplement une issue plus favorable. Nous pourrons dire que dans ce cas, il y a alors phénomène de backdraft haute-pression (high pressure backdraft).

Dans ce cas, il n'est pas nécessaire d'avoir un vent violent : il suffit que celui-ci agisse comme une sorte de "bouchon" et empêche la sortie des gaz pour que ceux-ci restent dans le local. Même si la pression dans le local nous semble souvent énorme, elle ne l'est pas tant que ça et un vent, même assez faible, peut suffir à perturber la sortie des gaz chauds.

Nous avons véritablement un backdraft c'est-à-dire une explosion, donc un phénomène assez court, qui se produit dans le local impliqué et qui est provoqué par un ré-équilibrage rapide du triangle du feu. Dans le cas d'un vent faible, le feu n'étant pas particulièrement ventilé, il n'a pas produit plus d'éléments imbrûlés que s'il n'y avait pas eu de vent. Même si le backdraft haute-pression est plus puissant que le backdraft "classique", il ne dure pas plus longtemps. Bien sûr, à la suite de l'explosion il y a souvent propagation, mais celle-ci est la suite du phénomène et non plus le phénomène lui-même.

Dans le cas de l'accident de Neuilly, qui a causé la mort de 5 sapeurs-pompiers de la BSPP (Brigade des Sapeurs-Pompiers de Paris), le front de flamme, suite à l'explosion, a duré assez longtemps. Il semblerait en effet que des éléments présents aient fondus, alors même que cette détérioration ne pouvait être produite que par une flamme assez persistante. L'explication d'une simple explosion, aussi violente soit elle, ne suffit donc pas, puisque dans ce cas il y a destruction par l'onde de choc (blast, effondrement) mais pas de dégradation prolongée par la chaleur, le front de flamme disparaissant trop rapidement.


Cette persistance du front de flamme suite à une explosion, n'est pas sans rappeler l'accident de Watt Street [1]. Le 28 mars 1994, les sapeurs-pompiers de New-York ont été appelés pour un départ de feu dans un petit immeuble. Rendue sur les lieux, l'équipe de l'échelle a pratiqué une ventilation par la verrière située tout en haut de l'escalier. Un groupe de trois hommes est ensuite monté par cet escalier pour ouvrir la porte de l'appartement dans lequel se trouvait le feu. A l'ouverture de la porte, il ont déclenché un backdraft. Ils ont juste eu le temps de battre en retraite et de descendre quelques marches. Mais la ventilation par la verrière a permis au front de flamme de monter l'escalier, engouffrant ainsi 3 autres sapeurs-pompiers qui se trouvaient dans l'escalier, à l'étage au-dessus.

Mais au-delà du phénomène lui-même, c'est sa durée qui est la plus étonnante. En effet, un témoin ayant filmé la scène, il a été possible de mesurer la durée de présence des flammes en sortie de la verrière. Alors qu'un backdraft est généralement explosif et très court, ici les flammes sont restées présentes plus de 6 minutes.
L'enquête a démontré que c'est la présence d'éléments fortement combustibles dans le local qui était responsable de cette forte accumulation de gaz combustibles, qui ont donc mis longtemps à brûler. Dans ce cas, les fenêtres de l'appartement impliqué étaient fermées. Il est également important de noter que l'immeuble comporte plusieurs étages et que la porte du bas est restée ouverte. L'escalier se comporte donc comme une cheminée.

Nous avons donc ici une réserve de gaz combustible, plus importante que ce qui est habituellement constaté, associé à un effet de cheminée, par la présence d'un escalier ouvert en bas et ouvert en haut.

Si nous reprenons le cas de l'accident de Neuilly, nous constatons qu'une ouverture avait été pratiquée par les intervenants, à l'étage au-dessus du niveau de la chambre impliquée. De plus le couloir donne sur l'extérieur. Nous retrouvons donc ici l'effet "cheminée" de Watt Street, effet déjà décrit dans le document "Passages d'air associés aux progressions rapides du feu" [2]. Il y est clairement indiqué que les ouvertures sont souvent dangereuses, car elle permettent de "tracer le chemin du feu". Le foyer cherchant toujours à obtenir du comburant mais en même temps à extraire les gaz chauds, la moindre ouverture de porte ou de fenêtre, qu'elle soit réalisée en dessous, au même niveau, ou au-dessus du feu, va aider celui-ci à définir ou améliorer le chemin d'entrée du comburant et / ou de sortie des gaz chauds.

Le fait d'avoir les deux paramètres c'est-à-dire la haute-pression et en même temps la sortie des gaz vers une zone ventilée, favorisée par un courant d'air, est désormais répertorié sous le terme de "forced-draft" (courant d'air forcé). Etudié par l'Université de Manchester[3] ce phénomène suppose une ouverture dans le local en feu, avec application d'un vent assez fort sur celle-ci. Dans ce cas, la combustion ne décroît pas, puisqu'il y a un apport forcé en comburant.
Ce phénomène est d'ailleurs bien connu sur les moteurs à explosion : l'aspiration de l'air au niveau d'un carburateur, est dépendant de la pression atmosphérique. Il n'est donc pas possible d'envoyer plus d'essence, puisque le mélange deviendra alors trop pauvre en comburant. La solution consiste à envoyer plus d'air, ce qui permettra d'augmenter également la proportion de combustible. C'est le principe de base du "turbo", abréviation de "turbo-compresseur", qui est en quelque sorte un injecteur à air. Dans le cas d'un local vers lequel est dirigé un vent assez violent, c'est ce qui va se passer : la combustion vive continue, en impliquant une importante quantité de combustible.

  • Le local est sous-ventilé et le feu ne progresse plus : risque de backdraft
  • Le feu reste ventilé et peut donc encore progresser : risque de backdraft haute pressin
  • Le feu est sur-ventilé : risque de forced-draft

Non seulement la pression est supérieure à celle habituellement observée dans le cas d'une combustion, mais en plus il y a sur-accumulation de produit imbrûlés, forte montée en température, et impact thermique sur l'ensemble des éléments présents.

A l'ouverture de la porte opposée, il y aura donc explosion, production d'un front de flamme, et celui-ci durera très longtemps, pour pour trois raisons principale:

  • Accumulation excessive de gaz imbrûlés. Ceux-ci vont être présents en grande quantité, et vont mettre du temps à brûler intégralement
  • Présence d'une ouverture donnant sur l'extérieur, opposée au vent: va permettre une définition quasi parfaite du chemin parcouru par le front de flamme avec apport de comburant par la fenêtre, passage de ce comburant sur le foyer, et trajet du front de flamme du foyer jusqu'à la sortie
  • Inflammation de tous les éléments combustibles présents dans le local, puisque ceux-ci ont été surchauffés par le feu qui était sur-ventilé. Ceci aidant la poursuite de la production de gaz donc l'allongement de la durée de présence du front de flamme

Avec une sortie en haut d'un escalier, l'effet général sera accentué par l 'effet de Venturi provoqué par la colonne d'air montant par l'escalier, rendant ce type d'effet encore plus probable dans les bâtiments avec étages.

Sur le graphisme ci-dessous, la situation est simple à comprendre : le vent (1) souffle sur la fenêtre restée ouverte. Dans le local (2) une partie du vent s'engouffre et ventile le feu. Celui-ci ne peut cependant par extraire les gaz chauds, qui vont rester accumulés. A leur arrivée, les intervenants ouvrent la fenêtre qu'ils trouvent sur leur passage (4) puis ouvre le porte (3). Ils se trouvent alors dans le chemin que les gaz vont parcourir : d'abord le vent (flèches bleus) puis le front de flamme et les gaz chauds (flèche rouges). Dans cet exemple, les intervenants se trouvent donc en plein dans la zone chaude, comme s'ils se trouvaient dans une cheminée.
En étant sûr d'eux, ils pourraient éventuellement se placer ici au niveau de l'escalier. A condition qu'il n'y ait aucune ouverture à l'étage, il serait alors protégés puisque le front de flamme les épargnera. Ceci étant cependant une solution "limite" en terme de sécurité.

Ce phénomène de "forced-draft" est très dangereux et simple à comprendre. Pour s'en prémunir, plusieurs précautions sont nécessaires. D'abord une observation attentive des lieux. La présence d'un feu en hauteur (étage d'un immeuble) est à prendre avec prudence puisque dès que l'on monte, le vent devient plus violent. Les personnes habitant dans des IGH le savent bien : l'ouverture d'une fenêtre est souvent délicate car le vent s'engouffre toujours violemment alors même qu'au niveau de la rue, il ne semble pas y avoir du tout de courant d'air!
La présence de vent vers une ouverture est un risque aggravant. Si les fenêtres sont fermées, il faudra faire attention, lors de l'attaque, à ne pas en provoquer la rupture (attention aux coups de lances).
De même, la mise en place d'une ventilation d'attaque pourra s'avérer délicate, car compte tenu de la distance et du parcours de l'air, il sera certainement difficile d'avoir une pression supérieure à celle que pourra produire le vent, en cas de rupture de la fenêtre. La ventilation risque alors de donner une illusion de sécurité et de provoquer un relâchement de l'attention.

Une observation permanente des ouvertures par du personnel resté à l'extérieur, est impérative. En cas de rupture des fenêtres, une fois le local ouvert par les sapeurs-pompiers, seuls des moyens hydrauliques puissants permettront de bloquer le font de flamme et de permettre une lutte efficace. Dans ce cas, il sera difficile d'opter pour une progression contrôlée. Il faudra plutôt chercher à "matraquer" le foyer.
Si la porte du local est encore fermée et que ce local est déjà sur-ventilé, la solution consistera sans doute à refroidir le local, par une succession d'ouvertures de porte / impulsion [4], ou bien tenter de percer le haut de la porte pour y glisser la lance et arroser.

Attention au sens d'ouverture des portes
Si le porte s'ouvre en poussant, il sera sans doute difficile de l'ouvrir à cause de la pression. Mais si vous l'ouvrez de trop, elle peut se rabattre et donc s'ouvrir en totalité, sans possibilité de la refermer.
Si elle s'ouvre en tirant, méfiez vous, car dés que la porte sera ouverte, ne serait-ce que de quelques centimètres, elle risque de vous bousculer et de s'ouvrir totalement.

Mener une attaque par l'extérieur, en jet diffusé pour refroidir les fumées, est également une option.

En tout état de cause, dès que le foyer se trouve à quelques étages et qu'il y a du vent, il faut redoubler de prudence !

Bibliographie

1 - L'accident de Watt Street ­ Article sur flashover.fr - 2004
2 - " Passages (voies d'air ) associés aux progressions rapides du feu ". Par P . Grimwood ­ Traduction F. Gaviot-Blanc Traduction de l'article " Pathways associated with Rapid Fire progress ". Flashover -2004
3 - http://www.mace.manchester.ac.uk/ Université de Manchester
4 - " Jet-Débit-Action ". Le choix de la forme et du débit du jet, en fonction des actions. Flashover.fr ­ 2006





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