Lors d'une intervention, se situer par rapport à la structure
est un atout essentiel. Ensuite, pour enquêter ou simplement
analyser les événements, il faudra généralement
s'orienter, cette fois sur un plan. Et là encore, le repérage
deviendra un enjeu majeur. Pourtant il ne semble pas exister de
règles précises et les interventions sont généralement
ponctuées de « par là », « sur
le côté, non, non, de l'autre côté »
etc Ensuite, lorsque l'intervention est couchée sur papier,
c'est pour constater que dans la plupart des cas le plan est orienté
comme s'il était destiné à un architecte
Alors, comment faire ?
En architecture, le fait que les fenêtres ou la terrasse
soient au Sud plutôt qu'au Nord est un paramètre
intéressant, mais pour positionner une échelle et
aller chercher des personnes qui appellent à l'aide, ce
n'est pas utile. De plus, se repérer aux points cardinaux
(Nord, Sud, Est, Ouest) est délicat car il est difficile
de connaître précisément l'orientation à
l'arrivée sur les lieux. Et comme de nombreuses habitations
n'ont pas exactement leur façade au Sud ou à l'ouest,
mais sont en biais, cette solution n'est pas utilisable.
Il serait tentant de se repérer sur « la façade
principale ». Mais dans certains cas, les sapeurs-pompiers
ne vont pas se présenter sur la façade principale
« réelle » de l'habitation. Ainsi dans une
zone pavillonnaire, les secours peuvent très bien se présenter
par l'arrière de l'habitation, soit parce que l'avant est
occupé par un jardin dont les arbres empêchent l'accès,
soit parce que l'habitation est située sur un terrain étroit
qui donne sur deux rues : il y a donc parfois deux adresses pour
la même maison. Là encore, le repérage sur
l'usage « principal » d'une face n'est pas une bonne
solution.
En fait, dans une intervention, tout va se réaliser
en fonction de l'arrivée des secours et de cette position
initiale. Ensuite tout va être affaire de communication
et de facilité de compréhension entre autres dans
les communications radio.
Il faut donc trouver un système qui ne va dépendre
ni de la situation géographique, ni de l'adresse «
postale », ni de l'usage des différentes faces de
la structure, qui va être facile à mémoriser,
facile à utiliser par radio ou pour donner des ordres.
Depuis de nombreuses années, les Américains utilisent
une telle solution, simple, qui consiste à nommer en premier
la face sur laquelle se présentent les secours. Peu importe
que celle-ci soit au Nord ou au Sud, peu importe qu'elle soit
en fait la face arrière de l'habitation : c'est la face
devant laquelle se présente les premiers intervenants et
c'est cette face qui devient par la force des choses la face de
référence.
C'est à partir de celle-ci que tout sera déterminé
et une fois l'intervention terminée, c'est cette face qui
se trouvera en bas sur le plan.
La première face devant laquelle se présentent
les secours, sera nommée face Alpha (donc face A).
Ensuite, en étant devant Alpha, les faces seront nommées
en tournant dans le sens des aiguilles d'une montre. La face située
à gauche sera donc la face Bravo (face B). La face
opposée à Alpha sera la face Charlie (face
C) et celle qui reste (donc qui est à droite lorsque nous
sommes devant Alpha), sera la face Delta (face D).
Quelques exemples
Ces deux plans sont issus de documents émanant du NIOSH
(National Institute for Occupational Safety and Health), l'agence
fédérale Américaine qui conduit les travaux
sur la sécurité du travail. Les enquêtes menées
par le NIOSH suite à des accidents survenus aux sapeurs-pompiers,
font l'objet de rapports dans lesquels des plans permettent de
situer l'action, les problèmes, les victimes etc
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Le plan de gauche concerne une intervention qui s'est déroulée
le 15 Juin 2003 dans l'état du Tennessee. L'intervention
a eu lieu dans une structure commerciale, dont le toit s'est effondré,
tuant deux sapeurs-pompiers. Le plan est simple.
Il présente une vue globale avec le positionnement des engins. Nous y trouvons bien sûr
les quatre lettres, désignant les faces (elles sont à
l'intérieur du local concerné). Il est facile de
se repérer et surtout de comprendre le trajet des intervenants
puisque la disposition du plan nous place dans le même sens
qu'eux lorsqu'ils sont rentrés. En bas à droite
nous trouvons l'indication du Nord géographique.
Le plan de droite concerne un accident survenu le 30 Juillet
2002 en Floride, lors d'un exercice « feu réel »
dans une habitation, durant lequel deux sapeurs-pompiers sont
décédés. Le plan est simple, parfaitement
lisible. Il est orienté en fonction de la face de pénétration
des intervenants. Par radio, pour plus de clarté, les faces
sont nommées Alpha, Bravo, Charlie, Delta. Sur le plan,
nous ne retrouvons pas ces termes, mais les lettres correspondantes.
En haut à droite, nous remarquons l'indication du Nord
géographique, preuve que ce n'est pas cette direction qui
a permis de nommer les faces.
Il est à noter que ces deux plans sont orientés
de la même manière, c'est-à-dire dans le sens
de l'intervention des sapeurs-pompiers alors que du point de vue
géographique, les deux habitations sont opposées.
En effet, sur le plan de l'intervention du Tennessee (plan de
gauche), le Nord est indiqué comme étant à
gauche, alors que sur l'autre plan, le Nord est à droite.
Pourtant ces deux plans sont parfaitement compréhensibles,
preuve que nous nous plaçons dans la situation des intervenants
et que l'orientation géographique n'a aucun intéret
pour nous.
Ne pas ré-orienter les plans !
Le plan suivant concerne une intervention qui s'est déroulée
en France, en 2006. Mais comme il n'existe pas de règle
pour nommer les faces ni de méthodologie précise
pour réaliser des investigations, les sapeurs-pompiers ont cherché à
indiquer le plus de choses possible et se sont sans doute procuré
le plan de l'établissement dans lequel l'incident a eu
lieu. Par rapport aux deux plans précédents, celui-ci
est beaucoup plus complet. Mais les informations qu'il donne ne
sont pas forcément intéressantes.
Ainsi, le détail des pièces situées tout
à gauche, ne présente pas d'intérêt
puisque rien ne s'y est passé. Par contre, sur les deux
plans précédents nous avions l'emplacement des
engins, des lances (avec le diamètre des tuyaux) et la
position du feu, ce qui n'apparaît pas ici.
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Mais le plus embêtant, c'est qu'il n'est pas possible
de savoir par où sont entrés les intervenants car
il n'y a pas d'indication. La position du personnel laisserait
penser que les sapeurs-pompiers sont entrés par le haut
du plan puisque c'est là qu'il y a la plus grande concentration
d'individus. D'un autre côté, la présence
de l'escalier, en bas du plan, peut laisser supposer qu'il s'agit
d'un accès important.
En fait, une lecture approfondie du document accompagnant
ce plan laisse supposer que le point d'entrée est plutôt
la porte située sur la face de droite.
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Outre que cela perturbe la visualisation, cette orientation
prête également à confusion car lorsque l'on
dit « le sapeur-pompier avance tout droit », en toute
logique nous imaginons que nous tenons le plan devant nous et
que nous avançons. C'est d'ailleurs ce qui est appris lorsque
l'on cherche à s'orienter dans la nature, avec une carte: la boussole la main, nous tournons la carte afin de placer
le point destination en haut de celle-ci pour ensuite avancer
tout droit.
Comment faire pour réaliser facilement une enquête
et ensuite une formation du personnel lorsque aller tout droit
voudra dire aller à gauche sur le plan, tourner à
droite voudra dire aller tout droit etc
Et que dire dans le cas d'un plan orienté tête
en bas. En effet, si le plan est dessiné avec le Nord en
haut et que les sapeurs-pompiers sont entrés par le Nord,
cela donnera un plan totalement inversé. Sur un tel plan,
l'indication « nous avons tourné à droite
» devra se lire comme un mouvement vers la gauche !
Conclusion
Il faut faire simple : Alpha, Bravo, Charlie, Delta.
Et lorsqu'il faudra faire un plan, il faudra respecter cet ordre,
en plaçant la face A (Alpha) en bas du plan. Vous pouvez
d'ailleurs vous entraîner facilement devant n'importe quelle
habitation : « nous nous présentons face Alpha,
je fais disposer une lance en protection sur Bravo, un binôme
procède au sauvetage d'une personne sur Delta. » Simple,
compréhensible et efficace.
Pierre-Louis Lamballais / Flashover.fr - 2006