Technique de lance: attaque combinée
Date: 03 novembre 2007 à 23:13:58 Sujet: Tactique et Pratique
La progression ayant été réalisée,
le porte lance arrive devant l'entrée du local en feu.
Il faut alors attaquer, pour éteindre. Suivant les dimensions
du local, suivant la localisation du foyer mais surtout suivant
la ventilation disponible, il faudra choisir la meilleure solution,
afin d'éteindre rapidement, sans se mettre en danger. Nous
verrons cette fois l'attaque combinée (ZOT), qui peut se
pratiquer lorsque le local est ventilé.
Historique
Afin de bien comprendre le principe de cette méthode, ces
avantages mais surtout ses inconvénients, il faut revenir
quelques dizaines d'années en arrière, au moment
de son « invention ». Nous trouvons des explications
dans les travaux menés dès 1951 par Keith Royer
et Floyd Nelson (Iowa State University), dans l'ouvrage de Floyd
W. Nelson «Qualitative Fire Behavior», ainsi que dans
plusieurs articles dont celui du magazine Fire Engineering, intitulé
«Building a case for implementing smooth bore nozzle»,
écrit par Todd Connors.
Nous y apprenons qu'à l'époque, trois sortes
d'attaques étaient décrites.
- L'attaque directe, consistant à envoyer de l'eau directement
sur le foyer, celui-ci devant être visible.
- L'attaque indirecte, consistant à arroser les parois,
donc les zones très chaudes, afin de faire rebondir l'eau
et produire de la vapeur. Pour réussir, cette attaque
doit se réaliser dans un local clos, donc un local dont
les portes et fenêtres sont intactes. Mais elle se pratique
de l'extérieur de la structure: une porte est ouverte,
l'arrosage est réalisé, puis la porte est refermée.
- L'attaque combinée. C'est la méthode du «ZOT»,
décrite par Royer et Nelson.
Dans son article «Little Drops of Water: 50 year Later»,
Fredericks Andrew donne une indication très précise
sur cette méthode:
«L'objectif de l'attaque combinée c'est de faire
«rouler» le jet tout autour du local en refroidissant
les murs, plafond et sol avec la partie extérieure du jet,
tandis que la partie intérieure de ce jet refroidit les
gaz chauds produits par le feu. En heurtant le plafond surchauffé,
les murs et les éléments en feu, cela produira un
maximum de vapeur dans un minimum de temps».
Nous avons donc déjà une des explications du terme
« combinée » puisqu'il y a bien combinaison
de deux actions: refroidissement des gaz qui se trouvent au centre
du volume et en même temps production de vapeur par contact
de l'extérieur du jet avec les parois surchauffées.
Il suffit de faire un essai, en extérieur, pour constater
que la portée du jet en gros débit est telle que
les murs, le sol et le plafond seront effectivement touchés
par la projection d'eau.
Fredericks Andrew poursuit en précisant «tout
comme l'attaque indirecte, l'attaque combinée a été
initialement prévue pour être utilisée depuis
l'extérieur». Son analyse se poursuit en prenant
en compte les documents d'origine de l'Université de l'Iowa
et les films réalisés par Royer et Nelson:
«Aussi loin que lui puisse aller dans l'étude
des documents de Royer et Nelson, il n'y ait pas fait mention
de l'impact de la vapeur sur les occupants piégés.
En regardant les films et en lisant les documents correspondants,
nous notons que cette tactique se réalise en appliquant
l'eau depuis l'extérieur de la structure. L'objectif principal
de la méthode Iowa est de combattre et d'éteindre
le feu avant d'entrer. La préservation des vies et l'impact
de la vapeur, sur les victimes piégées, n'est pris
en compte dans aucun des trois films».
Dans son article «Building a case for implementing smooth
bore nozzle», Todd Connors poursuit en indiquant «la
méthode indirecte et la méthode combinée
n'ont pas été mise au point pour une attaque intérieure
agressive. Ce sont seulement des incompréhensions de la
part d'individus, de services ou de centres de formation qui ont
abouti à cette erreur. Les deux créateurs de cette
méthode n'ont jamais eu l'intention de s'en servir depuis
l'intérieur de la structure. La production massive de vapeur,
lors d'une attaque indirecte ou une attaque combinée, est
dangereuse pour les sapeurs-pompiers et pour les personnes piégées.
Il y a également risque de propagation, la surpression
de la vapeur pouvant pousser le feu hors du local initialement
impliqué».
Nous avons d'ailleurs confirmation de cela, lors de la lecture
du document (mi-technique, mi-publicitaire) intitulé «Balanced
Fire Attack - Using the Task Force Tips Automatic Fog Nozzles»
écrit par George Oster et John D. Wiseman. Ce document
indique que cette lance est idéale (ce qui est un peu normal
puisque le document a, entre autres, un objectif commercial) et
indique que l'attaque combinée nécessite un local
clos. Si nous restons dans la logique initiale de Royer et Lenson,
ce point semble logique puisque l'attaque se réalise depuis
l'extérieur de la structure (et pas à la porte du
local). Par contre, si nous nous plaçons dans la logique
visant à traiter le feu depuis l'intérieur de la
structure, cela pose de sérieux problèmes.
Nous savons qu'il est assez facile de calculer la quantité
d'eau nécessaire pour absorber la puissance thermique produite
par un incendie dans un local, puisque les travaux de Thornton
puis ceux de Huggett et Babrauskas, ont démontré
que la puissance thermique d'un tel feu ne dépendait pas
du combustible, mais uniquement du comburant, donc du volume du
local. Connaissant la capacité d'absorption thermique de
l'eau, la quantité d'eau nécessaire est assez simple
à calculer. C'est ce qui nous permet d'élaborer
une stratégie en fonction du volume du local et, compte
tenu du fait que les locaux d'habitation ont globalement tous
la même hauteur de plafond, d'établir une stratégie
en fonction de la surface, plus facile à estimer. Mais
en contre partie, cette projection d'eau ayant pour effet (entre
autre) de produire de la vapeur, le local va se transformer en
«cocotte minute».
Il y a donc une ambiguïté dans le raisonnement,
ambiguïté qui nous met face à deux hypothèses:
- Si nous utilisons l'attaque combinée depuis la porte
du local, alors que celui-ci n'a pas d'ouvertures (autre que
la porte où se trouvent les intervenants) l'attaque aura
toutes les chances de réussir puisque le volume sera complètement
saturé de vapeur. Mais en même temps les intervenants
vont subir un effet de « piston thermique » extrêmement
dangereux, qui les brûlera et les obligera à se
sauver. Et pendant tout le temps qu'ils passeront dehors, le
feu pourra reprendre.
- Si nous utilisons l'attaque combinée dans un local
parfaitement ventilé, avec éventuellement usage
d'un ventilateur, la vapeur produite partira par les ouvertures
et ne brûlera pas les intervenants (à condition
bien sûr qu'ils ne soient pas sur le trajet de sortie de
la vapeur). Mais en même temps, la vapeur s'échappant
du local, l'extinction aura moins de chances de réussir.
Attaque combinée: l'utiliser ou non?
Dans notre logique, nous sommes en fin de phase de progression.
Nous sommes donc dans la structure. La solution idéale
est donc.... de ne pas utiliser l'attaque combinée! Il
faut logiquement lui préférer l'attaque par alternance
pulsing-penciling (voir l'article et la vidéo sur cette
méthode) puisqu'elle est adaptée à toutes
les situations.
L'utilisation de l'attaque combinée peut néanmoins
se pratiquer, en fonction de certaines conditions:
Possibilité d'attaque combinée depuis l'extérieur
de la structure si :
- Pas d'occupants pouvant subir la pression de la vapeur
- Pas de risque de propagation par "soufflage" du
feu ou des fumées dans d'autres locaux
- Le local est fermé ou en tout cas assez mal ventilé
Possibilité d'attaque combinée depuis l'intérieur
de la structure, si :
- Pas d'occupants pouvant subir la pression de la vapeur
- Pas de risque de propagation par "soufflage" du
feu ou des fumées dans d'autres locaux
- Ouvertures suffisantes pour permettre l'évacuation
de la vapeur
- Position des intervenants hors du trajet de sortie des fumées
et de la vapeur
Note : nous parlons bien ici de structure et pas
du local, une structure étant l'ensemble qui contient des
pièces ou locaux.
C'est cette dernière solution (attaque combinée
depuis l'intérieur) dont nous trouvons le descriptif dans
les documents de formation Américains et Canadiens. Dans
le «Manuel de lutte contre l'incendie», utilisé
au Canada et qui est la traduction d'un ouvrage édité
par IFSTA en 1998, nous lisons (page 527):
«Attaque combinée du feu. La méthode combinée
repose sur la technique de production de la vapeur par une attaque
au niveau du plafond, alliée à l'attaque directe
sur les matières en combustion prés du sol. On peut
déplacer la lance par un mouvement en T, en Z ou en O,
en commençant avec un jet plein ou diffusé dirigé
vers les gaz surchauffés au plafond, puis vers le bas pour
s'attaquer au combustible enflammé prés du sol.
Le mouvement en forme de O de l'attaque combinée est probablement
la méthode d'attaque la plus courante. Dans le cas du mouvement
en forme de O, on dirige le jet d'eau vers le plafond, et la périphérie
du jet doit atteindre le plafond, le mur, le plancher et le mur
opposé. Les pompiers ne doivent pas oublier que la projection
d'eau sur la fumée n'éteint pas l'incendie, et qu'elle
cause inutilement des dégâts d'eau et perturbe la
stratification thermique».
Cette dernière remarque est juste puisque dans le cas
présent le jet est violent (débit important). Nous
savons par contre que l'utilisation d'impulsions courtes, en jet
diffusé débit minimum, ne perturbe pas l'ambiance
thermique et ne produit pas de dégât des eaux. Mais
dasn ce cas nous sommes dans des techniques différentes
puisque les impulsions courtes en débit minimum concernent
l'attaque pulsing-penciling et pas l'attaque combinée.
Le descriptif donné dans ce «Manuel de lutte contre
l'incendie» est conforme aux affirmations de Fredericks
Andrew sur le fait qu'il va y avoir forte production de vapeur.
A un autre endroit de ce manuel, nous trouvons d'ailleurs des
précisions sur ce danger:
«L'utilisation d'un jet diffusé dans une attaque
directe ou combinée nécessite une ventilation adéquate
à l'avant des tuyaux d'incendie. Sinon il y a de fortes
probabilités que la vapeur ou le feu retourne en arrière
et encercle l'équipe affectée aux tuyaux, présentant
ainsi des risques de blessures considérables».
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Les trois gestes de l'attaque combinée.
Schéma issu de l'ouvrage «Manuel de lutte contre
l'incendie» (IFSTA -1998) |
Sachant que l'un des objectifs de l'attaque combinée
est de produire de la vapeur, il est évident qu'il y a
un fort risque de brûlures. Pour cette raison, le choix
de cette méthode est très dépendant de la
ventilation du local. Celle-ci doit être suffisante pour
que la vapeur puisse s'échapper, sans revenir sur les intervenants.
Il faut donc une ouverture assez grande, qui sera de l'autre côté
du foyer, ou qui en tout cas ne placera pas les intervenants entre
le foyer et cette ouverture. La porte d'accès n'est donc
pas à prendre en compte comme ouverture! D'ailleurs, sauf
s'il y a utilisation d'un ventilateur d'attaque, la porte de pénétration
dans le local devra si possible être fermée, afin
de ne pas attirer la vapeur vers le porte lance.
En conclusion, sans ventilation correcte du local, cette méthode
s'avère dangereuse lorsqu'elle est pratiquée de
l'intérieur. Par contre avec des ouvertures assez correctes,
elle aura l'avantage d'abattre le feu, assez rapidement.
Réglages de la lance
La lance va être réglée sur la position du
jet d'attaque. Sur certaines lances, cette position est matérialisée
par un dessin, par l'indication « flashover » (??!!)
complétée ou non par un cran. Ce réglage
donne un jet identique à celui utilisé pour pulser
deux fois au-dessus de la porte avant son ouverture, donc un jet
un peu plus resserré que pour la progression.
Le débit va être maximal (400, 475, 500lpm suivant
la lance). Avec un tel débit, la portée sera importante
et les gouttes seront grosses. Le jet va donc traverser la couche
gazeuse, heurter les parois (murs, plafond, sol) et produire ainsi
une grande quantité de vapeur. Au niveau du combustible
solide, la puissance de pénétration des grosses
gouttes va leur permettre de traverser la zone de rayonnement
et de s'étaler sur l'élément solide: les
flammes vont être éteintes et la pyrolyse sera stoppée.
Position
A genoux, le porte lance sera bien calé car à un
tel débit, le recul est important. Le bras tendu, il pourra
parer à ce recul, tout en ayant la possibilité de
faire un geste ample, permettant de balayer tout le local. En
plus, avec le bras tendu, l'autre main pourra basculer correctement
le levier, donc ouvrir correctement la lance et avoir un jet de
bonne qualité (dans le cas contraire le basculement partiel
du boisseau détériore le pulvérisé).
Trois surfaces, trois gestes
Le porte lance va estimer les dimensions du local afin de choisir
le geste le plus adapté.
A chaque fois, il placera sa lance au début du tracé,
en haut, ouvrira totalement sa lance pour produire instantanément
un jet de bonne qualité. Il déplacera sa lance assez
rapidement et une fois le geste terminé, fermera celle-ci.
Quel que soit le geste choisi, il déplacera toujours sa
lance à la même vitesse. En effet, la durée
de chaque geste (Z,O, T) est différente mais cette différence
de durée vient du fait que les trois tracés sont
de longueurs différentes. Ce n'est donc pas la vitesse
de déplacement de la lance qui en change la durée
d'ouverture, mais seulement le choix de la lettre et le tracé
de celle-ci.
La surface du local pouvant être traité, est calculée
en fonction du débit de la lance et de la durée
d'ouverture. Nous en déduisons la quantité d'eau
envoyée, donc l'absorption thermique maximale possible
et, suivant les règles de Huggett, la surface du local
qu'il est possible de traiter. En imaginant que le local soit
entièrement embrasé donc à son seuil de puissance
maximale, le T convient pour 10m2, le O pour 15 et le Z pour 20.
L'attaque se produisant rarement à ce seuil de puissance
maximale, nous pouvons établir simplement une règle
simple : «ZOT = 321» donc 30m2 pour le Z, 20 pour
le O et 10 pour le T.
Les détails sur le rapport entre la quantité
d'eau et le calcul de la puissance thermique ramenée au
volume, se trouvent dans le document «Eau et Feu»,
disponible dans la section téléchargement. La surface
est ici calculée en prenant comme base un local de 2,40m
de hauteur de plafond.
Avantages / Inconvénients
Au rang des avantages, nous pouvons citer la rapidité puisque
l'extinction se réalise en quelques secondes, avec une
quantité d'eau très faible (le Z envoi une vingtaine
de litres d'eau).
Par contre, cette méthode nécessite une bonne ventilation,
provoque des coups de béliers au niveau tuyau / pompe.
Ce point n'est cependant pas si problématique que cela,
puisque le geste se réalise seulement une ou deux fois,
mais pas plus.
A noter que certaines personnes arrivent facilement à réaliser
les trois gestes alors que d'autres éprouvent de grandes
difficultés à les mémoriser, réalisant
des gestes parfois désordonnés. Il faut donc s'entraîner
et pas « essayer » en intervention! (ceci étant
d'ailleurs valable pour les autres techniques!).
Autres appelations
Le nom d'origine de cette méthode est «Combination
attack», traduit en Français dans les manuels Québécois,
par «Attaque combinée». Nous trouvons également
les termes «Attaque éclair» ou «Attaque
massive», qui correspondent à cette même méthode.
Conclusion
Méthode d'attaque rapide, assez facile à mettre
en oeuvre, l'attaque combiné demande néanmoins des
précautions d'emploi. Si le porte lance n'est pas certain
des conditions, il sera préférable d'opter pour
l'attaque alternant pulsing-penciling. Si par contre les conditions
le permettent, l'attaque combinée réglera le problème
en quelques secondes !
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