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Equipement de protection

Les opérations par grande chaleur
- Paru le 07/07/2006
- Déjà lu 16116 fois.

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Tactique et Pratique bulletArticle: Tactique (VII)


Les choses sérieuses commencent ! Nous avons compris le principe général d'organisation, nous avons compris qu'il nous fallait remplir notre diagramme de Gantt (ou du moins notre système de tâches qui se superposent plus ou moins bien). Mais pour cela nous devons définir nos tâches. C'est ce que nous allons faire ici. Nous allons d'abord tenter de lister un ensemble de tâches, puis nous allons les définir, une à une.

Attention : si vous vous attendez à lire ici le descriptif précis des tâches que vous aurez à piloter en tant que chef d'agrès, vous allez être déçus. Le but de cette série d'article n'est pas de vous donner une solution, miracle, clef en main. Le but est plutôt de vous donner un outil vous permettant de  construire votre organisation.


Où est la différence ?
Simplement que suivant le personnel, suivant le matériel, suivant tout un tas d'autres paramètres, les tâches vont varier soit sur leur intérêt, soit sur leur durée etc... Ainsi sur un secteur urbain avec de petits dévidoirs, l'alimentation de l'engin pourra s'effectuer avec un seul homme en quelques dizaines de secondes. Sur un secteur rural, nous pouvons imaginer qu'il faille deux hommes et parfois plusieurs minutes pour déplacer le dévidoir entre le camion et le poteau. Pourtant nous aurons bien là une tâche d'alimentation. Les variations vont également dépendre des pays. En France les camions sont équipés de dévidoirs, pas en Belgique par exemple. Cela veut-il dire que les sapeurs-pompiers Français iront plus vite que les Belges ? Peut-être mais pas forcément tout le temps. Pour établir à 150m de l'engin, le dévidoir sera un atout. Mais pour établir à 40m, il y a de fortes chances que les sapeurs-pompiers Français, pris dans l'habitude de l'usage du dévidoir, utilisent celui-ci alors que la méthode Belge consistant à utiliser des tuyaux déroulés «manuellement» sera sans doute plus rapide sur cette courte distance. Tout est donc très relatif !

Si le chef d'agrès du secteur rural prend comme valeurs, pour cette tâche, les valeurs qu'elle a sur le secteur urbain, il remplira son diagramme de Gantt avec des données inadaptées à sa situation. En fait, il se retrouvera dans le cas de notre vidéo de manoeuvre Japonaise, avec des valeurs en désaccord complet avec la réalité.
Ce qu'il faut, c'est se connaître !

Cette nuance est en grande partie la réponse à la majorité des problèmes. Et cette nuance explique aussi l'échec des ouvrages «tactiques» incendie car ceux-ci élaborent des systèmes qui ne fonctionnent que sur un certain type de secteur et un certain type de feu. En ramenant notre problème, non plus au niveau de notre temps linéaire, donc au niveau d'un déroulement complet, mais plutôt au niveau des multiples blocs de nos temps superposés, nous avons découvert une modularité.
Tout comme chaque personne avait auparavant des vêtements «sur mesure» alors que désormais, c'est du «prêt-à-porter». Or ce «prêt-à-porter» a généré non pas un type de vêtement, mais un plus grand nombre d'éléments, apportant ainsi une diversité plus importante. Non pas par changement du «bloc vêtement» dans son entièreté, mais par le nombre de combinaisons possibles.

Changer l'ordre des actions
C'est pour cela que nous pouvons dire que «globalement» toutes les interventions sont identiques, mais que «bloc par bloc» nous n'allons pas les traiter de la même façon.  Sur le secteur urbain, le chef d'agrès saura qu'alimenter l'engin lui consommera un homme pendant 1 minute. Sur le secteur rural, il saura que cela lui consommera 2 hommes pendant 5 minutes. Si une autre action, assez importante doit être réalisée (par exemple dresser une échelle), nous pouvons très bien imaginer que suivant le secteur, cette seconde action soit réalisée avant ou après l'alimentation.Sur le secteur urbain, le chef d'agrès pourra se dire que «dresser l'échelle, cela peut attendre une minute» et il pourra donc demander d'abord l'alimentation, surtout s'il n'a que 500 litres d'eau. Sur le secteur rural, le chef pourra se dire qu'attendre 5 minutes pour dresser l'échelle, c'est trop. Il pourra alors demander en premier que l'échelle soit dressée, avant d'envoyer son binôme alimenter, surtout si son camion contient 6000 litres d'eau.
Dans les deux cas, nous aurons une échelle dressée et une alimentation. Nous aurons donc les mêmes actions dans notre diagramme de Gantt. Mais la bonne connaissance de ces actions fera que leur emplacement dans le diagramme ne sera pas identique.

Le secteur d'intervention peut aussi avoir un impact. Sur un secteur urbain, baliser la zone pour éviter que la foule ne vienne trop prêt, est une action relativement urgente. Pas sur un secteur rural, sur lequel c'est plutôt de tirer la motopompe au travers du champ jusqu'à l'étang voisin qui va occuper l'énergie du personnel.

En clair, nous allons définir les actions, une par une, mais chacun devra les décrire suivant son matériel, son personnel. Et chacun devra ensuite, suivant ces définitions, remplir sa grille. En fin d'intervention, tout le monde obtiendra un résultat, de façon optimisée, mais sans avoir forcément réalisé les actions dans le même ordre que sur l'autre secteur ou même en les ayant fait réaliser par des personnes différentes.

Ce que allons donc faire pour commencer, c'est mettre en place une sorte de grille, que vous pourrez remplir avec le descriptif de l'action. Bien évidemment, nous comptons sur vous pour remplir le plus de grilles possibles, ce qui nous permettra de faire des statistiques et d'établir des valeurs «moyennes», mais qui ne resteront en fin de compte qu'un exemple d'utilisation du système.

Un modèle de grille
Pour comprendre ce que peut contenir une telle grille, nous pouvons regarder le GNR sur les établissements en binôme. Chaque manoeuvre possède bien une grille, une sorte de petit mode d'emploi.
La manoeuvre M3 (établissement d'une lance) est un bon exemple. Nous y trouvons un descriptif très court puis un tableau avec deux colonnes, puisque l'action est menée par 2 personnes. Chaque colonne décrit le matériel et l'action avec un lien évident entre l'action du premier sapeur-pompier et l'action du second. A un niveau simple, nous avons là un diagramme de Gantt, montrant bien nos temps «superposés».

Tactique VII-1


Nous devons cependant rajouter quelques précisions, à côté de ce tableau. Nous devons indiquer le temps nécessaire pour réaliser cette action, ainsi que l'action qui devra (éventuellement) être réalisée prioritairement avant cette action. Ainsi, la manoeuvre M3 ne peut se réaliser que s'il y a une prise d'eau et s'il y a aussi un point de positionnement de la lance. Nous avons donc deux actions préliminaires qu'il nous faut noter sur notre fiche. Il nous faut aussi noter «qui» est supposé réaliser cette action. Nous verrons d'ailleurs que la réalisation des fiches et, plus tard, leur utilisation, nous amènera sans doute à nous poser quelques questions à ce sujet et, pourquoi pas, à changer notre manière de faire.

Quelques exemples

Voici quelques-unes des actions pour lesquelles nous pouvons faire des fiches, avec à chaque fois une petite explication :

- Alimentation de l'engin sur un hydrant de type poteau, bouche incendie etc. Nous pouvons distinguer par exemple 2 fiches : une pour une distance faible (par exemple inférieur à 50m) et une autre pour une distance plus importante.

- Mise en place d'une lance. C'est le cas de notre manoeuvre M3.

- Mise en place d'une échelle de façon préventive. C'est la mise en place d'une échelle à coulisse, qui permettra de se sauver en cas de progression rapide du feu à l'étage, évitant ainsi de sauter par la fenêtre. Ce type d'action participe d'une logique de prévention intéressante : lorsque l'événement survient (sapeur-pompier se présentant à la fenêtre d'un local s'embrasant), soit la gestion de cet événement a été prévue (mise en place de l'échelle) et le traitement se fera de façon rapide, soit le traitement n'a pas été prévu (pas d'échelle en place) et l'intervention dérapera.  Tactique VII-4
Nous sommes typiquement dans le cas d'une préparation, qui peut être rapide, non pénalisante pour l'intervention, si elle se fait au tout début alors que le personnel est disponible, ceci pour éviter un problème qui surviendra toujours alors que la fatigue se fera sentir, que le personnel sera occupé et que la panique aura un impact dramatique et quasi-immédiat.

- Mise en place d'un cône de regroupement. C'est le placement d'un cône de signalisation routière, à un endroit qui permettra le regroupement rapide du personnel. En étant à ce cône on doit pouvoir observer le camion avec sa pompe, ne pas être dans une zone de danger et surveiller la globalité de l'intervention. C'est là que le personnel se rendra une fois sa mission effectuée, et que le chef se tiendra pour superviser. Nous pouvons imaginer que ce soit le conducteur qui mette ce cône en place.

- Mise en place du cône d'entrée. C'est un autre cône, qui possède une sorte d'anneau métallique. Le chef le place au point d'entrée pour désigner celui-ci. S'il décide de ne pas indiquer ce point, il place ce cône à côté du cône de rassemblement. Lorsque le personnel entre dans la structure, au point d'entrée indiqué, il laisse son badge d'identification sur le cône ((anneau métallique). Il est toujours possible de dire qu'il faut un tableau avec les noms, un surveillant etc. sauf que la réalité du terrain nous démontre quasiment tous les jours que cela n'est pas fait. Il est donc possible de «délirer» sur tout un tas de système compliqué, mais nous préférons ici mettre en place des solutions simples. Tactique VII-3

- Zone de repos pour le personnel et rangement de matériels. Nous pouvons imaginer le système des trois bâches, avec une rouge pour le matériel endommagé, une verte pour le matériel disponible et une bleue pour l'hydratation et le repos.


Nombre d'actions dans notre liste
La première chose que nous allons constater c'est que la liste des actions pourra devenir assez longue mais que toutes ne serviront pas tout le temps. Ainsi, pour un feu dans une habitation sans étage, il est évident que la mise en place d'échelle, «au cas où nous serions piégés à l'étage», n'a strictement aucun sens.

Ceci étant, il ne faudra surtout pas tomber dans l'excès inverse et se dire que certaines actions seraient éventuellement inutiles, en faisant une sélection arbitraire. D'abord, nous devons toutes les définir car à ce stade de nos travaux, nous ne sommes que dans la définition des actions. Ensuite, si quelques actions pourront s'avérer effectivement inutiles du fait de la configuration (soit on alimente à 30 m, soit à 200, mais pas les deux donc nous n'utiliserons qu'une des deux actions et pas les deux sur la même intervention), d'autres actions ne devront qu'être déplacées dans le temps.
Ainsi, nous pouvons imaginer que l'action «préparation d'une zone de matériel et de repos» puisse être considérée comme sans intérêt. Mais si l'intervention dure plus longtemps que ce qui était espéré, et que la zone de matériel n'a pas été prévue, lorsque le personnel cherchera des outils, il les prendra dans le camion, fouillera et commencera à tout mélanger alors même que le chauffeur sera sans doute occupé à régler sa pompe dont les réglages initiaux s'avèrent inadaptés à la l'évolution de la situation.

Car c'est bien connu :  quand les choses commencent à aller mal, tout va de plus en plus mal. C'est donc toujours lorsque la propagation deviendra difficilement contrôlable et qu'une lance supplémentaire sera rapidement nécessaire, que le binôme prendra des tuyaux sans savoir qu'ils sont percés, simplement parce que sous prétexte de gagner 30 secondes, la zone de matériel n'a pas été mise en place et que le matériel abîmé est mélangé dans le camion avec le matériel en bon état. Certains répondront que l'exemple n'est pas bon, car les tuyaux percés ne sont pas rangés «roulés» contrairement aux autres. Sauf que vous avez toujours, dans chaque centre celui «qui veut aider» et qui, pour ne pas avoir de tuyaux mis n'importe comment, va vous «aider» en roulant le tuyau percé, sans vous le dire.

En clair, au moment où la zone de rangement (pour ne prendre que cet exemple) apporterait la stabilité dans le travail, son absence se mettra à engendrer de plus en plus de difficultés.
Cela signifie que c'est simplement l'ordre donc la chronologie de réalisation de ces actions qui devra être modulé, et que la sélection («on fait ou pas») ne devra être faite qu'au travers d'éléments très concrets, sans présumer d'un déroulement qui est toujours plein d'imprévus.


La liste des actions peut s'allonger mais en tout cas, pour chacune il faudra indiquer précisément le mode d'emploi. Par exemple pour le cône de rassemblement :
- Prendre le cône de rassemblement
- Le placer pour qu'à son emplacement on puisse voir dans l'ordre de priorité
1) la face principale du lieu de l'intervention
2) le compartiment pompe de l'engin
3) les branchements des tuyaux sur l'engin
4) la zone de repose du personnel
Une fois le cône posé, celui qui a réalisé cette action poursuit sur son action suivante, sans rendre compte


Ceci n'est qu'un exemple, mais il est clair que chaque action devra être ainsi décrite, en quelques lignes. L'avantage c'est qu'en exercice, chacun sait quoi faire et, en cas de difficulté, peut s'exercer sur cette action, donc focaliser son attention pour s'améliorer sur ce point précis. Le temps nécessaire est aussi à prendre en compte, et doit être noté.

L'importance du temps
Estimer correctement le temps, ou du moins l'estimer avec une marge d'erreur minime est un point important. Surtout que, dans notre cas, la durée totale de nos actions ne dépasse pas cette barre fatidique des 12 min.
Imaginons que nous estimions le temps d'une action à 1min et qu'en fait, elle en nécessite 6.
Dans le cas d'une opération qui dure 2 heures, notre minute ne représente que 0,8% du temps et nos 6 minutes que 5%.
Mais si notre opération dure 12 minutes, notre minute représente 8% du temps et nos 6 minutes représentent 50% du temps?
Concrètement cela signifie sur une opération très longue, les variations de temps ne seront que peu perceptibles, car généralement des actions plus rapides que prévues peuvent contre-balancer les actions plus lentes (et en plus, il y a généralement beaucoup d'actions). Mais dans un laps de temps aussi réduit que nos 12 minutes, ceci ne se produira pas : une action prend 2, 3 ou 4 fois plus de temps que prévu et tout le système défaille. Mais attention, cela ne veut pas dire que le système n'est pas bon : là encore, ce sont bien les paramètres d'entrée qui ont été faussés.
Si nous «pensons» que l'échelle sera mise en place en 3 minutes mais que nous ne vérifions pas, il est certain que nous risquons d'avoir de mauvaises surprises en intervention. De même, si nous vérifions que l'échelle se met bien en 3 minutes et qu'une fois sur intervention, sa mise en place demande 5 fois plus de temps, il faudra se demander pourquoi. Peut-être les tests ont-ils été réalisés avec une équipe très au point, autre que l'équipe opérant ce jour-là sur intervention. Dans ce cas, ce sera bien le mode de mesure qu'il faudra remettre en cause et pas le système.
    
Comment déterminer les actions ?
Pour déterminer la liste des actions, il suffit de regarder une intervention ou une manoeuvre et de noter ce que fait chaque personne. Cela vous permettra d'ailleurs de voir que certains courent partout, s'agitent, mais en fin de compte, ne font rien du tout.
Nous verrons en plus que d'autres actions, jusqu'à présent difficile à imaginer, seront découvertes au fur et à mesure des autres articles.

Ranger les actions
La prochaine fois, nous commencerons à ranger ces actions. Notons quand même un point important : nous ne parlons ici que des actions «normales» c'est-à-dire celles qui concernent le déroulement d'une intervention lorsque les choses se passent globalement assez bien. La personne qui se présente à la fenêtre en feu en hurlant «Au secours !», le tuyau d'alimentation qui éclate etc. ne font pas partie de ces actions. Cela ne veut absolument pas dire que nous ne les traiterons pas, bien au contraire. Simplement, si nous reprenons le diagramme ci-dessous, déjà indiqué dans l'article VI, nous sommes ici en train de nous occuper de la zone 2, et exclusivement de cette zone. Le traitement de la zone 1 et surtout, celui de la zone 3, feront l'objet d'autres articles, de la même série. En clair : chaque chose en son temps !

Tactique VII-2

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