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Pédagogie et formation

Comment tuer un BAT ou à défaut, le brûler griévement...
- Paru le 06/03/2005
- Déjà lu 23184 fois.

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Cours formateurs flashover - Draguignan (Canjuers-France) 2009
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Pédagogie et formation bulletArticle: Analyse d'accident


Dans le premier article intitulé "Pédalons-nous dans la bonne direction", nous avons cherché à confronter le mode de formation aux phénomènes thermique tel qu'il est mis en place en Europe, avec les besoins de formation de masse. Si le mode de présentation des phénomènes thermiques s'avère assez inappropriée dans la forme, nous pouvons espérer néanmoins que cette présentation soit appropriée sur le fond.

Blaina...
L'accident de Blaina a déjà été étudié sur flashover.fr et fait l'objet d'un kit d'exercice disponible dans la zone de téléchargement. La situation est simple: une petite maison avec un étage. Le feu se déclare au rez-de-chaussée, dans la cuisine, qui est à l'arrière de la maison. Le véhicule incendie qui se présente dispose de 2 binômes, d'un chef et d'un conducteur. Les témoins affirmant que deux enfants se trouvent à l'étage, l'action est divisée entre les deux binômes. Le premier, équipé d'une booster line (lance sur dévidoir, équivalent britannique de la LDT Française ou de la HP Belge), monte à l'étage pour chercher les enfants. N'arrivant pas à monter avec la lance, les sapeurs-pompiers laissent celle-ci en bas de l'escalier. Pendant ce temps, le second binôme, équipé lui aussi d'une booster line (le véhicule possède deux booster-lines) a pour mission de contourner la maison par la jardin et d'attaquer le feu par la fenêtre de la cuisine, dont les témoins ont indiqué qu'elle avait cédé avant l'arrivée des secours.
Le premier binôme, arrivé en haut, trouve un enfant. Celui-ci est descendu par ce binôme, qui remonte immédiatement chercher le second.
A ce stade, nous notons trois points:
  1. si le binôme était monté avec une lance, il aurait mis plus de temps que sans.
  2. si le binôme était monté avec une lance, il l'aurait certainement laissé en haut pour descendre rapidement avec l'enfant. La seconde montée aurait donc été faite sans lance.
  3. le fait d'avoir trouvé l'enfant est un élément en faveur de la crédibilité des témoins. Or l'enquête démontera qu'il n'y avait qu'un enfant et pas deux.

Le rez-de-chaussée communiquant avec l'étage par l'escalier, l'étage est totalement enfumé. A un certain moment, alors que le binôme est en train de chercher le second enfant, les fumées de l'étage prennent feu. Les deux sapeurs-pompiers décèdent, brulés vifs. Aucune explication certaine n'a été donnée quant à la manière dont ces fumées ont pris feu. Trois hypothèses ont été retenues:
  1. Le feu est passé au travers du plafond de la cuisine et l'étage, déjà surchauffé, a pris feu
  2. Les fumées de l'étage se sont auto-enflammées
  3. Le feu s'est propagé en bas, par le couloir jusqu'à l'escalier. Là il a mis le feu aux fumées de l'étage.

La solution?
Pour qui se passionne pour les phénomènes thermiques, LA réponse semble assez évidente. Il fallait monter avec une lance et refroidir les gaz. Et puis comme la booster-line ne dispose que d'un petit débit, afin d'assurer la sécurité, il fallait plutôt monter avec une lance permettant de disposer le cas échéant d'un gros débit, donc une lance de 45 par exemple.
C'est oublier un peu vite l'étroitesse et la raideur de l'escalier, le poids d'un tuyau de 45 en eau et le fait que les témoins affirmant la présence de l'enfant, il y avait nécessité de rapidité. De plus, l'accident ne s'est pas produit à la première montée mais à la seconde. Et avec une lance de 45 il est quasiment certain que celle-ci aurait été laissée en haut. Ou en tout cas, si le binôme était redescendu avec, il ne serait certainement pas remonté avec cette lance à cause de la fatigue. Le refroidissement à la première montée n'aurait pas servi à grand chose car avec le temps nécessaire pour descendre puis le temps pour remonter les gaz avaient largement le temps de remonter en température. Il suffit de voir dans un caisson à quelle vitesse se ré-enflamment les gaz que l'on vient de refroidir pour comprendre que ce n'est pas en refroidissant à l'instant T que ce refroidissement durera jusqu'à T + 1 minute.
De plus, l'étage est composé de plusieurs pièces. Il est donc difficile de refroidir les gaz de toutes les pièces et nul ne sait à quel endroit les gaz ont pris feu.
La solution à laquelle on aboutit en se fixant sur l'étude des phénomènes thermique, hors opérations donc au tableau ou en caisson, est donc assez facile à remettre en cause.

Le détail...
Surtout, à avoir opté pour un point de vue cherchant non pas à trouver une solution mais plutôt à valider notre intérêt pour les phénomènes thermiques ("vous voyez que c'est important il faut donc donner des cours et faire des équations"), nous avons oublié un détail. Quid du second binôme? Que devait-il faire? Rien de bien compliqué: contourner la maison, se mettre à 3m de la fenêtre de la cuisine et envoyer de l'eau avec un jet de n'importe quelle forme. Un bon coup de jet bâton ou un peu diffusé pendant quelques secondes par exemple. Et qu'est ce que cela aurait donné? Le feu aurait été éteint en quelques instants, ne serait pas passé à l'étage, n'aurait pas favorisé l'inflammation des gaz et les deux sapeurs-pompiers seraient encore en vie.
Mais alors, que s'est-il passé? la booster-line est une lance sur dévidoir, comme la LDT Française et la HP Belge. C'est donc une lance facile à mettre en place sur quelques mètres, en ligne droite. Mais là, il fallait faire plusieurs dizaines de mètres dans le jardin avec les arbustes, les jouets des enfants etc... Le tuyau s'est donc rapidement coincé. Et naturellement, lorsque c'est coincé, on force et les témoins sont venus aider à tirer. Tout le monde a tiré de plus en plus fort, coinçant de plus le plus le tuyau. Le second binôme est donc resté coincé dans le jardin, n'a jamais atteint la fenêtre de la cuisine et n'a donc rien éteint du tout...

Analyse des solution
  • Soit nous montons avec une lance, soit nous montons sans lance.
  • Soit nous attaquons par la fenêtre de la cuisine, soit nous refroidissons les gaz par l'intérieur.

Soyons logique: en terme de facilité, c'est la montée avec la lance qui pose le plus de problème. Et en terme d'efficacité, c'est l'attaque par la fenêtre de la cuisine qui donne potentiellement le meilleur résultat.

En clair, le problème se résout en attaquant le feu par la fenêtre de la cuisine: c'est ce qui est le plus facile et le plus rentable.
La résolution du problème de Blaina se fait donc par abandon des lances sur dévidoirs et l'usage de tuyaux en écheveaux par exemple. La solution optimale n'est donc pas liée à une connaissance des phénomènes thermiques.

Note: dans le cas d'une approche Tactique (dont nous verrons l'application dans quelques articles), les Sapadores-Bombeiros du Brésil utilisent le concept de Compartiment, que l'on trouve décrit dans l'ouvrage "Le combat des petites unités" du Colonel Gérin. Ce concept vise à délimiter des zones d'une façon assez particulière, puis à placer sur chaque zone (dénommée compartiment) une valeur de danger et une valeur d'efficacité. Pour un militaire, le danger peut être la quantité d'obus qui tombe dans la zone et l'efficacité peut être la quantité d'obus que lui pourra envoyer à partir de ce compartiment. A partir de ces données, le compartiment de présence et d'action, est choisi. Si nous appliquons ce cas à Blaina, il devient évident que le compartiment le moins dangereux et dans lequel l'action sera la plus efficace, c'est bien la zone devant la fenêtre de la cuisine et certainement pas l'intérieur.

Où et quand?
Lorsque nous étudions Blaina, mais aussi Keokkuk, Neuilly, Watt Street, etc... nous sommes toujours tenté d'y voir des problèmes liés aux phénomènes thermique et donc de chercher des solutions dans ce domaine. Un second exemple devraient nous permettre de prendre du recul. Cette intervention a été racontée par un élève (celui qui a été brûlé durant cette intervention) du cours flashover donné en Belgique, en 2007. Le véhicule incendie arrive devant un petit magasin en feu. Au dessus se trouve un petit appartement, accessible par l'autre face du bâtiment, via un escalier. Une personne handicapée est dans cet appartement. Le chef ordonne a son équipe d'établir et d'attaquer le feu, pendant qu'avec un autre sapeur-pompier il contourne le batiment et monte à l'étage pour effectuer le sauvetage de la personne handicapée. Cette personne est descendue rapidement par l'escalier. Ce sauvetage étant largement plus long que le temps d'établir et d'envoyer de l'eau sur le feu, le chef remonte pour ventiler en ouvrant la fenêtre, pensant en toute logique que le reste de l'équipe a réalisé son action. Alors qu'il est au centre de la pièce le chef perçoit une faiblesse du plancher: celui-ci s'écroule et le chef tombe, restant suspendu au dessus du foyer qui n'a pas été attaqué car le personnel n'a pas réussi à enclencher la pompe.

Cet exemple, simple, comporte les mêmes particularité que Blaina. Et pendant des années, ces particularités nous ont échappé:
  1. Celui qui est blessé, brulé ou tué n'est pratiquement jamais celui qui commet la faute principale. A Blaina, la faute principale incombe au second binôme mais c'est le premier qui décède. Sur le dernier exemple c'est bien l'équipe d'attaque qui n'attaque pas et c'est le Chef qui est brulé.
  2. La faute est très rarement commise au même endroit que l'accident et ceux qui commettent "la faute" ne voient pas le lieu de l'accident ou en tout cas n'ont pas conscience du lien. A Blaina le binôme "fautif" est dans le jardin, le binôme brûlé est dans la maison, à l'étage. Pour le feu du magasin, de l'emplacement normal de l'attaque on ne voit pas le Chef qui est en train de se faire brûler les jambes.
  3. La faute est rarement le fait d'une mauvaise action sur les lieux de l'accident mais plus souvent le résultat d'un enchaînement d'événements se produisant (ou ne se produisant pas) bien avant l'intervention. Ainsi, à Blaina, c'est tout le choix de l'usage de la booster-line, le type d'achat d'équipement qui est la cause du décès du binôme. Dans l'autre cas, c'est le manque de maintenance de la pompe, le manque d'entraînement en caserne.

En fait, il n'y a pas franchement de lien avec l'apprentissage relatif aux phénomènes thermiques.

Autre exemple...
En Janvier 2005, des sapeurs-pompiers New-Yorkais sont dans le quartier du Bronx, au quatrième étage d'un immeuble, pour chercher des victimes. Une autre équipe attaque le feu à l'étage inférieur. Mais le poteau gèle ou en tout cas il y a forte baisse de pression et le feu ne peut plus être attaqué, l'équipe d'attaque bat en retraite, le feu passe à l'étage, piège l'équipe de sauvetage qui saute par la fenêtre. Bilan 2 morts. Là encore la faute survient à un autre endroit que l'accident et cette "faute" est le résultat d'un manque d'action préalable. Car en janvier à New York, la température minimale moyenne est de -2,8 °C avec des baisses jusqu'au -10, -15 ou -20. Le "gel" d'un hydrant ou d'un tuyau n'est donc pas étonnant et tout devrait être préparé pour cela.

Le problème c'est qu'une nouvelle analyse de quasiment tous les accidents, donne pratiquement toujours le même résultat. Si on commence par se dire "la solution c'est l'étude des phénomènes" et ce avant même d'analyser, on trouve bien évidement des éléments qui vont aller dans ce sens. Mais si on recommence à analyser de façon plus large, c'est pour constater que cette réponse n'est pas adaptée.

Conclusion
Les accidents et les maisons qui partent en fumée sont le résultat de fautes, commises par des individus éloignés du lieu de l'accident ou dont l'action ne semble pas avoir de lien avec l'accident. Et dans la majorité des cas ces fautes viennent de défauts qui ont été "créés" bien avant l'accident.
Or ceci augmente fortement la difficulté d'analyse et d'amélioration. Car rejeter la "faute" sur ceux qui sont morts est une solution de facilité. Mais dans le cas de Blaina, par exemple, arriver à la conclusion que c'est le second binôme qui est "fautif" amène à se poser des questions sur la responsabilité pénale de ce binôme. Et si l'on pousse plus loin le raisonnement, nous arrivons à des questions sur les achats d'équipement de type booster-line. Il est donc plus simple de penser que ceux qui sont morts sont les fautifs de leur propre accident et qu'avec un peu de formation, tout s'arrangera. Sauf que nous commençons à voir que ce n'est qu'une illusion.
Car dans l'ensemble, nous sommes sur des formations individualistes, tandis que les problèmes sont liés aux difficultés de synchronisation des éléments du groupe.

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Pédagogie et formation

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Re: Analyse d'accident (Score: 1)
par alfred-de-morzac le 03 août 2015 à 14:38:08
(Profil Utilisateur | Envoyer un message)
Raisonnement intéressant. Les causes racines ne sembles pas avoir forcément été bien étudié alors...

Ce qu'on remarque dans tes exemples, c'est quelque chose que l'on retrouve dans tous les organismes en générale.

La difficulté de circulation de l'information. la non communication ou l'absence de communication.

Et le noeud du problème ce trouve à ce niveau à mon sens.

Je pense qu'en france, le rôle du chef d'agrès à longtemps bien fonctionné car son boulot c'était de canalisé ces équipes et de gérer leur travail en commun. Quand on attaquait de l'extérieur et qu'en un regard il pouvait voir si tout le monde faisait bien son boulot, tout était simple.
Mais maintenant que les gars monte dans les étages.... ben le rôle du pivot de communication est plus compliqué.

Le cas de l'accident de 2007 est symptomatique, un chef d'agrès va pour ventiler (cela est déjà étonnant que le chef réalise une mission de ce type). t il va réalisé cette mission alors qu'il ne sait pas ou en est le travail du reste de son engin, pire ces équipes ne l'ont pas informé de ce qui se passe... Il eut été dehors et il eut envoyé un autre binômes le résultat eut été le même.

Pour les USA, l'équipe se trouve piègé... personne ne les a donc informé de la dégradation de la situation, personne n'a communiqué avec eux de se barrer... personne n'a prévenu une échelle pour anticiper un besoin d'évacuation ???

Pour blaina, le chef d'agrès savait-il que sa première équipe avait posé sa lance ? savait-il que la 2ème équipe était en difficulté dans le jardin.

La synchronisation est du ressort d'un intervenant "extérieur" à l'action. Le chef d'agrès est là pour ceci. (Un chef se doit de coordonner pas d'être à l'action).
Mais il doit avoir les bonnes informations et le matériel pour réalisé ceci.

Parfois, quand les binomes s'engage, on dirait les chars français de 1940. Sourd et aveugle et qui se dirige avec des fanions...

Les moyens de communication sont rarement pris en compte (radio...) puis après le comment communiquer et enfin l'interprétation de ces données...


 
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