Un container c'est bien. Deux containers c'est mieux. Trois containers c'est l'idéal, mais quand ils communiquent entre eux, ce n'est pas forcément facile à gérer...
Les containersDans l'ensemble des techniques de simulation (ou d'entraînements)
aux progressions rapides du feu, les caissons "maritimes" avec feu au bois occupent une place de choix. Les simulateurs
au gaz ont rapidement montré leurs avantages (propreté,
absence de pollution) mais également leurs limitations,
entre autres avec la complète impossibilité de reproduire
les phénomènes. Les flashover, backdraft et autres
smoke-explosion étant principalement le résultat
du caractère inflammable des fumées, le fait que
les simulateurs au gaz ne génère pas de fumées,
leur interdit la reproduction de ces phénomènes,
les quelques essais avec "plafond de flammes" laissant
croire à un flashover étant plus prés de
l'effet "cinéma" que de la réalité.
Un entraînement digne de ce nom ne peut donc se réaliser
qu'avec un feu "au bois" donc un feu d'apparence banale,
mais dont les fumées engendreront progressivement tout
un ensemble de phénomènes. De dimensions compatibles
avec les habitations (plafond de 2,40 de haut par exemple), les
caissons sont déjà utilisés dans quelques
départements Français.
Ceci étant, les caissons (containers) dans leur configuration
"mono-caisson", montre également des limitations.
Il est rare (pour ne pas dire rarissime) qu'un feu ne concerne
qu'un local. Si au départ le feu ne concerne qu'un objet
donc une seule pièce (par exemple la télévision
qui prend feu dans la salle à manger), la mobilité
des fumées et la présence de courants d'air passant
d'un local à l'autre (fenêtre ouverte dans la cuisine
), vont rapidement amener l'incendie vers une situation "multi-locaux".
Nous ne parlons pas forcément de feu multi-locaux avec
des flammes présentent dans les différents locaux.
L'aspect multi-locaux peut concerner un feu dont les flammes sont
présentes dans une seule pièce mais dont l'apport
en comburant peut être "multi-locaux". De même,
un feu présent dans la salle à manger, peut très
bien chauffer des journaux stockés juste de l'autre côté
de la cloison, dans un immeuble avec gaine d'aération,
les fumées peuvent se propager dans les étages supérieurs
et embraser ceux-ci, à plusieurs dizaines de mètres
du foyer initial, etc.
Ce paramètre "géographique", sur lequel
il est facile de travailler avec un simple plan du local, se complique
rapidement par un aspect thermique et donc aérologique.
Sachant que la fumée est chaude, celle-ci monte et met
en place une suppression en partie supérieure du local,
donc une dépression en partie inférieure et de forts
courants d'air font leur apparition. Outre le fait que ces courants
d'airs peuvent provoquer de rapides aspirations d'air frais ou
au contraire des extractions rapides de gaz chauds, ils peuvent
également changer la structure complète du feu,
par exemple en fermant ou en ouvrant des portes ou des fenêtres.
De plus, les actions des binômes peuvent perturber l'équilibre
que le feu tente en permanence de mettre en place.
Rappeler nous en effet que tous les phénomènes,
sans aucune exception, s'expliquent par seulement deux principes
: la loi de Charles (les gaz chauds se dilatent, les gaz froids
se contractent) et le principe de Lechatellier (toute réaction
chimique déséquilibrée va tendre naturellement
à se rééquilibrer). Ainsi, confronté
à un surplus de comburant, le feu va tendre vers une consommation
accrue de combustible jusqu'à ce que la quantité
de combustible traité soit en "accord" avec
la quantité de comburant disponible.
En cherchant à attaquer le feu, un binôme sans connaissance
de cette notion d'équilibre, risque de perturber celui-ci
: trop d'eau et c'est la production incontrôlée de
vapeur, chaude, aveuglante, générant une surpression
qui va pousser les fumées dans les locaux adjacents ou
qui va refermer brutalement la porte et provoquer un retour des
flammes ou bloquant un autre binôme, etc.
Sans aller jusqu'à donner des solutions "toutes faites" (qui n'existent sans doute pas), les entraînements
dans des containers en mode "multi-locaux" apportent
une vision très différente, en tout cas beaucoup
plus "stratégique". Cette approche, très
fortement déconseillée dans le cadre de l'initiation,
permet de mettre les binômes en face des problèmes
d'observation du moindre signe. La lecture du feu prend ici tout
son sens, au risque de se faire rapidement surprendre.
Au niveau des Chefs d'Agrès et Chefs de Groupe, cette approche
les amène à voir l'intervention de façon
différente : la simple ouverture d'une porte, pourtant
éloignée du lieu d'attaque, peut mettre en danger
une partie des intervenants, qui ne sont apparemment pas concernés
par cette action. La communication inter équipes prend
tout son sens : en se déployant dans un ensemble multi-locaux,
utilisant les courants d'air, profitant de la moindre ouverture
de porte ou de fenêtre, le feu est aux aguets, attendant
la moindre action pour en profiter et se propager. Et même
un binôme parfaitement entraîné, avec des moyens
hydrauliques très puissant ne pourra rien contre un feu
qui profitera des erreurs des autres binômes engagés
sur les lieux. Paradoxalement, même l'extinction peut devenir
un danger : un DMR à 500 lpm, en jet diffusé d'attaque,
génère de fortes perturbations de l'équilibre
thermique. L'apport d'air par effet de Venturi, la production
de vapeur, peuvent provoquer des modifications importantes dans
la structure du feu.
La structure et les communications
Les trois containers sont placés comme indiqué sur
le schéma ci-dessous.
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- A porte donnant sur l'extérieur. Deux ventaux
superposés (0,80 en haut, 1,20 en bas)
- B baffle de retenue des flammes
- C porte de communication. Seul le haut (0,80 m) est
ouvert.
- D porte de communication. Seul le haut (0,80 m) est
ouvert.
- E fenêtre (0,80 x 0,80 à environ 1,20
m du sol)
- F porte avec deux ventaux
- G porte "appartement"
- Z1 zone de feu avec les panneaux de bois. Zone allumée
- Z2 zone de feu avec stockage de quelques planches
ainsi qu'un journal et un bloc de mousse, placés en hauteur
- Z3 zone avec un bloc de mousse placé en hauteur
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Les deux portes de communication sont ouvertes dans leur partie
supérieure. En fait, la porte A étant ouverte dans
sa partie inférieure, les fumées ne peuvent normalement
stratifier que jusqu'à 1,20 m du sol. En dessous, elles
sortent. Avec la porte C ouverte dans sa partie supérieure,
les fumées du container 1 vont dans le 2 et sont piégées.
La porte D étant également ouverte en haut, les
fumées passant dans le 3 sont également piégées.
Le dosage du combustible a été
un des enjeux majeurs. Au départ, le combustible était
composé de plaques d'agglomérés de 18 mm
d'épaisseur, recouvrant les parois de la zone de feu.
Au fur et à mesure, il est apparu que les plaques ne brûlaient
pas complètement. La gestion des déchets s'en trouvait
donc compliquée. De plus, les formations étant
prévues pour du personnel équipé en ARI
200 bars (afin de satisfaire le plus grand nombre), il était
évident que laisser le feu brûler 60 minutes ne
servait à rien, les apprenants sortant au bout de 25 à
30 minutes. Le dosage a donc été optimisé
après de nombreux brûlages durant lesquels chaque
paramètre a été noté et analysé.
A l'heure actuel, le coût du combustible est inférieur
à 30 Euros par brûlage, là où un brûlage
"ordinaire" demande prés de 80 Euros de bois.
La mise en place est beaucoup plus rapide, les déchets
minimes (donc coût d'enlèvement réduit),
les effets parfaitement maîtrisés et bien visibles.
De plus, la dégradation des caissons est réduite
et leur durée de vie est donc prolongée. |
Maîtrise délicate
Ainsi que l'indique Matthieu Salendres, l'un des formateurs du
plateau technique,
"Au départ, le feu a bien démarré
et la fumée s'est mise en place. Nous avons eu la preuve
que notre dosage de combustible est bien maîtrisé
car le volume de fumée a largement rempli les trois caissons
mais ensuite, rien ne s'est passé comme prévu !". Même la stratification des fumées, parfaitement
maîtrisée en mode mono-caisson, s'est avérée
difficile à réaliser.
"A un certain moment,
nous nous sommes retrouvés avec une stratification à
10 cm du sol, alors que la porte était ouverte sur une
hauteur de 1,20 ! Dans nos brûlages mono-caisson, ceci nous
assure sans aucun mal un plafond de fumée qui ne descend
pas sous cette hauteur, puisqu'ensuite la fumée sort du
caisson. Là, sans doute par un jeu de pression-dépression,
elle ne s'en allait pas et continuait donc à baisser !
Incroyable !". Plus troublant encore, des énormes
bouffées de fumées sont apparues, en provenance
des autres caissons, alors que les ouvrants de ceux-ci restaient
fermés.
"De toutes façons, les fumées n'ont jamais
été stables comme dans nos essais mono-caisson.
Dès le départ le plafond de fumée a été
très mobile et mal défini".
Le comble a été atteint à 19 minutes de l'allumage.
Dans une ambiance franchement peut clair, alors que l'opérateur
(placé en X) tentait tant bien que mal de nettoyer l'objectif
de la caméra, une bouffée de fumées est venue
de la droite (porte C) pour envahir le caisson 1. Et ceci sans
aucune action dans les autres containers, ni ouverture de porte.
D'autres bouffées sont apparues entre autres lorsque Matthieu,
désirant voir ce qui se passait dans le container 2, s'est
levé pour aller de la zone X à la porte C. Le simple
déplacement d'une personne provoque donc des déplacements
de gaz qui, sans doute à cause de leur chaleur, semblent
très mobiles.
Roll-over
Les roll-over sont apparus au même moment que dans les brûlages
mono-caissons. Mais dans les brûlages mono-caisson, la baffle
de cantonnement bloque les roll-over : la fumée passe évidement
sous la baffle, mais comme les roll-over apparaissent au moment
ou la stratification des fumées est faite en partie supérieure,
les flammes tapent sur la baffle et restent derrière celle-ci.
L'observation peut donc se faire sans risque de propagation. Là,
les points de turbulence de la fumée ont fait que les roll-over
sont passés sous la baffle, et ont commencé à
envahir le 40 pieds.
"A un certain moment, tout était très enfumé,
mais de façon pas très nette. Nous nous sommes levés
dans les fumées car nous ne pouvions plus rien voir. Nous
avons alors vu toute une zone rouge, une sorte de grosse lueur.
Nous nous sommes rebaissés et reculés, sachant que
ce genre de lueur n'annonçait rien de bon. Quelques instants
plus tard, la fumée a quasiment disparu, les roll-over
était presque au-dessus de nous et une bonne partie de
la zone de feu était en flashover, avec des langues de
flammes descendant jusqu'au sol". Fort heureusement,
le local n'étant pas très saturé en fumée,
le phénomène est resté sur cette zone et
à disparu au bout d'une dizaine de secondes.
Les fumées blanches et les fumées noires
13 minutes après l'allumage
du foyer situé en Z1, l'observation de la fenêtre
E a montré la présence de fumée "pulsantes".
La fenêtre E a alors été ouverte. Elle a
montré la présence de fumées blanches, très
denses. Lors de l'ouverture, à cause de la dépression
causée par le geste, la fumée est sortie. Mais
tout de suite après, la vue du container a montré
que celui-ci était rempli de cette fumée. La pulsation
des fumées a continué à se faire, mais avec
un régime plus grand à cause de l'ouverture. Environ
4 secondes après l'ouverture, une grosse bouffée
de fumées est sortie , pour ensuite se calmer . Il n'y
a malheureusement pas eu d'observation du foyer durant cette
ouverture. |
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Tout de suite après, donc
à environ 14 minutes après l'allumage, la porte
G "appartement" a été ouverte. Elle
a laissé s'échapper des fumées gris-foncées.
La différence de couleur entre les deux ouvertures est
donc flagrante. De même ces fumées grises possédaient
un régime de sortie différent des fumées
blanches : ici, pas de pulsion, mais une sortie continue. |
La pyrolyse
Les fumées blanches sont les fumées de pyrolyse.
Il semblait donc logique qu'en fin de brûlage, les deux
blocs de mousse (situés en z2 et en z3) soient retrouvés
partiellement fondus ou brûlés. Bizarrement, il n'en
est rien ! Les deux blocs, et même le papier-journal placé
pourtant en hauteur en z2, sont intacts Cela ne laisse la place
qu'à deux suppositions :
1 - Les fumées blanches sont
les fumées issues du foyer. Mais comme elles passent de
container en container, elles perdent une partie de leur contenu
et deviennent blanches. Un peu tiré par les cheveux, mais
pourquoi pas.
2 - Les fumées blanches sont issues de la pyrolyse
de la mousse et des éléments placés en z2
et z3. Mais la pyrolyse dégage une énorme quantité
de fumée, et le simple début de pyrolyse, même
minime et difficile à percevoir visuellement, suffit à
générer cette masse de fumées. Dans cette
seconde hypothèse, cela signifie que des secours confrontés
à cette fumée vont très rapidement perdre
la totalité de leur vision, compte tenu de l'opacité.
Les mouvements d'air
Alors que le brûlage était quasiment terminé,
la fenêtre E a été ouverte, ainsi que le bas
de la porte F. Le courant de convection, typique du backdraft,
s'est mis en place, mais en se répartissant sur les deux
ouvrants. Les fumées sont en effet sorties par la fenêtre
E, tandis que tout le bas de la porte F s'est mise en mode "aspiration"avec un très fort mouvement d'air. Le foyer étant
pratiquement éteint lors de cette ouverture, aucune explosion
n'est survenue.
Mais cela montre que la ventilation (apport d'air) et l'extraction
(sotie des fumées) peuvent se produire sur deux ouvrants
de façons simultanés, les courants d'air se "répartissant" les ouvrants suivant les facilités
d'usage !
Conclusion
Après un grand nombre de brûlage mono-caisson, les
brûlages multi-caissons laissent apparaître une grande
complexité. Il est clair que l'idée première,
visant à faire travailler des sapeurs dans les caissons
pendant que les sergents observent de l'extérieur, n'est
pas réalisable sans une grande maîtrise de la part
de ceux qui sont dedans !
Les prochains essais consisteront à se placer dans un caisson
différent de celui dans lequel se trouve le feu, afin de
voir la réaction des éléments. D'autres tests
seront effectués, tels que mesurer ou du moins observer
l'impact d'une attaque sur le mouvement des fumées. En
tout cas, il reste encore beaucoup à apprendre!
Structure à priori unique en France, l'ensemble
des trois caissons jumelés présents sur le plateau
technique SDP2, en Mayenne, offre des possibilités multiples
:
- Feu simple dans un caisson 40' (12 mètres)
- Feu simple dans un caisson 20' (6 mètres, dit caisson
" backdraft")
- Feu dans un caisson 40' avec ouvrant vers un caisson 20'
- Feu dans un caisson 40 avec ouvrant vers un caisson 20'
ouvrant lui-même sur un autre 20'
- Feu dans un 20' communiquant sur un autre 20' et éventuellement
vers un 40'
- Feu double (un foyer dans un 40', un foyer dans un 20')
Etc..
Dans l'état actuel des scénarios pédagogiques,
le plateau technique est ouvert aux sapeurs-pompiers qui en font
la demande, pour des formations mono-caissons (formation sapeurs,
caporaux, sergent). Dans le cadre des formations de "référents caisson ", des brûlages multi-caissons sont réalisés,
mais dans l'état actuel des études, il n'y a pas
encore de formation de formateurs multi-caissons.
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