Lors d'un incendie, la fumée est toujours présente
et les sapeurs-pompiers savent bien que la quantité de
fumée, son opacité, sa couleur, sont autant de paramètres
qui changent tout au long de l'intervention.
Dans cet article, nous allons parler des fumées, en
général, puis plus particulièrement des fumées
blanches, qui sont la cause de nombreux accidents.
Les fumées
Les fumées présentent plusieurs dangers. Généralement,
nous en citons 5, dont nous nous rappelons par un moyen mnémotechnique
simple, en disant que les fumées sont COMIX . Chaque
lettre de ce petit mot nous permettra de nous rappeler des dangers
de la fumée.
C comme chaude. La fumée vient du feu, donc elle
est chaude. C'est une évidence. Mais un feu émet
sa chaleur autour de lui (par rayonnement) et au-dessus de lui
(par convection). Or, on estime que 60 à 70% de la puissance
thermique d'un feu part par le haut (par convection). Les fumées
se trouvant de ce " panache ", elles sont très
chaudes !
O comme opaque. Les fumées sont constituées
de particules en suspension. Les fumées sont donc opaques
et il est assez difficile et même parfois impossible, de
voir au travers. Mais elles sont aussi opaques (bien que le mot
ne convienne pas vraiment) à l'ouïe. Dans les fumées
les sons sont assourdis, on entend "comme dans du coton".
Nous constatons également que la détérioration
de la vision, dans les fumées, s'accompagne d'une déformation
des couleurs: le jaune devenant orange et le orange devenant rouge.
Ce dernier point est gênant car un feu jaune, c'est un feu
bien oxygéné tandis qu'un feu rouge manque de comburant.
Lorsque nous regardons le feu au travers de la fumée, nous
devons prendre en compte la déformation de couleur, afin
de déterminer avec le plus de justesse possible, la couleur
exacte du feu donc sa ventilation.
M comme mobile. La fumée est un élément
gazeux. Comme tout gaz, la fumée se conforme à la
Loi de Charles que l'on peut simplifier ainsi: "les gaz chauds
se dilatent, les gaz froids se contractent". Puisque la fumée
est chaude, elle se dilate, donc elle prend beaucoup de place
et en plus, elle est très légère. Elle va
donc monter dans les combles, sous les toits, se trouver bloquée
au plafond, va s'insinuer dans la moindre fissure de mur... Cette
mobilité est à prendre en compte lors des déplacements
dans les locaux: la fumée va apparaître comme une
sorte de couche épaisse, noire ou brun foncé, lourde.
Sa couleur, ses mouvements dans le local (ondulation au plafond),
vont donner l'impression qu'elle est presque solide: elle ressemble
à une sorte de purée, et l'on s'attend à
ce que la main puisse y faire un trou. Or, il n'en est rien. Derrière
cette apparente lourdeur se cache une grande légèreté.
Un geste brusque, un coup de lance mal placé, un déplacement
un peu rapide et voilà la fumée qui s'agite, occupe
tout l'espace et aveugle complètement les intervenants.
I comme inflammable. Lors d'un feu, le combustible dégage
le carbone qu'il contient. Lorsque le feu est bien ventilé
(en extérieur par exemple), il dégage un mélange
de carbone et d'oxygène avec une bonne quantité
d'oxygène. Sans rentrer dans des considérations
proches de la chimie, nous pouvons dire qu'avec du carbone et
pas mal d'oxygène, nous avons un feu qui génère
du CO2. Mais dans un local, le comburant est presque toujours
en quantité insuffisante. La combustion génère
donc un mélange de carbone et d'un peu d'oxygène
donc du CO. Or le CO est un gaz hautement inflammable. Contrairement
à ce que nous avons cru durant de nombreuses années,
la fumée n'est donc pas un simple résidu de combustion:
c'est un nouveau combustible, gazeux.
X comme toXique. Paradoxalement c'est le danger qui
nous concerne le moins puisque tout sapeur-pompier en intervention
met un appareil respiratoire isolant. Il faut quand même
savoir que, suivant ce qui brûle, les fumées peuvent
contenir des acides (chlorhydrique, cyanhydrique etc)
Les étapes de l'incendie
Concernant les fumées, nous pouvons distinguer trois
étapes:
- la production de fumées lors du démarrage
- la production de fumées durant le déroulement
"normal" du feu
- la production de fumées lorsque les flammes ont été
éteintes.
L'expérience de l'allumette
Pour commencer nous allons faire une expérience simple,
en craquant une allumette.
Nous déplaçons rapidement l'allumette sur le côté
de la boîte, afin de provoquer un échauffement puis
une inflammation. Lors de l'échauffement de l'extrémité
de l'allumette, nous voyons apparaître de la fumée,
plutôt claire (gris - blanc). La flamme apparaît
immédiatement et cette fumée disparaît. Soufflons
maintenant notre allumette. La flamme disparaît et les fumées
blanches réapparaissent.
Nous avons là, en tout petit, le déroulement complet
d'un incendie !
|
|
|
Allumage: présence de fumée
blanche, tout autour de l'allumette. |
La flamme est bien en place: la fumée
a disparu. |
Extinction: l'allumette recommence à
fumer abondamment. |
Que s'est-il passé ?
Au départ, il y a échauffement. Dans le cas
de l'allumette, cet échauffement est provoqué par
le frottement rapide sur le côté de la boîte.
Dans un incendie, il peut être provoqué par un radiateur
électrique en contact avec un fauteuil par exemple. Au
départ, l'échauffement va provoquer l'évaporation
de l'eau contenue dans le combustible. Pendant quelques instants
il va donc y avoir production de vapeur d'eau puis l'échauffement
va se poursuivre. Cet échauffement se nomme la pyrolyse.
C'est la destruction du combustible par la chaleur, mais sans
flamme. Lors de cette phase, le combustible dégage de la
fumée de pyrolyse, qui est de couleur blanche.
Cette fumée est hautement combustible, mais à ce
stade, la chaleur n'est pas suffisante pour qu'elle prenne feu.
Dans le cas de notre allumette, cette production de fumée
blanche se fait sur un temps extrêmement court, car la chaleur
augmente rapidement et ces fumées, hautement inflammables,
prennent feu. Comme elles sont en volume assez important, au moment
de leur inflammation, il y a une grande flamme.
C'est un peu comme sur une gazinière: si vous présentez
une flamme au brûleur, avant d'ouvrir celui-ci, dès
que le gaz sortira il prendra feu. Maintenant, si vous ouvrez
le robinet quelques secondes avant de présenter une flamme,
il y aura accumulation de gaz. A l'approche de la flamme il y
aura un "vlouf !" avec une grande flamme. Dès
que ce volume de gaz aura brûlé, la flamme diminuera
pour avoir une taille en rapport avec le débit de gaz.
Pour notre allumette (et dans un incendie) c'est la même
chose: une fois que le volume de fumée blanche est consommé,
l'allumette continue à pyrolyser mais cette fois les gaz
sont brûlés au fur et à mesure de leur production.
Nous avons donc une flamme d'une taille inférieure, qui
est alimentée par la pyrolyse du bois de l'allumette.
Le feu va alors continuer à avancer, avec un cycle immuable:
il chauffe le combustible, celui-ci produit des gaz qui s'enflamment,
ce qui produit donc de l'énergie qui chauffe une autre
partie du combustible et ainsi de suite.
La seconde phase, c'est celle des flammes. Avec notre allumette,
il n'y a pas de dégagement de fumées. Par contre
dans un local, cette seconde phase fume beaucoup. Généralement,
la raison qui est donnée c'est que le local est sous oxygéné:
pour son fonctionnement, un feu a besoin d'une grande quantité
d'oxygène. Or, il n'y a que 21% d'oxygène dans l'air
et en dessous d'une concentration de 14% (environ), il ne peut
plus y avoir de flammes. Nous n'avons donc que 21-14 = 7% du volume
d'air utilisable pour la combustion, ce qui est peu. Dans un local,
même avec une porte grande ouverte, le renouvellement d'air
ne réussira pas à fournir assez d'oxygène
au foyer.
Mais s'il est exact qu'un feu de local manquera toujours d'air,
le fait qu'il y ait beaucoup de fumée n'est pas forcément
lié à ce paramètre. Prenez votre poêle
à bois: lorsque vous ouvrez l'arrivée d'air du dessous,
les flammes grandissent et le poêle se met à ronfler.
Si vous fermez l'arrivée d'air, il ne se met pas à
fumer: les flammes baissent simplement d'intensité.
La fausse expérience du Bec Bunsen
La "preuve" du lien entre le manque de comburant
et la fumée, est souvent faite par l'usage d'un Bec Bunsen.
On ferme l'arrivée d'air et la flamme se met à fumer.
En fait, l'expérience est faussée. A la base elle
ne devrait servir qu'à montrer la différence entre
les flammes de prémélange et les flammes de diffusion,
c'est-à-dire la combustion d'un mélange combustible-gaz
par rapport à la combustion d'un combustible qui n'est
pas prémélangé au comburant.
Pour revenir à notre "flamme qui fume", il existe
un principe de chimie, le Principe de Lechatelier, qui dit qu'une
réaction chimique déséquilibrée, va
tout de suite chercher à s'équilibrer. Or, nous
parlons bien ici de flamme, donc de combustion, donc d'une réaction
chimique. Et nous avons toujours représenté le feu
par le fameux "triangle" donc par une figure "équilibrée".
Dès que le taux d'oxygène baisse, le feu baisse
tout de suite d'intensité, de manière à conserver
un équilibre entre sa production d'énergie, le combustible
qui réagit et le comburant disponible. Dans notre poêle
à bois, c'est ce qui se produit: lorsque nous fermons l'arrivée
d'air, le feu baisse immédiatement d'intensité afin
de consommer une quantité de combustible en adéquation
avec la quantité de comburant.
L'anti-ventilation
C'est ce principe d'équilibre qui explique la réussite
de la tactique d'attaque avec l'anti-ventilation. Le binôme
rentre dans le local en feu, et tandis que le Chef attaque le
feu, l'équipier reste à la porte et maintient celle-ci
fermée sur le tuyau. Il suffit en effet de fermer la porte
d'une pièce en feu pour voir immédiatement le foyer
baisser en intensité, ce qui laisse d'ailleurs supposer
que les intervenants, en ouvrant en grand les portes pour aller
attaquer le feu, sont souvent responsables de la montée
en puissance de celui-ci, montée en puissance qui va parfois
jusqu'au flashover.
L'expérience de l'assiette
Pour comprendre pourquoi "ça fume", prenons
une bougie allumée et une assiette. Plaçons l'assiette
au-dessus de la bougie, attendons, regardons: l'assiette n'est
pas noircie. Baissons l'assiette et recommençons. Nous
allons nous rendre compte que l'assiette se noircit, très
rapidement, dès qu'elle touche la flamme. Pourquoi ? La
flamme c'est en quelque sorte une zone de destruction du combustible.
Le combustible chauffé émet des gaz et ceux-ci réagissent
chimiquement dans la flamme. Si la flamme fait une certaine taille,
c'est simplement parce qu'il faut qu'elle ait cette taille pour
pouvoir réaliser la totalité de la réaction
chimique. Si on ajoute du combustible, la réaction chimique
doit devenir plus importante, donc la flamme s'agrandit. Si on
retire du combustible, la flamme diminue. Lorsque l'on descend
l'assiette très bas, celle-ci "coupe" la flamme.
Il manque donc un "morceaux "de flamme.
|
|
La flamme de la bougie est à
quelques millimètres de l'assiette. Et il n'y a pas de
fumée. |
La flamme de la bougie touche très
légèrement l'assiette. Immédiatement, un
important dépôt noir se forme sur l'assiette. |
Or c'est ce qui se passe dans un local. Si nous prenions un
fauteuil, en plein air, et que nous y mettions le feu, nous verrions
que la flamme résultante dépasse largement les 2,50
m de hauteur de plafond habituelle d'un local. En admettant que
la flamme du fauteuil fasse 4 m de haut, dans un local, il manquerait
donc 4 - 2,50 = 1,50 m de flamme. Or, si le fauteuil produit une
flamme de 4 m de haut c'est bien parce qu'il faut une telle flamme
pour que la réaction chimique se fasse correctement. Avec
ce même fauteuil, mais une flamme de seulement 2,50 m, la
réaction chimique est incomplète et tout ce qui
ne brûle pas part dans les fumées, qui sont donc
très abondantes et surtout, qui contiennent des éléments
qui, normalement, auraient dû brûler !
Et la situation ne va pas s'améliorer: les fumées,
abondantes, vont se stratifier au plafond. Elles vont donc constituer
rapidement une zone dans laquelle la combustion ne pourra qu'être
médiocre par manque d' oxygène. Il va donc y avoir
trois zones:
- Une zone basse dans laquelle les flammes seront bien oxygénées
et dans laquelle la réaction chimique sera assez bonne.
- Une zone supérieure, dans laquelle les flammes seront
sous oxygénées car en plein milieu des fumées
et où la réaction chimique sera mauvaise
- Une zone " absente " à cause du plafond.
Attention, ceci ne constitue pas la seule explication: la forme
du local est également à prendre en compte, le type
de combustible, la chaleur etc Mais en tout cas, le simple fait
qu'il n'y a pas assez de comburant n'est pas l'unique raison.
Mais poursuivons pour arriver maintenant à la troisième
étape: l'extinction. Les sapeurs-pompiers sont intervenus,
ils ont arrosé et il n'y a plus de flammes. Dans le cas
de l'allumette, nous avons soufflé dessus.
Dans les deux cas, nous voyons réapparaître des fumées
blanches. Dans le cas de l'extinction d'un incendie, il est fréquent
d'entendre les sapeurs-pompiers dire que ces fumées sont
tout à fait normales, puisque d'après eux, ce sont
les vapeurs émises par l'eau qui est entrée en contact
avec le combustible. Pourquoi pas. Mais dans ce cas, pourquoi
l'allumette fume-t-elle lorsque nous l'éteignons en soufflant
dessus ?
En fait, le combustible est encore chaud. A ce stade, il se comporte
donc comme il se comportait au tout début: il est chaud,
il est donc en train de pyrolyser et émet donc à
nouveau des gaz combustibles.
L'expérience de la bougie
Continuons nos petites expériences. Nous avons en effet
la chance d'être face à un élément,
le feu, qui réagit de la même manière qu'il
soit petit ou grand. En apprenant à l'observer en miniature,
nous pouvons comprendre comment il "fonctionne" et améliorer
ainsi nos méthodes pour le contrer.
Prenons une bougie, et allumons là. Attendons quelques
instants, pour qu'elle soit assez chaude. Allumons une allumette,
soufflons la bougie et rapidement, approchons l'allumette. Nous
allons voir que la bougie reprend feu, alors que nous n'avons
pas touché la mèche avec l'allumette, mais que nous
avons simplement approché celle-ci.
Lorsque nous avons éteint la bougie, celle-ci a continué,
pendant un cours instant, à produire des gaz combustibles.
Ce sont ces gaz qui ont pris feu à l'approche de l'allumette.
Dans le cadre d'un incendie, impliquant par exemple un canapé,
une armoire et une télévision, nous sommes en présence
d'une masse de combustible assez importante. Là ou la bougie,
avec sa mèche minuscule, n'a réussi à produire
des gaz de pyrolyse que pendant un temps très court, dans
notre local, la production pourra durer plusieurs minutes, voir
plusieurs heures. Et comme il n'y a plus de flammes, ces gaz ne
sont pas détruits. Et comme ils sont chaud, ils se déplacent
et montent dans les combles, dans les zones sous-plafond etc.
Bien mélanger pour bien enflammer
Pour que ces gaz prennent feu, il faut évidemment une
source d'inflammation, mais il faut aussi du comburant. Dans un
feu "classique" c'est-à-dire un feu avec des
flammes, il y a du combustible, de l'énergie, et du comburant.
La chaleur, qui résulte du feu, génère une
différence de température importante entre le bas
et le haut du local. Il s'en suit une différence de pression
et de forts courants d'air. Dans un incendie, il y a de nombreuses
turbulences. Or, ces turbulences mélangent les gaz combustibles
avec le comburant et favorisent ainsi leur inflammation. En même
temps, la présence de flammes, c'est la preuve d'une réaction
chimique, qui va consommer le comburant. Le local va donc manquer
de comburant, ce qui va en favoriser l'apport par la porte ou
la fenêtre ce qui va à nouveau favoriser les turbulences.
Dans le cas des fumées blanches de début ou de
fin d'incendie, rien de tel: les fumées sont émises
alors qu'il n'y a pas de flamme. Il n'y a donc pas de forte chaleur,
donc pas de différence de pression donc pas de turbulence.
Les fumées blanches peuvent rester très "compactes",
véritables blocs de gaz avec lesquels le comburant n'est
pas mélangé. De même ces fumées peuvent
rester au même endroit, par exemple au-dessus du fauteuil
qui est en train de pyrolyser. Si elles se déplacent, ce
sera sans doute assez lentement. Cela leur laissera le temps de
s'infiltrer un peu partout avant qu'on ne les remarque. Enfin,
durant leur trajet, elles perdront leurs particules lourdes et
pourront devenir très légères et difficiles
à observer. Enfin, étant donné qu'il n'y
a pas de flamme, le comburant reste présent dans le local.
Celui-ci devient donc un volume instable: il y a du gaz combustible,
du comburant et un peu d'énergie. L'ensemble pourrait prendre
feu, mais il manque peut-être un petit peu d'énergie,
un peu d'air etc En ouvrant une fenêtre, en déplaçant
un objet, les intervenants peuvent améliorer le mélange
et permettre à celui-ci de réagir. Et comme le combustible
présent est un gaz, la propagation sera fulgurante !
Exemples d'accidents
Exemple 1 - Un élément de mobilier se
trouve en contact pendant un temps très long, avec un radiateur.
Les habitants de l'appartement sont partis en vacances et ont
laissé le chauffage électrique en marche. Celui-ci
chauffe un canapé et celui-ci pyrolyse. Les gaz s'accumulent,
mais comme la source de chaleur n'est pas très importante,
ils ne prennent pas feu et le local reste froid.
Les voisins détectent une odeur, et appellent les secours.
Les sapeurs-pompiers sont donc appelés pour "odeur
suspecte".
A leur arrivée, ils sont accueillis par les voisins, dans
le couloir de l'immeuble. Ceux-ci leur indiquent qu'il y a une
odeur, et leur montrent l'appartement d'où elle provient.
Les sapeurs-pompiers ne détectent aucun signe de chaleur
et entrent.
Ils se tiennent debout, n'ont pas de moyens hydrauliques et ne
branchent pas leurs appareils respiratoires puisqu'il n'y a ni
chaleur, ni fumée dense. Seule cette odeur et éventuellement
une légère fumée flottent dans l'appartement.
Pour ventiler, les sapeurs-pompiers ouvrent la fenêtre et
cherchent un peu partout la source de l'odeur. Ils découvrent
un mince filet de fumée qui sort de derrière un
canapé. Ils déplacent alors les coussins et le canapé.
Sans le savoir, ils sont face à une zone extrêmement
combustible, chargée en gaz de pyrolyse. Ces gaz ne sont
pas assez mélangés au comburant pour prendre feu.
Le déplacement du canapé va créer une turbulence
et provoquer ce mélange. En une fraction de seconde les
gaz prennent feu et le canapé s'embrasse. La pièce
devient un véritable enfer. Cette intervention s'est déroulée
en janvier 2006 au Canada et a causé la mort d'un des sapeurs-pompiers.
Exemple 2 - Les sapeurs-pompiers sont appelés
pour feu dans une chambre d'hôtel. Cet hôtel est situé
sur un secteur rural. L'intervention se déroule assez rapidement:
le binôme d'attaque monte par l'escalier et attaque violement
le feu à fort débit. En quelques secondes celui-ci
est éteint. Légèrement brûlés
à la nuque par les retombées d'eau, les deux hommes
redescendent quelques instants, puis remontent déblayer,
en gardant leur tenue de feu complète et leur appareil
respiratoire. En entrant à nouveau dans la chambre, ils
constatent une présence de fumée blanche et pensent
que cette fumée est en fait la vapeur d'eau de l'extinction.
Ils commencent à déblayer et à un certain
moment, déplacent le matelas qui avait pris feu. Sous le
matelas, des éléments incandescents sont toujours
présents et la fumée blanche y est concentrée:
le mouvement du matelas ventile ces fumées qui prennent
feu. Les gaz étant accumulés au plafond, ceux-ci
prennent également feu et les deux hommes ont alors l'impression
qu'un plafond de feu leur tombe dessus pendant quelques secondes.
Ayant eu le réflexe de s'allonger il ne seront pas blessés.
Cette intervention s'est déroulée il y a quelques
années dans le Sud-Ouest de la France.
Les exemples sont nombreux et nous pouvons les classer globalement
en trois catégories:
- Les accidents lors de l'inflammation initiale. C'est le cas
de l'accident du Canada . Forte pyrolyse, mais pas de flammes.
Si l'énergie présente est forte, l'inflammation
sera rapide. Dans le cas contraire, l'accumulation des gaz peut-être
très importante et déboucher sur une inflammation
explosive. Dans ce cas nous parlerons de "smoke-explosion"
c'est à dire d'une explosion de fumée, dont on
voit bien que le déclenchement n'a rien à voir
avec celui d'un backdraft.
- Les accidents lors du déblai. Dans ce cas, les fumées
blanches sont aisément confondues avec la vapeur. Les
placards, les faux plafonds, les greniers sont autant de pièges
et comme les déblais sont l'occasion de déplacer
parfois violement des débris encore chauds, il y a risques
d'inflammation.
- Les accidents dans des locaux adjacents. Le feu prend dans
un local et chauffe par exemple le local du dessus. La moquette
se met à pyrolyser. Lorsque le local inférieur
est éteint, le local supérieur conserve la fumée
blanche. Celui-ci est donc un volume dans lequel se trouve à
la fois le combustible et le comburant. Il suffit que ce volume
soit mis en contact avec une source d'ignition pour que l'explosion
se produise. La même chose peut se produire par déplacement
de fumées via des gaines de ventilation, par des fissures
dans un mur etc.
Dans tous les cas, des règles s'imposent:
- Tenue de feu complète avec appareil respiratoire isolant
en marche
- Moyen hydrauliques puissants
- Evacuation du niveau et des étages supérieurs
(au minimum)
- Engagement du minimum de personnel
- Regroupement des moyens sous le niveau concerné ou
assez loin
- Ne jamais déplacer brusquement les objets au risque
de créer des turbulences et favoriser ainsi l'inflammation
des gaz accumulés
- N'ouvrir les fenêtres que lorsque l'on sait exactement
ce qui se passe.
Et en tout état de cause, toujours rester extrêmement
vigilant !
Article Par PL Lamballais / pl.lamballais@flashover.fr