Avec 3 caissons installés à l'Ecole de Jurbise
et une première équipe de 23 formateurs, la Belgique
vient de rentrer dans le club des pays qui mettent
l'accent sur les formations pratiques de sapeurs-pompiers, non
pas à une échelle locale, mais à une échelle
nationale. La petite taille du pays y est sans doute pour quelque
chose, mais au-delà de cet aspect géographique,
c'est certainement la volonté d'avancer qui est la plus
remarquable. Avec la mise en place d'une formation de formateurs,
reconnue par les plus hautes autorités (et ouverte aux
sapeurs-pompiers Belges et étrangers) associée à
la remise à niveau rapide de plusieurs centaines de sapeurs-pompiers,
la Belgique est certainement en passe de devenir rapidement le pays de référence
en terme de formation aux Progressions Rapides du Feu.
Afin de comprendre ce phénomène, il faut remonter
quelques années en arrière. A la suite de l'accident
de Ghislenghien (éclatement d'une conduite de gaz), une
commission a été crée afin de moderniser
les services de secours. Ceci a débouché sur la
mise en place d'une réforme, récemment votée
par le Sénat Belge, qui réorganise le territoire
avec un concept de zone. Le pays étant structuré
sous forme de Provinces de dimensions assez variables, certaines
auront 1 zone, d'autres 2, d'autres 3, ce système conférant
ainsi aux zones des tailles globalement équivalentes.
Au-delà de cet aspect purement organisationnel, la réforme
recommande aussi une partie pratique dans le cadre de la formation.
Aussi étrange que cela puisse paraître, la formation
des sapeurs-pompiers Belges est (était!) uniquement théorique
! Bien évidemment, les différentes casernes organisent
en interne des exercices et des petits « examens »
pratiques, mais ceux-ci ne font pas partie intégrante du
cursus.
De plus, si les différents Brevets (Sapeur, Caporal etc)
se déroulent au sein d'une Ecole, l'embauche des sapeurs-pompiers
se fait à l'échelon local car les services de secours
sont communaux, ceci devant également disparaître
avec la réforme.
En parallèle à ces profonds changements et à
cette mise en avant du besoin de formation pratique, les manifestations
des sapeurs-pompiers Belges à Bruxelles, ont insisté
sur ce point, les pancartes « nous voulons des formations
pratiques » étant assez nombreuses.
C'est dans cette effervescence et cette demande de «formation
pratique» que le Ministère a octroyé, en Décembre
2006, un budget afin de mettre sur pied une formation «flashover»
pour 600 sapeurs-pompiers des Provinces Francophones. Détail
malheureux, cette décision a été prise avant
l'accident de Rochefort, qui a coûté la vie à
Eric Perro, décédé suite à un backdraft.
Or, en Décembre 2006, aucun lieu ne permettait la mise
en place d'une telle formation sur les Provinces Francophones,
dont le personnel devait aller se former sur Anvers (Province
Néerlandophone). La Province de Hainaut préparant
depuis longtemps la mise en uvre d'une zone «pratique»
pour l'Ecole du Feu de Jurbise (école appartenant à
l'Institut Provincial de Formation de Hainaut), des tractations
ont alors eu lieu avec le Ministère pour que la Province
puisse réaliser ces formations pratiques et ainsi devenir
un lieu de référence pour l'ensemble des Provinces
Francophones.
Dès Janvier 2007 le projet se concrétise rapidement,
avec un objectif de haute qualité et de vision à
long terme. Il faut en effet installer des caissons, rédiger
l'ensemble des documents pédagogiques relatifs aux PRF,
à l'usage des lances, aux caissons, former des formateurs
en provenance de toutes les Provinces Francophones, puis démarrer
rapidement la formation des 600 sapeurs-pompiers.
Les formateurs doivent recevoir des documents leur permettant
de donner les cours théoriques, mais également les
cours pratiques. Ils doivent également recevoir des documents
expliquant comment fabriquer et comment gérer des caissons
(chek-list de vérification, consignes de sécurité,
documents de suivi de brûlage, documents de dosage de combustible,
etc). Ces formateurs doivent en effet encadrer la formation des
600 sur le plateau technique de Jurbise, mais doivent ensuite
réaliser la mise en uvre de caissons dans les autres provinces
afin de réaliser ensuite les formations sur leur secteur.
L'Ecole du Feu de Jurbise se donne ainsi plusieurs missions
:
- Devenir un centre d'excellence et de référence
pour la formation des formateurs
- Devenir un centre de formation qui pourra former en grand
nombre les sapeurs-pompiers Belges de toutes Provinces, afin
d'assurer une remise à niveau rapide de tous les intervenants
Francophones
- Devenir le centre de formation pratique de la Province pour
l'ensemble des sapeurs-pompiers de Hainaut
- Devenir un centre à haut niveau technique pour les
formations les plus complexes (ceci devant se réaliser
entre autres par la mise en uvre de système multi-caissons
courant 2007, mais aussi par l'adjonction de modules techniques
pour le sauvetage-déblaiement, un simulateur de cellule
de crise dans le cadre des dangers de type « Seveso »
etc)
Dés le départ, c'est sous l'impulsion du Cne
Philippe Staquet, qu'il est décidé de former un
noyau de 23 formateurs, de toutes les Provinces Francophones.
Le cours sera clairement formulé avec des documents pédagogiques
précis, tant pour la partie théorique que pour
la pratique des lances, l'usage des caissons etc En contact depuis
plus de 2 ans avec le site flahsover.fr c'est naturellement vers
ce « réservoir documentaire » que l'attention
se porte. Après une nouvelle prise de contact avec Pierre-Louis
Lamballais, il est décidé de faire l'acquisition
de 3 caissons de 12m et d'un caisson de 6m. Dés le début
2007, ils sont placés sur le terrain de la future zone
«pratique» de l'Ecole, un terrain de 30 hectares
situé à 10min des installations de cours théorique
(une dizaine de salles de cours, cantine, douches, amphithéatre).
Les choses sérieuses peuvent commencer!
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Une partie des formateurs
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Les 600 sapeurs-pompiers devant être formés sur
une journée, c'est cette journée de «mise
à niveau» qui servira de base pour le travail des
formateurs puisqu'à terme, cette journée servira
pour l'initiation dans le cadre des nouvelles recrues, tant professionnelles
que volontaires.
La journé de base
La journée de formation des "600" est décomposée
comme suit:
Théorie sur les feux de locaux avec rappel sur le triangle
du feu, différence entre combustion vive et pyrolyse, dangers
des fumées (COMIX), flammes de diffusion et de pré-mélange,
feu contrôlé par le comburant ou par le combustible
Descriptif du flashover «théorique» et du
flashover «induit par la ventilation», puis du backdraft
en distinguant le déclenchement par auto-inflammation et
par retour des flammes sur les braises. Ces 2 heures se terminent
par les explications sur la famille des FGI (Fire Gas Ignition),
avec le flash-fire et la smoke-explosion. Enseignée sur
la base d'un scénario pédagogique complet, associé
à un document de plusieurs dizaines de pages pour «commenter et justifier» chaque élément, avec
des descriptifs d'expériences à mener, cette partie
théorique permet d'aborder le reste de la formation.
Une heure est ensuite consacrée à une démonstration
sur mini-maison, en prenant comme référence le «Kit Mini-Maison» disponible dans la zone téléchargement
du site flashover.fr
Exercice de passage de porte
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La matinée se termine par une présentation théorique
des lances, puis par l'apprentissage de la technique de progression
et de protection. La progression est travaillée en utilisant
le jet le plus efficace pour la zone gazeuse: jet ouvert à
60°, incliné de 45° par rapport au sol, avec un
débit minimum de l'ordre de 150lpm et une ouverture de
lance d'une demi-seconde. L'ouverture d'esprit d'un petit pays
comme la Belgique est, à ce point de vue, un atout majeur: regarder autour de soit, analyser, et déduire la meilleure
solution, sans contrainte, tout ceci pour aboutir à des
solutions qui sont ensuite validées à 100% par
la pratique. La sécurisation des zones par badigeonnage
est également enseignée (technique Suédoise
du «painting»). Là encore, un scénario
pédagogique et un document «commentaire-justification» viennent étayer cette partie. Les formateurs utilisent
le principe désormais bien connu de la démonstration
temps réel, suivi de la démonstration «commentée
justifiée» puis de l'apprentissage.
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L'apprentissage des techniques des lances se poursuit l'après
midi. Les stagiaires découvrent d'abord l'attaque indirecte
(depuis l'extérieur des structures). L'attaque combinée
est ensuite expliquée et démontrée (TOZ
à débit maximum) en insistant bien sur les véritables
conditions d'utilisons, trop souvent passées sous silence: obligation d'avoir un local ventilé puisque la projection
d'eau produira de la vapeur (ceci prenant comme source les documents
originaux décrivant cette méthode, c'est-à-dire
les documents Américains et Canadiens). Enfin les stagiaires
apprennent à réaliser l'attaque la plus précise
et la plus économe en eau, utilisable dans les locaux
non-ventilés: l'alternance pulsing-penciling, qui sera
donc utilisée dans le caisson. La technique de lance se
termine par l'apprentissage du passage de porte avec justification
de chaque geste, position, action...
Le passage en caisson conclu cette journée. Le caisson
est utilisé sans exutoire, pour reproduire le plus fidélement
possible les conditions d'un feu de local (un appartement posséde
rarement un exutoire...), avec au départ une forte stratification
de fumée. Les stagiaires utilisent ensuite les impulsions
en petit débit et valident ainsi le fait qu'avec un débit
de seulement 150lpm et une ouverture d'une demi-seconde (à
peine), ils arrivent à supprimer les flammes sur une surface
de plusieurs mètres carrés, à conditions
de savoir ou viser!! Lorsque les stagiaires sont tous passés
aux impulsions, ils repassent pour éteindre, en alternant
pulsing-penciling tout en se rapprochant de la zone de feu. L'extinction
se fait sans jamais perturber l'équilibre thermique à
tel point que le dernier stagiaire se trouve au pied de la zone
de feu pour éteindre, et que tout le monde peut immédiatement
se lever sur la zone de feu pour constater que toute la chaleur
a été absorbée, sans production de vapeur
et avec un plancher qui est resté sec!
Point de vue pratique
D'un point de vue pratique, les formations se déroulent
avec des groupes de seulement 6 stagiaires pour une qualité
pédagogique et une sécurité maximale. Avec
un usage simultané des 3 caissons, ce sont donc 18 stagiaires
qui peuvent suivre le cours dans sa totalité, de façon
simultanée. Ce nombre devrait d'ailleurs augmenter puisqu'il
est prévu d'acquérir d'autres caissons d'ici la
fin 2007, en plus des structures complexes (juxtaposés
et superposées).
Une formation officielle
Début Mai 2007, les premiers formateurs ont reçu
leur agrément de la part du représentant du Ministre,
du Gouverneur de la Province et de la Mme la Député
en charge de la formation. Les sessions de formations des 600
vont s'étaler de Juin à Octobre 2007 et seront suivies
de 2 ou 3 stages de formateurs pour lesquels une quinzaine de
personnes sont déjà inscrites (les stages sont ouverts
aux Belges et aux non-Belges). Avec ces formateurs en plus et
avec la mise en place d'une structure multi-caissons dont les
plans sont déjà réalisés, l'Ecole
de Jurbise disposera d'un potentiel remarquable.
Durant la formation des formateurs, 36 stagiaires « cobayes
» ont déjà permis de vérifier le déroulement.
Une formation d'Adjudants se tenant sur cette période,
les formateurs en ont profité pour transformer la journée
« théorie flashover » des Adjudants en une
journée avec pratique, et ont donc accueilli une quarantaine
d'élèves dans les caissons. En comptant les formateurs,
les premiers stagiaires, les Adjudants et les 600 sapeurs-pompiers,
ce sont donc près de 700 sapeurs-pompiers qui auront reçu
la formation en Octobre!
En moins de 10 mois, la Belgique, via la Province de Hainaut
et l'Ecole de Jurbise, aura donc fait l'acquisition de caissons,
les aura installés, aura mis en place un contenu pédagogique
de qualité, avec une documentation de plusieurs centaines
de pages, aura formé des formateurs et aura formé
plus de 10% de l'ensemble des sapeurs-pompiers Francophones du
pays.
Décidement, quand la volonté est là, tout est possible!