La diffusion récente de vidéos montrant des déboires
avec l'usage de la ventilation à pression positive a amené
de nombreuses réflexions et surtout de nombreuses questions
sur ce mode opératoire. La publication par le NIOSH du
résultat de l'enquête relative au décès
du sapeur-pompier Allan M. Roberts de Baltimore (Octobre 2006)
a encore pointé du doigt certaines déficiences,
puisque l'un des points à surveiller concerne « la
synchronisation entre la ventilation et l'attaque intérieure
»
Au-delà des questions sur la ventilation elle-même,
ces réflexions en ont amené d'autres, relatives
à la tactique générale. Plus récemment
des petits exercices sous forme de "cas concrets" avec
photos, déposés sur quelques forums internet, ont
également validé le fait que les enjeux tactiques
étaient globalement mal estimés.
Cet article ne va pas chercher à donner des solutions
idéales, « toutes faites », mais devrait inciter
à réfléchir à cette vue d'ensemble.
Jonesboro Fire Department
Les questions se posent depuis longtemps, mais ont été
amplifiées par la diffusion sur le site You Tube, d'une
vidéo du Jonesboro Fire Departement (vidéo supprimée
depuis). Sur cette vidéo, un ventilateur est placé
à l'entrée de la structure. Une fois le ventilateur
en place, le sapeur-pompier qui l'a positionné, rejoint
le reste de l'équipe, déjà entrée,
avec des moyens hydrauliques. Le ventilateur reste donc seul,
dehors. A cet instant, la situation semble sous contrôle.
Bien sûr, de la fumée sort par l'avant de la structure,
mais lorsque l'on connaît le volume de fumée habituellement
produit par un feu de ce type, on comprend aisément que
ce qui sort par l'avant ne représente qu'une infime partie
de cette fumée. L'extraction de la fumée semble
donc se faire de façon correcte, ou en tout cas suffisamment
correcte pour laisser supposer que la ventilation est efficace.
Lorsque la vidéo débute, le ventilateur est déjà
en fonctionnement et les premiers intervenants sont déjà
dans la maison. Il s'écoule plus de 2 minutes avant que
la situation ne se dégrade. Le feu gagne alors en ampleur,
puis ressort par le devant de l'habitation après être
à priori sorti par une fenêtre, située à
droite de l'habitation.
- La puissance du ventilateur est suffisante pour repousser
les fumées, mais seulement tant que tout va bien. Dès
que la situation se dégrade, la puissance du feu et la
surpression qu'il génère sont trop fortes et le
ventilateur ne peut plus lutter. En tout cas, il ne semble plus
suffisant pour assurer la protection des individus.
- Le fonctionnement initial correct n'est pas la preuve que le
fonctionnement va rester correct jusqu'à la fin. Nous sommes
face à un feu évolutif mais le choix de positionnement,
mise en marche etc... du ventilateur, est ici (et souvent) effectué
sur une analyse à un instant précis.
Mais comme la situation évolue, il faudrait envisager le
cas ou cette situation « idyllique » ne dure qu'un
temps. Concrètement, cela signifie que si la ventilation
est une bonne idée à un certain moment, elle peut
s'avérer désastreuse quelques instants plus tard.
A l'inverse, alors qu'elle peut sembler dangereuse à un
certain moment, elle pourrait s'avérer très utile
quelques instants plus tard.
Différence Lance - Ventilation
Il semble difficile de comparer une lance à un ventilateur.
Une comparaison ergonomique est néanmoins possible. La
lance est un outil tenu par un des intervenants. Il a entre les
mains cet outil et va décider de son action, en ayant la
possibilité de régler celle-ci. Dans le cadre d'une
lance à débit variable sur tuyau de 45 (seule lance
capable de lutter en cas de dégradation de la situation),
il peut régler le débit, l'angle du jet, et choisir
d'ouvrir la lance plus ou moins longtemps. Le tuyau est maintenu
par son équipier qui aide à l'avancer. Les fonctions
sont bien réparties puisque le porte lance observe devant
lui et gère sa lance, tandis que son équipier observe
les alentours, au-dessus, derrière etc.. Les actions se
complètent et le binôme possède des moyens
lui permettant d'assurer sa survie en cas de catastrophe (position
de protection).
Note: nous devons remarquer que la position de protection,
seul rempart permettant la survie en cas de problème, nécessite
un débit puissant, mais ne protégera que deux individus,
ce qui remet en cause certains pratiques « tactiques »
comme le fait de rentrer à trois dans une structure (voir
plus bas).
La seule dépendance du binôme réside dans
l'alimentation du tuyau donc dans le travail de l'opérateur
pompe. Mais celui-ci n'a pas à analyser: une fois la pression
réglée, il doit se contenter d'assurer celle-ci.
Si le binôme est bien formé, il saura économiser
son eau, évitera de s'ébouillanter et même
avec un seul engin-pompe, il aura de quoi lutter pendant un temps
suffisamment long.
En plus, une bonne connaissance de la lance permet au binôme
de savoir si l'extinction est réalisable dans les premières
secondes. Si ce n'est pas le cas, c'est que la capacité
d'absorption thermique de la lance est insuffisante. Il n'a donc
pas intérêt à rester sur place, à arroser
un feu trop violent: il faut reculer pour sortir, ce choix se
faisant rapidement suite à une analyse de la situation.
Dans le cadre de la lance, le porte lance observe, agit, vérifie
le résultat de l'action, prépare en conséquence
l'action suivante, exécute celle-ci etc...
Le ventilateur participe d'une logique très différente.
Il est généralement placé en dehors de la
structure, ou en tout cas, loin des intervenants. Mais il a une
influence sur une grande distance. Or c'est l'analyse de cette
influence qui permet de déterminer l'intérêt
de l'usage. Pour la ventilation, celui qui va voir et éventuellement
subir l'impact n'est pas celui qui gère le ventilateur.
Il y a donc une dissociation entre l'action et la validation,
à cause de la distance.
En plus, du fait de cette distance, il peut s'écouler
un temps assez long avant que l'opérateur externe (donc
celui qui est au ventilateur) ne se rende compte de la dégradation
des conditions. Imaginons ainsi un ventilateur qui souffle dans
un couloir, qui donne dans une pièce avec une fenêtre
ouverte. Admettons que la ventilation fonctionne un certain temps,
puis devienne problématique. Il va falloir que la situation
se dégrade dans la pièce, puis sur la longueur du
couloir, avant que celui qui est à l'extérieur ne
s'en rend compte.
Une analyse chronologique de la vidéo du Jonesboro Fire
Department montre ce problème de réactivité.
Il s'écoule 1min39 avant que le feu n'apparaisse à
la fenêtre de droite. A partir de cet instant, il est clair
que la situation se dégrade et qu'un arrêt immédiat
de la ventilation serait sans doute nécessaire. Il s'écoule
encore 6 secondes avant que le feu ne sorte violement par cette
fenêtre, puis encore 18 secondes avant qu'il ne passe sur
le devant de l'habitation. Et il s'écoule enfin 33 secondes
avant que les sapeurs-pompiers ne sortent.
En cumulant ces délais, nous constatons qu'entre l'apparition
du premier signe de dégradation (feu sur la droite) et
la sortie des sapeurs-pompiers, il s'écoule 57 secondes.
Donc près d'une minute durant laquelle la situation est
catastrophique, mais pendant laquelle le ventilateur continue
à dégrader cette situation.
Si un opérateur était resté au ventilateur
et avait arrêté celui-ci lorsque les flammes sont
apparues sur le devant, il se serait quand même écoulé
plus de 20 secondes durant lesquelles le personnel présent
dans le local aurait subit le flux thermique, amplifié
par le ventilateur. Et nous pouvons estimer que ce délai
de 20 secondes est un minimum car dans l'exemple de cette vidéo,
le feu passe facilement du côté sur le devant. Si
la sortie des flammes s'étaient faite non pas sur le côté
de la structure, mais sur l'arrière, il y a fort à
parier que l'aggravation de la situation n'aurait été
perceptible en façade, que bien plus tard.
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Début
de la vidéo |
1'39. Apparition de flammes
sur le droite |
1'42. Sans doute flashover
dans le local de droite. |
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Note: nous pouvons nous
demander pourquoi à 1'42, le sapeur-pompier n'arrête
pas le ventilateur. En fin de compte, il ne semble venir que
pour aider au niveau du tuyau. |
2'03. La feu passe sur la façade. |
2'36. Sortie des sapeurs-pompiers |
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Pourtant, cette vidéo n'est pas « exceptionnelle
» : à la vue d'autres vidéos dans lesquelles
la ventilation dégrade la situation, nous constatons que
les sapeurs-pompiers ressortent bien après la sortie des
flammes. Alors qu'ils sont entrés en bénéficiant
de la veine d'air frais, ils ressortent en passant sous le plafond
de flammes.
Formation à la ventilation
Dans les différents centres de secours, la fourniture des
ventilateurs n'a pas toujours fait l'objet d'une formation poussée.
Lorsqu'il y a formation, celle-ci se compose généralement
de deux parties:
- Une partie consacrée au matériel lui-même:
mise en route, arrêt, rangement, vérification des
niveaux etc..
- Une partie exemple, basée de façon quasi-exclusive
sur des dessins et parfois des plans d'habitations
Sur ces plans, nous plaçons le feu, puis le ventilateur
et nous traçons le chemin de l'air, pour montrer, dans
la majorité des cas, que c'est une méthode efficace.
Mais à leur arrivée sur les lieux, les sapeurs-pompiers
disposent rarement du plan de l'habitation. Ils sont plutôt
en Terra Incognita: la seule vision qu'ils ont, va être
celle d'une fenêtre avec des flammes qui sortent, et la
porte d'entrée face à laquelle ils se trouvent.
Et-ce que cette porte donne directement dans la pièce en
feu, dans le couloir, dans une pièce intermédiaire?
Est-ce que les portes s'ouvrent dans le sens habituel? Est-ce
qu'il existe des sorties qui vont extraire les fumées et
les envoyer vers d'autres endroits? Mystère.
Alors même que le plan ou la maquette donne une vue générale
de la structure, dans la réalité le sapeur-pompier
ne va en voir qu'un ou deux mètres. Lorsqu'il se sera avancé
et aura donc analysé ces 2 mètres, il en verra 1
ou 2 autres, qu'il pourra analyser en avançant etc... Les
intervenants vont donc « construire » le plan de la
structure au fur et à mesure de leur progression alors
même que la formation leur a généralement
donné l'ensemble du plan. Dans la réalité,
ce n'est donc peut-être qu'au bout de 10 mètres qu'ils
pourront savoir si la ventilation est, ou n'est pas une bonne
solution.
Il serait sans doute plus réaliste de montrer seulement
le début du plan et de demander aux stagiaires: que faites-vous?
Sans possibilité de voir par où passera la veine
d'air, le choix est beaucoup plus délicat quant à
l'utilisation ou non de la ventilation.
La communication
Au-delà de la mise en route ou de l'arrêt d'un ventilateur,
force est de constater que le point le plus important concerne
la communication.
Puisqu'il est quasiment impossible de déterminer à
l'avance la réussite de la ventilation, sans entrer et
sans visiter la structure, il devient clair que seule une communication
entre les « visiteurs » et les « opérateurs
» permettra de gérer la mise en route ou l'arrêt
de la ventilation, à moins d'avoir un ventilateur pilotable
à distance.
Si la ventilation n'est pas encore active, comment l'activer?
Et si elle est active et que cela s'avère une très
mauvaise idée, comment l'arrêter7
Sans communication, rien n'est faisable, ni dans un sens, ni dans
l'autre.
Imaginons que la ventilation ne soit pas une bonne idée.
Dans ce cas, soit elle reste active et la fuite devient la seule
issue, soit il est possible de l'arrêter. Dans ce cas, comme
le flux d'air ne possède pratiquement pas d'inertie, cela
veut dire que l'effet s'arrêtera dès que la ventilation
sera stoppée. Cela signifie aussi qu'en arrêtant
la ventilation, la situation changera presque immédiatement
et nous pouvons alors imaginer que l'attaque puisse se dérouler
sereinement.
Si la situation se dégrade et que la seule solution
consiste à se sauver, cela veut dire que pour mettre en
oeuvre une autre stratégie, il faut attendre que la dégradation
soit effective, puis que les sapeurs-pompiers ressortent. Entre
le début de la dégradation et la mise en oeuvre
d'une autre stratégie, le ventilateur a continué
à souffler et donc à dégrader la situation.
C'est ce qui se passe dans la vidéo du Jonesboro Fire Department.
Et lorsque les sapeurs-pompiers ressortent, force est de constater
que la structure est déjà endommagée, puisque
la solution choisie consiste ensuite à attaquer par l'extérieur.
Il en est de même sur la vidéo de l'incendie de Beaumont
(USA).
L'arrêt de la ventilation peut aussi se faire de façon
accidentelle: l'opérateur qui s'occupe du ventilateur peut
déceler des faiblesses de fonctionnement, se rendre compte
qu'il ne va pas tarder à s'arrêter. Il faut alors
qu'il prévienne les intervenants qui sont dans la structure
et qui comptent peut-être beaucoup sur la ventilation.
La dimension des sortants
Lorsque l'on parle de la ventilation, la vérification des
« sortants » apparaît comme l'un des points
les mieux surveillés. Mais nous sommes là encore
face à une analyse qui se réalise à un instant
précis: à l'arrivée sur les lieux, une analyse
des sortants, de leur position et des dimensions, permet de juger
de l'efficacité de la ventilation. Mais la ventilation,
ce n'est pas seulement injecter de l'air et le faire ressortir.
C'est également extraire les fumées. En fait, si
nous faisons entrer X m3 d'air dans la structure, et que le feu
produit Y m2 de fumée, il faudra logiquement faire sortir
plus que X m3. S'il n'y avait que l'air, la fumée produite
resterait dans la structure. Or lorsqu'une fenêtre est brisée,
la fumée s'échappe et elle s'échappe d'autant
plus violement qu'elle est sous pression à cause de sa
chaleur.
D'ailleurs, même sans ventilation, nous savons bien que
les sortant sont parfois insuffisants et que le feu évolue:
au départ l'apport d'air se fait par le bas de l'ouverture
et la sortie des fumées par le haut. Plus la production
de fumée augmente, plus la surface d'extraction (de la
porte par exemple), augmente et plus la surface dédiée
à l'apport d'air, diminue. Mais la situation n'est pas
stable: à un certain moment, le plafond de fumée
s'écroule et la « respiration » se fait alors
par alternance, sur toute la hauteur de l'ouvrant. Nous voyons
bien que la situation a évolué. Pourquoi en serait-il
autrement lors de l'usage de la ventilation?
Si celle-ci extrait les fumées sans trop alimenter le
feu, nous pouvons penser que le sortant sera assez grand tout
au long du déroulement. Les fumées vont donc s'en
aller, les intervenants vont pouvoir pénétrer dans
la structure et attaquer. Plus ils attaqueront, plus le feu baissera
en intensité, produira de moins en moins de fumées
et la situation s'améliorera. Au contraire, si la ventilation
souffle sur le feu, celui-ci prendre de l'ampleur. Il produira
alors de plus en plus de fumées et de chaleur. Or, dans
l'immense majorité des cas, ce changement d'intensité
ne se produira pas immédiatement. Alors que le souffle
n'a pas réellement d'inertie, la reprise du feu en a une:
lorsque nous ouvrons l'arrivée d'air de la cheminée,
le feu met un certain temps à repartir. Une des risques
c'est donc que la situation semble correcte pendant un certain
temps. Le feu reprend de l'intensité, le débit de
fumée augmente et au bout de quelques minutes, le débit
d'air en entrée, accumulé avec la production de
fumée, se met à saturer le sortant. Celui-ci, largement
assez grand au départ, devient trop petit. Il risque alors
de se produire une surpression dans le local. Lorsque celle-ci
atteindra un seuil suffisant lui permettant de lutter contre le
flux d'air, les fumées se mettront à sortir en contrariant
le ventilateur. Chaudes et inflammables, ces fumées seront
ventilées et prendront facilement feu.
Il est souvent indiqué que « le ventilateur va refroidir
les fumées ». Sauf que si ce refroidissement suffisait
pour ne pas qu'elles prennent feu, le simple afflux d'air frais
par une fenêtre aurait le même effet. L'apport de
comburant provoquera certainement un effet plus fort que l'impact
de la température de celui-ci.
Généralement, dans les quelques instants qui
précédent ce refoulement de fumées en feu,
nous voyons apparaître le phénomène dit de
« black fire », c'est-à-dire dire de fumées
très noires, roulant sur elles-mêmes avant de prendre
feu.
Risque de backdraft
Dans le cas de sortant insuffisants, ou devenant insuffisants,
outre le risque de sortie rapide des fumées enflammées,
il y a également risque de backdraft. Nous en avons quelques
exemples sur des exercices réalisés en caisson,
comme sur les photos ci-dessous.
Récapitulatif
De tout ceci nous déduisons plusieurs choses:
- La mise en place de la ventilation ne peut se faire qu'avec
un minimum de connaissance de la topologie des lieux, ce qui
ne peut se faire qu'avec un plan ou une exploration préalable
à la mise en route du ventilateur
- Le démarrage et l'arrêt de la ventilation doivent
être commandés (ou demandés) par ceux qui
vont pouvoir analyser le bien fondé de la ventilation
- La situation reste évolutive, d'un bout à l'autre
de l'intervention. Déterminer l'intérêt ou
non de la ventilation, ne peut donc pas se faire de façon
définitive. Elle peut être inutile à un moment,
utile à un autre , à nouveau inutile etc...
- L'apport d'air peut avoir un effet positif, mais aussi un
effet négatif. Positif car cela peut permettre l'extraction
des fumées, négatif car cela peut accroître
la puissance du feu. Par contre, éviter l'apport d'air
ne peut avoir qu'un effet positif car un feu que l'on sous-alimente
en air va toujours baisser en intensité.
- Un feu que l'on sur-alimente en comburant, va gagner en puissance.
Pour lutter contre cette augmentation de puissance, il faudra
des moyens hydrauliques puissants.
Anti-ventilation
En tout état de cause, il semble dangereux de commencer
systématiquement par la mise en fonction de la ventilation
(VPP) car sauf rares exceptions, rien ne permet initialement de
juger de son impact, positif ou négatif.
Et comme il peut s'écouler un certain temps avant que la
dégradation n'apparaisse, il est délicat de commencer
à ventiler pour « voir ce que ça donne ».
Mais à bien y réfléchir, il existe pourtant
une autre solution: l'anti-ventilation. Elle consiste à
refermer l'accès derrière le binôme, afin
d'empêcher la ventilation du feu, ou en tout cas, afin de
ne pas changer la ventilation actuelle.
Si les ouvertures sont suffisamment grandes pour bien ventiler
le feu, celui-ci atteindra le flashover avant l'arrivée
des secours. S'il ne l'a pas atteint, c'est que le profil de ventilation
est insuffisant. Dans ce cas, faire entrer des intervenants risque
de provoquer l'apport d'air et donc de provoquer l'emballement
thermique (flashover induit par la ventilation). Par contre, faire
entrer le binôme et immédiatement refermer la porte,
empêchera d'ajouter une nouvelle entrée d'air. La
structure conservera donc son profil de ventilation initiale,
et n'ira donc pas jusqu'au flashover.
Bien sûr, refermer la porte ne pourra pas se faire de façon
parfaite à cause du tuyau, mais nous considérons
que cet apport d'air est négligeable, ou en tout cas qu'il
est largement compensé par le refroidissement des gaz.
En utilisant dès le départ cette méthode
d'anti-ventilation, le binôme peut progresser. Il peut communiquer
avec le personnel resté à l'extérieur, et
commander ou non l'usage du ventilateur.
La gestion préalable par anti-ventilation ne date pas
d'hier. Déjà présente dans l'ouvrage de Paul
Grimwood « Fog Attack », nous la trouvons dans la
majorité des méthodes de passage de porte dans lesquelles
l'équipier prend soin de refermer le porte une fois le
porte lance entré dans le local. C'est ce type d'action
que nous voyons sur les vidéos Suédoises, Australiennes
(dans l'ouvrage « 3D Firetactics »), qui est enseignée
en Grande-Bretagne et depuis peu en Belgique.
Quelques règles élémentaires semblent
donc s'imposer dans le cadre de la gestion d'un feu de local,
par exemple sur une maison individuelle.
Pour les intervenants qui pénètrent dans la structure:
- Un seul binôme, jamais un individu seul, mais jamais
plus que deux sapeurs-pompiers
- Le binôme doit posséder des moyens hydrauliques
puissants (lance autorisant un débit de 400lpm au minimum)
- Le binôme doit être formé pour savoir
traiter les gaz chauds, observer etc..
- Moyens radio obligatoires entre l'équipier de ce binôme
et le contrôleur de la ventilation, qui reste dehors. Il
semble plus logique que ce soit l'équipier qui possède
la radio et pas le porte lance, pour des raisons évidentes
de commodité.
- C'est ce binôme qui ordonne la mise en marche ou l'arrêt
de la ventilation: Pas de radio = pas de ventilo!
Si l'analyse initiale de la situation incombe au responsable
de l'intervention, qui doit suivre les règles élémentaires
de sécurité, il n'en reste pas moins évident
que ce sont ceux qui peuvent bénéficier de la ventilation,
ou au contraire, subir celle-ci, qui doivent avoir le dernier
mot.
Le sapeur-pompier qui a en charge le ventilateur est obligatoirement
bloqué à cet endroit: il a une radio et il est en
liaison permanente avec le binôme qui progresse. Il reçoit
les ordres de ce binôme et reste au ventilateur du début
jusqu'à la fin, même pendant les déblais.
Pour le responsable de l'intervention, ce sapeur-pompier est un
relais privilégié: la gestion générale
de l'intervention, la demande de renfort, le positionnement des
autres intervenants sont autant d'actions qui incombent à
l'officier (ou au sous-officier) et celui-ci ne peut logiquement
pas réaliser toutes ces opérations et en même
temps suivre l'évolution des actions du binôme qui
est entré. Or, le sapeur-pompier qui est à la porte,
au ventilateur, est à un endroit fixe. Il récupère
les informations issues du binôme et lorsque l'officier
désire connaître la situation, il lui suffit d'aller
voir ce sapeur-pompier, qui est toujours au même endroit
et qui sert de relais.
Exemple
Sur certains secteurs, les interventions incendies se font à
6, à 5, à 4 ou même à 3. Il faut donc
trouver une solution simple, qui permettra de garantir l'efficacité
des actions tout en assurant la protection des personnes.
Nous partirons du cas le plus dégradé, c'est-à-dire
un départ incendie à 3 ou 4. Bien évidemment,
sur les gros services incendies, le nombre de personnes, la formation
et le matériel permettent de travailler différemment.
A l'arrivée sur les lieux, l'officier fait une reconnaissance
de toute la structure, de l'extérieur. Il peut en profite
pour délimiter la zone de travail avec de la rubalise.
Pendant ce temps, s'il y a un étage, les autres intervenants
dressent l'échelle à coulisse. Elle sera utile pour
sortir rapidement les éventuelles victimes mais aussi pour
permettre l'évacuation des secours si le feu se propage
et piége les sapeurs-pompiers
Sauvetages des victimes visibles, appel de renforts etc...
Ensuite mise en place d'une lance sur tuyau de 45mm (ou équivalent)
et mise en place du ventilateur, tournant au ralenti
La porte d'entrée étant déterminée,
le binôme entre. L'officier reste dehors et maintient la
porte fermée sur le tuyau
Lorsque le binôme situé à l'intérieur,
estime que c'est nécessaire, il demande la mise en route
de la VPP, qui est donc géré par l'officier. Avec
seulement 3 personnes, il est pratiquement certain que la solution
la plus fiable consistera a attaquer en anti-ventilation, puis
une fois le feu éteint, d'ouvrir et donc de ventiler pour
les déblais.
Nous sommes ici dans la procédure décrite dans les
formations de type « 3 Person Crewing » qui réalise
une adaptation des procédures habituelles, généralement
prévues pour des équipes plus importantes.
Avec une équipe de 4 personnes, la gestion reste la même,
sauf que l'officier peut continuer à gérer l'intervention
sans être bloqué au ventilateur.
Au-delà de 4, l'officier veille à ce que le reste
de l'équipe ne commence pas à prendre des initiatives
douteuses quand à la ventilation (ouverture de fenêtre,
fermetures...) ce qui entraînerait des changements de conditions
parfois dramatiques pour les attaquants.
Bien évidemment, dans le cas ou du personnel est disponible,
il est toujours possible de créer des sortants pour pouvoir
utiliser la ventilation. Mais même dans ce cas, commencer
par de l'anti-ventilation reste sans doute une bonne solution,
sécurisante, et même avec de très larges sorties
pour les fumées, la communication radio reste impérative.
Entrer à 3
Sur certains secteurs, l'habitude est de faire entrer trois personnes
dans les structures: porte lance, équipier et officier.
Quelle que soit la manière dont nous analysons cette solution,
difficile d'y trouver un réel avantage. En premier, le
déplacement du tuyau ne sera pas facilité: une
seule personne suffit auprès du porte lance. Par contre,
conserver une personne à la porte, pour maintenir celle-ci
fermée et pousser le tuyau, est beaucoup plus utile. Le
3éme intervenant entré pourrait surveiller? Difficilement.
Le binôme est composé de deux personnes, qui se
complètent. Le porte lance regarde en l'air, devant. Son
équipier surveille les arrières, le dessus etc...
Avoir une troisième personne, c'est courir le risque de
se gêner, de bloquer une zone visuelle et de passer à
côté de signes importants, en raison également
du grand principe qui veut que plus on est, plus tout le monde
croit que l'autre fait le travail ! En cas de repli rapide, trois
personnes sont plus difficiles à évacuer que 2.
La position de protection ne protége que 2 personnes,
pas 3. L'officier doit donc faire confiance à son binôme.
Celui-ci va attaquer, gérer cette attaque. Si l'officier
veut absolument communiquer avec son binôme, il lui fournira
une radio. En tout état de cause, aller avec le binôme
juste "pour voir" est un réflexe de simple curiosité,
qui va compliquer la situation, accroître le niveau de
danger et diminuer les chances de repli, donc de survie. C'est
cher payer la curiosité! |
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Progression. Le porte lance gère
ce qui se passe en haut, devant lui. La surveillance de tout
le reste de la zone est réalisée par l'équipier. |
Protection sous un jet diffusé,
débit maximum. La couverture possible ne protége
efficacement que deux individus, l'un contre l'autre. |
|
VPP lors de l'attaque ou seulement lors du déblai
?
« La stratégie de la ventilation doit être
intégrée dans l'attaque. Je pense que la meilleure
pratique sera un mélange entre le contrôle de l'air
entrant dans la structure (point de vue Européen) et l'extraction
de la fumée (point de vue Américain). La décision
d'usage de la ventilation doit être faite en prenant en
compte :
- la situation dans la structure
- Influence de la ventilation sur les conditions de l'incendie
La VPP est une méthode efficace, si les conditions
permettant son utilisation sont effectivement réunies.
Ce n'est pas la solution miracle. Comme toutes les autres sortes
de ventilation, la mise en place de la VPP nécessite de
savoir ce qui se produira lorsqu'on la mettra en place »
(Ed Hartin)
Alors, VPP durant l'attaque ou seulement au déblais
? La question reste ouverte. Certains services incendies ont tranché.
C'est le cas du New South Wales Fire Brigade, dont le «
Bulletin Sécurité » N°16 de 2006 est assez
explicite :
« L'utilisation inappropriée de la VPP et l'introduction
d'air frais avant de localiser et éteindre le foyer d'un
incendie peuvent conduire à une progression rapide du feu
et à des conditions extrêmes.
La VPP ne doit être utilisée que dans le but
d'éliminer la fumée et d'autres produits de la combustion
lors de la phase post-incendie . Avant d'utiliser la VPP, le foyer
de l'incendie doit être localisé et contrôlé
de façon adéquate, sous la surveillance du Contrôleur
Sécurité Incident. Une fois cela fait, les méthodes
standard de VPP peuvent être utilisées. »
Conclusion
La ventilation peut être une solution efficace. Mais sa
mise en oeuvre demande de sérieuses précautions.
Le positionnement du matériel, distant de la zone d'effet,
est sans doute le détail le plus délicat. Seuls
des moyens radios permettent de s'affranchir de ce problème,
surtout lorsque le personnel est en petit nombre. Lorsque toutes
les conditions ne sont pas réunis, la VPP peut s'avérer
rapidement dangereuse. Mieux vaut alors pas de VPP qu'une VPP
approximative. Au contraire, avec toutes les conditions réunies,
c'est un atout majeur pour l'intervention.