Lors de la pénétration dans une structure, il
faut agir avec précaution, en étant toujours attentif
aux signes et aux dangers. Mais malgré un bon refroidissement
des couches gazeuses, malgré toute l'attention que l'équipier
peut porter aux départs de feux, il est possible que la
situation se dégrade. Et dans ce cas, que faire ?
Lorsque la situation se dégrade, le binôme est
généralement en train de progresser (voir article
correspondant ici). Le porte lance pulse dans les fumées,
observe la réaction puis avance. Il est secondé
par son équipier qui apporte le tuyau nécessaire
tout en surveillant les arrières. Lors que la situation
se dégrade, le binôme est rarement en train d'attaquer.
Les analyses d'accidents montrent en effet de façon évidente
que les accident se produisent lors de l'approche. En clair, les
accidents se produisent sur le trajet depuis la porte d'entrée
jusqu'au canapé en feu et pas lorsque l'extinction du canapé
est en cours. C'est en fait assez logique : l'ouverture de la
porte de la structure met en relation un milieu plutôt basse
pression (l'extérieur) et un milieu de plus forte pression
(la structure, à cause de la chaleur). Il y a donc automatiquement
tentative de ré-équilibrage des pressions, ce qui
entraîne une sortie des fumées en partie haute et
une entrée d'air frais en partie basse. L'ensemble se mélange
sur le trajet entre l'ouverture et le foyer. Les inflammations
produisant de la chaleur, donc de la pression, les vagues de flammes
auront tendance à sortir, donc à aller à
la rencontre des intervenants lorsque ceux-ci pénétreront
dans la structure.
La première chose c'est que le binôme, lorsqu'il
pulsera dans les couches chaudes, se rendra sans doute compte
que la situation ne s'améliore pas. Au lieu de refroidir
et donc de progresser dans une zone plus fraîche, il y aura
sensation d'une augmentation anormale de la température.
Mais attention, cette détection suppose trois choses :
- Ne pas envoyer trop d'eau. Le refroidissement des couches
gazeuses se fait à petit débit pour ne pas produire
de vapeur excessive.
- Ne pas toucher les parois. Lors du refroidissement des couches
gazeuses, il faut déposer de l'eau dans les gaz, mais
il ne faut pas toucher les parois.Sinon, cela provoque de la
vapeur qui, à cause de son pouvoir d'expansion, va pousser
les fumées sur les intervenants
- Il faut progresser tranquillement, en laissant à l'eau
le temps d'agir et en prenant le temps d'observer. Ce point est
très important. C'est le moins «technique»
mais c'est pourtant le plus difficile. Dans un feu, la tendance
va être à la vitesse alors que rien n'est plus dangereux
que de se dépécher !
Il faut également prendre en compte la ventilation :
refermer la porte derrière soit est une opération
un peu angoissante, mais c'est la seule chance de ne pas apporter
trop de comburant au foyer et donc d'empêcher l'emballement
de celui-ci. Bien sûr, la porte restera légèrement
ouverte à cause du tuyau, mais cette ouverture sera minime
et l'accroissement du feu ,par ce petit apport de comburant, sera
compensé par les actions de refroidissement.
- Si la situation ne s'améliore pas, il faudra pulser
à nouveau. Idéalement, on ne pulse pas deux fois
au même endroit, mais on donne des impulsions les unes
à côté des autres, ou les unes en dessous
des autres.
- Si la situation continue à se dégrader, inutile
de rester là : il faut se sauver. A ce stade, le binôme
est toujours à genou. Il ne se relèvera pas, mais
reculera face au feu, toujours à genou. Cela lui permettra
de reculer tout en pulsant, donc tout en refroidissant les gaz.
Il ne faut jamais sortir sans la lance d'abord parce qu'elle
est le seul outil qui peut offrir une protection, et ensuite
parce que la présence d'une lance dans une structure laisse
toujours penser qu'il y a quelqu'un dedans.
Note: d'un point de vue progression,
dès que le binôme s'engage sur une distance un peu
importante (plus que 5m par exemple), il y a nécessité
d'un troisième homme, qui restera à la porte d'entrée.
Il aidera à la progression en faisant entrer le tuyau
dans la structure, ce qui sera facilité par la rigidité
de ce tuyau. Lorsqu'il détectera que le binôme revient
(déplacement du tuyau vers la sortie), il lui suffira
de tirer sur le tuyau. Mais attention : ce troisième homme
ne doit surtout pas entrer. Il maintien la porte close sur le
tuyau, tire ou pousse le tuyau et assure la liaison entre le
binôme et l'extérieur. S'il entre, il va se trouver
avec les mêmes problèmes de tuyau que l'équipier:
boucle, accrochage... et en cas de repli rapide, tout va s'emmêler
et les différentes personnes présentes vont se
gêner ! |
- Si le front de flamme gagne du terrain et qu'il n'est pas
possible de fuir, il faut se mettre en position de protection.
La position de protection
Elle nécessite une lance offrant un débit de l'ordre
de 500 litres par minutes. Les moyens hydrauliques de débit
inférieur offrent une trop faible captation thermique.
Au moment de se mettre en position de protection, le porte lance
est en train de pulser. Il garde alors sa lance ouverte. A cet
l'instant, celle-ci est donc réglée en petit débit,
avec un angle d'ouverture assez large, mais pas aussi large que
le jet de protection.
Le binôme est bien évidemment placé de
part et d'autre du tuyau puisque c'est la position habituelle
pour la progression et les différents modes d'attaques
en intérieur (attaque combinée, attaque pulsing-penciling).
Les deux sapeurs-pompiers se couchent vers l'avant, face contre
terre, et l'équipier avançe un peu pour se trouver
à la hauteur du porte lance.
Le tuyau est légèrement tiré et la lance
est placée verticalement. A ce stade, la lance est donc
toujours ouverte, en petit débit. Dés qu'il est
à terre, le porte lance change le réglage de la
lance, sans fermer celle-ci : il tourne la tête de diffusion
tout à gauche pour obtenir un jet « parapluie »
et tourne aussi la bague de débit vers la gauche pour
obtenir un plus gros débit (500lpm).
Photo: exercice de position de protection CTO Brasilia
- Août 2008.
|
|
Purge ou gros débit ?
Sur la majorité des lances, lorsque l'on tourne la bague
de débit vers la gauche, à fond, on passe en position
«purge». Le clapet, situé au niveau de la tête
de diffusion, s'écarte beaucoup. L'objectif de cette position
est de permettre le passage des impuretés (petits cailloux,
morceaux de rouille) qui pourrait boucher la lance et empêcher
un fonctionnement correct. Lorsque la lance se trouve sur cette
position, le jet est composé de plus de grosses gouttes.
Quelle influence sur la protection ? Mystère. Disons que
sur certaines lances, se mettre en purge accentue l'angle du jet
et celui-ci est donc encore plus en «parapluie». En
tout cas, difficile de juger.
Validation de la protection
Comme dans beaucoup de cas, il est assez difficile de juger de
la validité d'une telle protection. La première
chose à bien comprendre c'est que cela ne protégera
certainement pas dans 100% des cas. C'est comme la ceinture de
sécurité : l'avoir ne protége pas à
100% mais protége nettement plus que de ne pas l'avoir.
Il y a donc nécessité d'enseigner la position de
protection et d'utiliser des lances à gros débit,
même si cela ne fait gagner que quelques petits % de chance
de survie.
Des essais de position de protection ont déjà
été réalisés en caisson, avec succès.
Seul problème noté, celui de l'eau qui, déversée
en grande quantité, a tendance à mouiller les vêtements
donc à en diminuer la qualité de protection. Ceci
étant, le but n'est pas de se mettre en position, d'attendre
puis de ré-attaquer. Le but premier est bien de se sauver,
et si cela ne marche pas de se protéger. Dés que
le flux thermique diminue, il faut se sauver. Et ne pas se faire
d'illusion : dans une situation extrêmement dégradée,
il ne faudra pas espérer sortir indemne. Des brûlures
apparaîtront certainement au niveau des extrémités
(doigts par exemple) ou au niveau des épaules (compressions
des couches d'air). Mais entre quelques brûlres et un décès,
le choix est vite fait !
Le cas de Bully-Les-Mines
Il existe assez peu d'exemple de position de protection utilisée
en intervention. Lorsqu'une intervention se déroule très
mal et qu'il y a décès, il y a rarement analyse
précise et surtout s'il y a décès, il est
généralement difficile de connaître les actions
qui ont été tentées par ceux qui sont morts.
Lorsqu'une action est réussie et qu'il n'y donc pas de
décès, il n'y a généralement pas d'analyse
et nous ne savons donc pas ce qui a permis la survie.
Le cas de l'accident de Bully-Les-Mines (France) fait un peu figure
d'exception. En effet, même si cet accident n'a pas eu d'issue
fatale, nous avons pu en obtenir le descriptif assez précis,
pour reconstituer le déroulement et surtout, en faire une
modélisation informatique, avec FDS.
|
|
Emplacements et trajet |
Courbe de puissance |
Descriptif de l'intervention : Le feu prend au point
X (pièce 2) au pied du lit (à priori cours circuit
dans des fils électriques) mais faute de comburant, il
stagne après avoir émis beaucoup de fumées
et chauffé les éléments de la pièce
2 (lit adulte et lit enfant). Les sapeurs-pompiers viennent de
l'escalier, entrent dans la pièce 1 mais ne voient rien
à cause de la fumée. La chaleur est quasi-absente.
Ils se dirigent dans la pièce 2, ne voient toujours rien,
rebroussent chemin et vont ouvrir la fenêtre de la pièce
1. Le plafond de fumée remonte. Ils ressentent alors une
augmentation de chaleur, puis voient des flammes au niveau de
la porte qui sépare les deux pièces. La ventilation
provoquée par l'ouverture de la fenêtre a permis
au feu de reprendre. La puissance émise va alors provoquer
la rupture de la fenêtre de la pièce 2. Il se produit
un flashover (induit par la ventilation) dans la pièce
2 avec propagation dans la pièce 1. Les sapeurs-pompiers
se jettent à terre et se protégent avec leur lance
réglée à 500lpm.
Sur la courbe de puissance, produite par un calcul réalisé
sous FDS 4.07, nous avons noté l'estimation de puissance
thermique absorbable par les différentes lances, en optant
pour un rendement de 70%.
La courbe de puissance montre que ce débit important leur
a certainement sauvé la vie car avec un débit plus
faible, l'absorption thermique aurait été insuffisante.
Nous en déduisons deux choses :
- Qu'un débit important est nécessaire, même
si la courbe montre que cette nécessité n'est réel
que sur un temps très court. Car à cet instant,
soit nous avons les moyens, soit nous mourrons.
- Que la position de protection, si elle n'est certainement
pas une solution fiable à 100% doit cependant être
enseignée et répétée en caserne,
car elle augmente les chance de survie en cas d'accident, lorsque
la fuite n'est pas possible.
Conclusion
Si la position de protection n'offre certainement pas 100% de
chances de survie, il est néanmoins évident que
lorsque la fuite est impossible c'est l'ensemble "débit
important" + "position de protection" qui pourra
augmenter les chances de survie. Et ce n'est certainement pas
négligeable.