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Evolution: possible ou impossible? (I)
- Paru le 16/08/2009
- Déjà lu 15931 fois.

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Cours formateurs flashover - Draguignan (Canjuers-France) 2009
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Tactique et Pratique bulletArticle: Technique de lance: protection


Lors de la pénétration dans une structure, il faut agir avec précaution, en étant toujours attentif aux signes et aux dangers. Mais malgré un bon refroidissement des couches gazeuses, malgré toute l'attention que l'équipier peut porter aux départs de feux, il est possible que la situation se dégrade. Et dans ce cas, que faire ?

Lorsque la situation se dégrade, le binôme est généralement en train de progresser (voir article correspondant ici). Le porte lance pulse dans les fumées, observe la réaction puis avance. Il est secondé par son équipier qui apporte le tuyau nécessaire tout en surveillant les arrières. Lors que la situation se dégrade, le binôme est rarement en train d'attaquer. Les analyses d'accidents montrent en effet de façon évidente que les accident se produisent lors de l'approche. En clair, les accidents se produisent sur le trajet depuis la porte d'entrée jusqu'au canapé en feu et pas lorsque l'extinction du canapé est en cours. C'est en fait assez logique : l'ouverture de la porte de la structure met en relation un milieu plutôt basse pression (l'extérieur) et un milieu de plus forte pression (la structure, à cause de la chaleur). Il y a donc automatiquement tentative de ré-équilibrage des pressions, ce qui entraîne une sortie des fumées en partie haute et une entrée d'air frais en partie basse. L'ensemble se mélange sur le trajet entre l'ouverture et le foyer. Les inflammations produisant de la chaleur, donc de la pression, les vagues de flammes auront tendance à sortir, donc à aller à la rencontre des intervenants lorsque ceux-ci pénétreront dans la structure.

La première chose c'est que le binôme, lorsqu'il pulsera dans les couches chaudes, se rendra sans doute compte que la situation ne s'améliore pas. Au lieu de refroidir et donc de progresser dans une zone plus fraîche, il y aura sensation d'une augmentation anormale de la température. Mais attention, cette détection suppose trois choses :

  • Ne pas envoyer trop d'eau. Le refroidissement des couches gazeuses se fait à petit débit pour ne pas produire de vapeur excessive.
  • Ne pas toucher les parois. Lors du refroidissement des couches gazeuses, il faut déposer de l'eau dans les gaz, mais il ne faut pas toucher les parois.Sinon, cela provoque de la vapeur qui, à cause de son pouvoir d'expansion, va pousser les fumées sur les intervenants
  • Il faut progresser tranquillement, en laissant à l'eau le temps d'agir et en prenant le temps d'observer. Ce point est très important. C'est le moins «technique» mais c'est pourtant le plus difficile. Dans un feu, la tendance va être à la vitesse alors que rien n'est plus dangereux que de se dépécher !

Il faut également prendre en compte la ventilation : refermer la porte derrière soit est une opération un peu angoissante, mais c'est la seule chance de ne pas apporter trop de comburant au foyer et donc d'empêcher l'emballement de celui-ci. Bien sûr, la porte restera légèrement ouverte à cause du tuyau, mais cette ouverture sera minime et l'accroissement du feu ,par ce petit apport de comburant, sera compensé par les actions de refroidissement.

  • Si la situation ne s'améliore pas, il faudra pulser à nouveau. Idéalement, on ne pulse pas deux fois au même endroit, mais on donne des impulsions les unes à côté des autres, ou les unes en dessous des autres.
  • Si la situation continue à se dégrader, inutile de rester là : il faut se sauver. A ce stade, le binôme est toujours à genou. Il ne se relèvera pas, mais reculera face au feu, toujours à genou. Cela lui permettra de reculer tout en pulsant, donc tout en refroidissant les gaz. Il ne faut jamais sortir sans la lance d'abord parce qu'elle est le seul outil qui peut offrir une protection, et ensuite parce que la présence d'une lance dans une structure laisse toujours penser qu'il y a quelqu'un dedans.

Note: d'un point de vue progression, dès que le binôme s'engage sur une distance un peu importante (plus que 5m par exemple), il y a nécessité d'un troisième homme, qui restera à la porte d'entrée. Il aidera à la progression en faisant entrer le tuyau dans la structure, ce qui sera facilité par la rigidité de ce tuyau. Lorsqu'il détectera que le binôme revient (déplacement du tuyau vers la sortie), il lui suffira de tirer sur le tuyau. Mais attention : ce troisième homme ne doit surtout pas entrer. Il maintien la porte close sur le tuyau, tire ou pousse le tuyau et assure la liaison entre le binôme et l'extérieur. S'il entre, il va se trouver avec les mêmes problèmes de tuyau que l'équipier: boucle, accrochage... et en cas de repli rapide, tout va s'emmêler et les différentes personnes présentes vont se gêner !

  • Si le front de flamme gagne du terrain et qu'il n'est pas possible de fuir, il faut se mettre en position de protection.

La position de protection
Elle nécessite une lance offrant un débit de l'ordre de 500 litres par minutes. Les moyens hydrauliques de débit inférieur offrent une trop faible captation thermique. Au moment de se mettre en position de protection, le porte lance est en train de pulser. Il garde alors sa lance ouverte. A cet l'instant, celle-ci est donc réglée en petit débit, avec un angle d'ouverture assez large, mais pas aussi large que le jet de protection.

Le binôme est bien évidemment placé de part et d'autre du tuyau puisque c'est la position habituelle pour la progression et les différents modes d'attaques en intérieur (attaque combinée, attaque pulsing-penciling). Les deux sapeurs-pompiers se couchent vers l'avant, face contre terre, et l'équipier avançe un peu pour se trouver à la hauteur du porte lance.

Le tuyau est légèrement tiré et la lance est placée verticalement. A ce stade, la lance est donc toujours ouverte, en petit débit. Dés qu'il est à terre, le porte lance change le réglage de la lance, sans fermer celle-ci : il tourne la tête de diffusion tout à gauche pour obtenir un jet « parapluie » et tourne aussi la bague de débit vers la gauche pour obtenir un plus gros débit (500lpm).

Photo: exercice de position de protection CTO Brasilia - Août 2008.

Purge ou gros débit ?
Sur la majorité des lances, lorsque l'on tourne la bague de débit vers la gauche, à fond, on passe en position «purge». Le clapet, situé au niveau de la tête de diffusion, s'écarte beaucoup. L'objectif de cette position est de permettre le passage des impuretés (petits cailloux, morceaux de rouille) qui pourrait boucher la lance et empêcher un fonctionnement correct. Lorsque la lance se trouve sur cette position, le jet est composé de plus de grosses gouttes. Quelle influence sur la protection ? Mystère. Disons que sur certaines lances, se mettre en purge accentue l'angle du jet et celui-ci est donc encore plus en «parapluie». En tout cas, difficile de juger.

Validation de la protection
Comme dans beaucoup de cas, il est assez difficile de juger de la validité d'une telle protection. La première chose à bien comprendre c'est que cela ne protégera certainement pas dans 100% des cas. C'est comme la ceinture de sécurité : l'avoir ne protége pas à 100% mais protége nettement plus que de ne pas l'avoir. Il y a donc nécessité d'enseigner la position de protection et d'utiliser des lances à gros débit, même si cela ne fait gagner que quelques petits % de chance de survie.

Des essais de position de protection ont déjà été réalisés en caisson, avec succès. Seul problème noté, celui de l'eau qui, déversée en grande quantité, a tendance à mouiller les vêtements donc à en diminuer la qualité de protection. Ceci étant, le but n'est pas de se mettre en position, d'attendre puis de ré-attaquer. Le but premier est bien de se sauver, et si cela ne marche pas de se protéger. Dés que le flux thermique diminue, il faut se sauver. Et ne pas se faire d'illusion : dans une situation extrêmement dégradée, il ne faudra pas espérer sortir indemne. Des brûlures apparaîtront certainement au niveau des extrémités (doigts par exemple) ou au niveau des épaules (compressions des couches d'air). Mais entre quelques brûlres et un décès, le choix est vite fait !

Le cas de Bully-Les-Mines
Il existe assez peu d'exemple de position de protection utilisée en intervention. Lorsqu'une intervention se déroule très mal et qu'il y a décès, il y a rarement analyse précise et surtout s'il y a décès, il est généralement difficile de connaître les actions qui ont été tentées par ceux qui sont morts. Lorsqu'une action est réussie et qu'il n'y donc pas de décès, il n'y a généralement pas d'analyse et nous ne savons donc pas ce qui a permis la survie.
Le cas de l'accident de Bully-Les-Mines (France) fait un peu figure d'exception. En effet, même si cet accident n'a pas eu d'issue fatale, nous avons pu en obtenir le descriptif assez précis, pour reconstituer le déroulement et surtout, en faire une modélisation informatique, avec FDS.

Emplacements et trajet

 Courbe de puissance

Descriptif de l'intervention : Le feu prend au point X (pièce 2) au pied du lit (à priori cours circuit dans des fils électriques) mais faute de comburant, il stagne après avoir émis beaucoup de fumées et chauffé les éléments de la pièce 2 (lit adulte et lit enfant). Les sapeurs-pompiers viennent de l'escalier, entrent dans la pièce 1 mais ne voient rien à cause de la fumée. La chaleur est quasi-absente. Ils se dirigent dans la pièce 2, ne voient toujours rien, rebroussent chemin et vont ouvrir la fenêtre de la pièce 1. Le plafond de fumée remonte. Ils ressentent alors une augmentation de chaleur, puis voient des flammes au niveau de la porte qui sépare les deux pièces. La ventilation provoquée par l'ouverture de la fenêtre a permis au feu de reprendre. La puissance émise va alors provoquer la rupture de la fenêtre de la pièce 2. Il se produit un flashover (induit par la ventilation) dans la pièce 2 avec propagation dans la pièce 1. Les sapeurs-pompiers se jettent à terre et se protégent avec leur lance réglée à 500lpm.
Sur la courbe de puissance, produite par un calcul réalisé sous FDS 4.07, nous avons noté l'estimation de puissance thermique absorbable par les différentes lances, en optant pour un rendement de 70%.
La courbe de puissance montre que ce débit important leur a certainement sauvé la vie car avec un débit plus faible, l'absorption thermique aurait été insuffisante.

Nous en déduisons deux choses :

  • Qu'un débit important est nécessaire, même si la courbe montre que cette nécessité n'est réel que sur un temps très court. Car à cet instant, soit nous avons les moyens, soit nous mourrons.
  • Que la position de protection, si elle n'est certainement pas une solution fiable à 100% doit cependant être enseignée et répétée en caserne, car elle augmente les chance de survie en cas d'accident, lorsque la fuite n'est pas possible.

Conclusion
Si la position de protection n'offre certainement pas 100% de chances de survie, il est néanmoins évident que lorsque la fuite est impossible c'est l'ensemble "débit important" + "position de protection" qui pourra augmenter les chances de survie. Et ce n'est certainement pas négligeable.


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