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C'est mieux en le disant!

Evolution: possible ou impossible? (I)
- Paru le 16/08/2009
- Déjà lu 15937 fois.

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C'est mieux en le disant! bulletArticle: Evolution: possible ou impossible? (I)


Les services incendie font face à une évolution des habitations et des technologies devant laquelle ils semblent assez impuissants. Malgré des efforts de bonne foi, malgré des annonces tonitruantes, les services évoluent peu. En tout cas, s'ils évoluent, c'est avec une vitesse inférieure à la vitesse d'évolution du contexte dans lequel ils doivent agir. Or, une analyse des cas, des possibles, des méthodes et des moyens mis en ?uvre, montre de façon évidente que les choses ne bougent pas. Pire, dans certains secteurs, les services sont comme paralysés par l'ampleur du changement nécessaire, totalement sclérosés et figés dans des conceptions passéistes. Et malheur à celui qui a la moindre volonté de changement car il est tout de suite considéré comme un danger pour un ordre bien établi.


A l'heure ou la Qualité et la Sécurité sont les maîtres mots dans l'industrie, à l'heure où les véhicules sont de plus en plus sûrs, à l'heure de la qualité d'analyse, il est temps de prendre conscience du disfonctionnement chronique des services quant à la gestion des améliorations. Car malgré ce que l'on entend, tout est là pour prouver, démontrer et valider le fait que les lendemains qui s'annoncent seront remplis de larmes plutôt que de rires.
Au long de plusieurs articles, nous allons essayer de comprendre en premier un fonctionnement général, puis nous analyserons la manière dont sont réalisés les documents relatifs aux accidents ainsi que l'impact qu'ils peuvent avoir, tout comme l'impact que peut avoir la recherche. Nous terminerons enfin par la présentation d'une méthode, sans doute apte à faire avancer les choses, si l'on consent à la mettre en place.

Afin de comprendre une situation, il est toujours bon d'en chercher l'historique et de voir si, à un moment ou à un autre, le déroulement apparemment normal, ne se serait pas écarté de la ligne que l'histoire pouvait prétendre tracer. Nous notons ainsi que les grands corps, qui, tout au long du siècle dernier, ont forgé le fonctionnement des services incendies, ne sont plus le moteur de cette évolution, si infime soit elle.  L'arrivée d'internet a permis des contacts jusque là impossibles et la capacité de communication d'un simple individu égale désormais celle d'une entité de plusieurs milliers d'hommes d'autant que, soucieux de préserver des règles souvent dépassées, les grands corps s'auto censurent. Celui qui ose se lever pour parler est aussitôt rabaissé alors même que les idées émises ne le sont que pour le bien de tous. Et quand bien même elles seraient émises dans le but que l'individu qui les annonce en tire quelque gloire, où en serait le problème si ces idées bénéficient à l'ensemble du groupe ? Piégé par l'incapacité à reconnaître les idées, on voit alors certains services les prélever de façon parfois malhonnête, les copiant sans citer les sources ou les déformant afin de ne jamais admettre qu'elles viennent d'autrui.
A l'inverse, les petits corps, dans des systèmes où ils sont totalement isolés, sont désormais des lieux d'expérimentation, affranchis des règles inadaptées. Dans un pays ayant mis en place un regroupement des moyens (cas de la France avec la départementalisation), le poids de la hiérarchie peut devenir lourd et freiner néanmoins ces cerveaux bouillonnants. En revanche, en Belgique (par exemple), le système communal qui prévaut encore, aboutit a de grandes différences. Certains petits corps restent totalement passéistes, d'autres se sont résolument tournés vers le futur et regardent désormais avec amusement les grands corps et leurs règles du siècle dernier. Quel dommage de ne pas accepter d'entendre ces moteurs d'innovation et quel dommage de ne pas leur faire honneur !

Pour comprendre tout cela et surtout pour comprendre le manque d'évolution, il convient de sortir du cadre sapeur-pompier. Ce cadre est en effet trop replié sur lui-même pour que sa simple analyse nous donne des pistes de travail. Nous chercherons les réponses dans le domaine des gestions de projets et plus particulièrement dans le domaine des projets militaires.

Les actions
Lorsque des actions sont menées par des individus, quel que soit le domaine, elles peuvent réussir ou échouer. C'est une évidence. Mais que ce soit face à une action couronnée de succès ou une action aboutissant à un échec total, deux options se présentent : la compréhension ou l'incompréhension du déroulement aboutissant au résultat.

Il s'en suit 4 cas :
  • L'action est réussie et l'on sait pourquoi
  • L'action est réussie et l'on ne sait pas pourquoi
  • L'action est un échec et l'on sait pourquoi
  • L'action est un échec et l'on ne sait pas pourquoi

De toute évidence, le premier cas est idéal. Il mêle à la fois réussite et capacité à comprendre parfaitement ce qui a entraîné celle-ci. Dans ce cas, la réussite est répétable, maîtrisée. Les deux cas où l'action échoue semblent les plus gênants. Mais en fait, ils ne le sont pas. En effet, l'échec, surtout lorsqu'il est flagrant, entraîne immédiatement une réaction.

Mais le Qualiticien sait bien que le cas le plus dangereux n'est pas l'échec de l'action. Car l'échec de l'action est toujours mêlé à du sentimentalisme et les améliorations qui en résultent sont rarement, pour ainsi dire jamais efficaces.

Le plus dangereux c'est le cas de l'action réussie sans que l'on sache pourquoi. Car le fait que l'action soit une réussite suffit pour s'en contenter. Pourquoi analyser puisque tout s'est bien passé? Pourquoi se réunir, se critiquer, analyser, alors qu'il n'y a eu aucun problème? Le simple fait que l'action soit une réussite, laisse immédiatement penser que c'est une preuve de la qualité du processus.
Dans le cas des sapeurs-pompiers, la preuve est considérée comme irréfutable : il y a du feu, les pompiers arrivent, font quelques actions et après? il n'y a plus de feu.

Il y a donc preuve de l'efficacité des actions. Et à ce jeu-là, les grands corps sont encore plus persuadés que les autres du fait que leur nombre d'interventions est important. Qu'une simple remarque soit faite sur une procédure mise en place dans un service incendie de grande taille, et la réponse est immédiate : cela fait des années que l'on fait comme ça, nous avons de l'expérience, nous avons déjà sauvé des dizaines de personnes. La moindre remarque est balayée dédaigneusement et l'on reste sur ses positions, puisque l'on a la «preuve» de l'efficacité.

Von Kluck


Dans son ouvrage «La discorde chez l'ennemi» [1] le Général de Gaulle analyse les points qui ont conduit l'Allemagne à la défaite de 1918.
Ce document, édité la première fois en 1924, analyse les causes de cette défaite, alors même que tout semblait aller pour le mieux. Parmi les textes, il en est un, particulièrement intéressant qui relate justement des actions menées avec succès, sans que l'on sache pourquoi et qui, à terme ont conduit à une catastrophe. Tout comme les sapeurs-pompiers réalisent des actions couronnées de succès mais sans réellement être capables d'expliquer «pourquoi», les troupes Allemandes ont remportés des succès flagrants, en restant certaines d'une maîtrise de la situation. Et, tout comme les sapeurs-pompiers qui restent stupéfaits en cas d'accident, l'armée Allemande a appris à ses dépens que ces «preuves» n'en étaient pas.
CdG
Charles de Gaulle (1890-1970)

Tout commence le 1er Juillet 1866. A l'époque, on ne parle pas d'Allemagne, mais de Prusse. L'armée est engagée contre les Autrichiens.  Le GQG (Grand Quartier Général) Prussien est commandé par le Maréchal Moltke. Celui-ci est un fin stratège, qui analyse tout, prévoit tout. Mais son analyse de la situation est fausse. Ceci étant, la veille, il donne des ordres, mais ajoute à l'attention des chefs d'armées, qu'il leur laisse l'entière liberté de faire ce qu'ils veulent et que, quelle que soit l'issue, il les couvrira devant le pouvoir royal. Le jour de la bataille, les chefs ne se privent pas de cette liberté. Ainsi, Frédéric-Charles reçoit l'ordre de ne pas attaquer les Autrichiens sauf s'ils sont en nombre très faible. Alors qu'il rencontre une masse considérable d'Autrichiens (au moins 4 corps d'armée) il les attaque quand même.  Quant au Prince Royal a qui l'ordre a été donné de rester sur place, il fait mouvement sur l'ennemi.
Or, le soir, le résultat est flagrant : l'armée Autrichienne est battue ! La Prusse sort vainqueur et d'un coup, la totalité de la population, l'armée, les politiques, élèvent Moltke au rang de génie militaire. La «Méthode Moltke» est née. Et elle fonctionne, tout le monde en a la preuve puisque la Prusse a vaincu l'Autriche et que c'était le but à atteindre.

L'Histoire va se charger de conforter cette opinion. Le 15 août 1870, c'est contre les Français que la bataille fait rage. L'armée de Metz (armée Française) fait route sur Verdun. Au GQG Allemand, c'est encore Moltke qui dirige et qui réitère l'exploit de 1866. Il part du même principe : tout est analysé, mais les chefs d'armées en feront à leur guise. Et ceux-ci ne s'en privent pas, chacun y allant de son idée et de ses actions. Le lendemain, le III ème corps d'armée et le X ème corps vont se heurter à l'armée Française. Celle-ci réagit vivement mais ne réussit pas à changer le cours des événements. Le 18 août, les objectifs Allemands sont atteints. A nouveau, la «Méthode Moltke» a fait ses preuves et ce renouvellement d'un bon résultat est considéré comme une preuve ultime.

A ce stade de l'histoire, l'armée Allemande est comparable à tous ces corps de sapeurs-pompiers, qui enchaînent incendies sur incendies, certains d'avoir la maîtrise des choses puisqu'à chaque fois le feu est éteint. Sauf qu'un feu ne dure jamais éternellement et que peu de sapeurs-pompiers se demandent si réellement ce sont eux qui ont éteint le feu, ou si celui-ci ne leur aurait pas facilité la tâche en diminuant progressivement d'intensité, naturellement.

Comme le feu de Neuilly qui a tué 6 jeunes hommes, comme le feu de Uccle qui a tué deux sapeurs-pompiers qui tous avaient pourtant fait de nombreux feu avant ceux-ci, l'Histoire se charge, le 2 septembre 1914 de démontrer que la succession de réussites n'est pas la preuve de l'efficacité de la méthode.

Le GQG Allemand est cette fois installé à Luxembourg. Le lieu est mal choisi, mais peu importe. Le GQG est commandé par le neveu du Maréchal Moltke, le Lieutenant Général Moltke. Celui-ci porte le fardeau de son nom. Malgré son analyse de la situation, malgré les ordres qu'il donne, il n'est que celui qui porte le nom de ce «Monsieur qui eut tant de talent». Et ses chefs d'armées ne jurent de toute façon que par la «Méthode» de son oncle puisque les deux actions précédentes ont «prouvé» que cette méthode était excellente.
Comme l'écrit Charles de Gaulle, cette manière de faire c'est «la pure manière du grand Moltke».

Le 2 septembre, le Général Von Kluck, reçoit l'ordre de couvrir la II ème armée, en avançant de manière échelonnée contre les Français. Mais Von Kluck préfère suivre l'exemple de ses aînées de 1866 et 1870 puisqu'il a «la preuve de l'efficacité de cette méthode».
Le 3 septembre, Von Kluck passe la Marne et en informe le GQG.
Le 4 septembre, le GQG est prévenu d'importants mouvements de troupes Françaises et prévient Von Kluck qu'il doit se placer entre l'Oise et la Marne. Mais Von Kluck reste persuadé du bien fondé de la «Méthode Moltke» et continue comme avant.

Le 5 septembre, il informe le GQG qu'il va poursuivre sur la Seine, puis sur Paris. Pour Von Kluck, la défaite Française n'est qu'une affaire de quelques jours. Mais son télégramme au GQG croise celui qui lui annonce que les Français se sont regroupés et réagissent. Si Joffre avait reculé, c'était pour préparer sa contre offensive et celle-ci se démarre alors, bousculant Von Kluck et mettant en échec tout le plan Schlieffen.
Von Kluck
Alexander Von Kluck (1846-1934)

La suite, nous la connaissons tous : 4 ans dans les tranchées, 10 millions de morts et environ 20 millions d'invalides. Une belle preuve que la réussite d'une action n'est pas un élément suffisant pour juger de l'efficacité de celle-ci !

Dans son descriptif de cette suite d'événements, Charles de Gaulle conclu : «L'histoire militaire allemande, cédant à l'orgueil national, s'était contrainte à ne pas discerner, dans l'étude des victoires, les fautes commises, à n'en point tirer d'avertissements».

Nous sommes bien là dans la plus parfaite concordance avec le fonctionnement des services incendies. Seuls sont analysés les interventions ayant causé le décès de sapeurs-pompiers. Dans quelques cas, fort rares, il y a des analyses en cas de blessures, mais la plupart du temps cela se borne a quelques remarques sans grand intérêt. Quant à l'analyse des interventions «réussis», il n'y en a jamais. Comme les Allemands n'ont pas analysé leurs victoires de 1866 et de 1870, les sapeurs-pompiers n'analysent pas «lorsque tout va bien». Et comme Von Kluck en 1914, lorsque plus rien ne va, ils ne comprennent pas pourquoi.

Dans l'industrie
En tout était de cause, la répétition de la réussite d'une action, n'est pas et ne sera donc jamais la preuve que le mode opératoire est bon. Ceci est valable quelle que soit l'activité.

Pour l'industrie, ceci n'a été réellement compris que lorsque que la technologie a évolué. Ainsi, au début de l'électronique, les composants étaient fabriqués sans que le processus de fabrication ne soit très évolué. En sortie de fabrication, les composants étaient testés et ceux qui étaient défectueux étaient jetés. Globalement, l'industrie en général fonctionnait de cette manière. Mais en électronique, l'augmentation de la complexité et la miniaturisation ont obligé à accroître la rigueur des tests. Rapidement, le nombre de rejets est devenu important, à tel point que l'industrie jetait plus qu'elle ne gardait.
Le simple fait d'avoir un peu mieux analysé le résultat, démontrait donc que l'action n'était pas aussi bonne qu'on le pensait. Pourtant le mode de fabrication n'avait pas évolué, il ne s'était pas dégradé au cours du temps et avait toujours semblé excellent. C'est simplement l'analyse qui montrait qu'un processus, apparemment correct, ne l'était pas.

En réaction à cette découverte, les fabricants de composants électroniques ont créé le concept de «Clean Room», les chambres stériles où la qualité de fabrication est poussée à un très haut niveau, ceci afin d'éviter les rejets.

Ce changement de méthodologie, dans de nombreux secteurs, a également été provoqué pour d?autres raisons.
En premier, la complexité de tests. Ainsi, en informatique, les choix possibles à l'intérieur d'un simple programme, sont tels que tester toutes les combinaisons est devenu irréaliste. Or, des études menées entre autres aux USA, ont abouties à la conclusion que la «réparation» d'un logiciel c'est-à-dire la correction des erreurs de conception, pouvait amener un coût jusqu'à 100 fois supérieur à celui de la création de ce programme. Là encore, la méthode «Clean Room» a permis de changer les choses. Dans des systèmes qualité tels que CMM, il est conseillé d'avoir en permanence 2 programmeurs sur chaque machine, l'un tapant le code, et l'autre se contentant de le relire. Cela paraît assez sur-réaliste de payer un programmeur pour seulement regarder ce que tape son collègue, mais c'est ce genre de chose qui a permis l'accroissement de la qualité des développements informatiques.

En second, l'industrie fourmille de systèmes pour lesquels le test du produit final est totalement impossible car les tests sont destructifs.  Ainsi, le «crash test» permettant  de vérifier que l'habitacle d'une voiture va résister en cas de choc, est un test totalement destructif. Concrètement, cela signifie que lorsque vous acheter une voiture qui «résiste au crash test», vous achetez en fait une voiture qui n'a pas été testée. Simplement, le processus de fabrication est bien organisé, fiable, maitrisé et répétable. Les véhicules sont donc identiques ce qui signifie que les résultats d'un essai destructeur sur un des produits, valide les autres produits, sans avoir à les tester.

L'industrie ne tombe donc plus dans le piège de Von Kluck : lorsqu'elle produit quelque chose «de bien», elle est capable de répéter cette action car cette action est maîtrisée.

Note: en informatique, la norme de Qualité CMM posséde des niveaux. Au dela du niveau initial qui est le "chaos" de chaque entreprise avant qu'elle ne se penche sur le problème de la qualité, le premier niveau réellement "qualité" défini par CMM, porte le nom de "répétable". Dans ce cas, l'entreprise qui atteint ce niveau est capable de répéter une action, quasiment à l'identique. Dans les niveaux supérieurs, l'entreprise est capable d'expliquer et de justifier sa méthode et de mettre en place des systèmes évitant les déviations. Dans de telles normes, ce n'est donc pas le résultat qui est "certifié" mais bien le processus permettant d'aboutir au résultat. Il n'y a donc ni obligation de résultat, ni obligtaion de moyen, mais obligation de maîtrise d'un processus.


Chez les sapeurs-pompiers
Par contre, les sapeurs-pompiers tombent quotidiennement dans le piège. A leur arrivée sur les lieux, il y a du feu. Ils jettent de l'eau, le feu s'éteint. Il est donc compréhensible que tout le monde soit persuadé que c'est cette action qui a été le facteur de réussite.

Mais autant un industriel saura expliquer son processus, autant le sapeur-pompier en est globalement incapable. Les gestes se font «parce qu'on a toujours fait comme ça» et «parce que ça marche». Bien sûr, certains comprennent «pourquoi», mais lorsque l'on cherche à expliquer, même de façon très simple, cela amène quasiment toujours à la même conclusion : l'action menée n'est pas aussi efficace qu'il y parait. La simple analyse, de par la conclusion qu'elle amène, presque inévitablement, est donc considérée comme néfaste car remettant en cause une pratique qui, de l'avis de quasiment tous les sapeurs-pompiers, aboutit à de bons résultats.

Note : Ce point est accentué par l'opinion apparente de la population, qui, si nous nous référons aux sondages, a la plus haute estime pour les sapeurs-pompiers. Mais là encore, avons-nous une information prélevée de la bonne manière? Lorsque sur certains secteurs de France par exemple, les petits services incendies sont fermés pour cause de rationalisation, la population ne manifeste que très rarement, pour ne pas dire jamais. En même temps, le nombre de plaintes déposées contre les services incendies, ne fait qu'augmenter et les agressions sur les secteurs dit «sensibles» sont désormais monnaie courante.  A la question «Etes-vous pour ou contre la torture», la quasi totalité des sondés répondrait «contre». Alors peut-on imaginer une personne qu'y répondrait «non» à la question «Aimez vous les sapeurs-pompiers?»? Et dans ce cas, le taux particulièrement élevé d'opinion favorable est-il réellement représentatif de l'opinion générale?

Lorsqu'un jour, face à un incendie, le résultat apparaît comme mauvais, la réaction est totalement désordonnée. Dans le pire des cas, un ou deux sapeurs-pompiers ne rentreront pas chez eux. Mais au-delà des morts, combien de maisons, d'appartements, ou d'entreprises sont parties en flammes alors même que les sapeurs-pompiers étaient là, et s'agitaient en tout sens?
Nous avons même une sorte de preuve de cette incompréhension lorsque les moyens sont insuffisants et qu'il faut en changer. En toute logique, le choix des moyens devrait se faire en fonction d'une bonne analyse de la situation, et les moyens devraient être largement supérieurs aux besoins. C'est le principe militaire Américain consistant à mettre en oeuvre une force très largement supérieure au besoin estimé.
Dans le cas des sapeurs-pompiers, le choix des moyens est dicté par l'habitude et celle-ci ne change que lorsque les dimensions des feux sont inhabituelles. Ce qui est un autre paradoxe : alors que le sapeur-pompier aime dire que «tous les feux sont différents», il s'enferme dans une routine opérationnelle sans analyse, sous prétexte qu'il a «toujours fait comme ça». Et lorsque, face au feu, il se fait déborder, il continue à insister avec ses faibles moyens car jusqu'au bout «il y croit».  Le changement tactique ou matériel se fait donc très tardivement, et comme il prend du temps, les nouveaux moyens mis en ?uvre rattrapent rarement le retard pris par les moyens précédents et tout est perdu.

Tout ceci parce que les sapeurs-pompiers sont confrontés à un problème très vicieux, que ne connaissent ni les militaires, ni les industriels :
  • Face à l'ennemi, si le militaire ne fait rien, il est battu car l'ennemi va venir à lui et le détruire
  • Face au client, l'industriel devra apporter un produit faible, sinon il perdra ce client

Mais le sapeur-pompier est face à un ennemi qui n'est pas humain, et qui plus est, un ennemi qui va mourir naturellement.
Ce point est très important : si «réussir une action sans savoir pourquoi» est un mode de fonctionnement très dangereux, être incapable de savoir si cette action est réellement une réussite, accroît encore le caractère périlleux de la situation.

Si nous reprenons l'exemple de Von Kluck, l'épisode de 1866 et celui de 1870 sont de véritables réussites. Les Allemands ne sont pas face à des résultats qu'ils pensent être «bons». Ils sont face à un résultat qui est réellement bon. Ils sont dans le cas «ça marche, mais nous ne savons pas pourquoi».

Le sapeur-pompier n'est même pas dans cette situation : il est dans le cas «je ne suis pas capable de dire si ça a réellement marché, et je ne suis pas capable de dire pourquoi». Si à l'arrivée des secours, il y a 10m2 en feu, et que l'incendie, une fois éteint, à détruit 50m2, le sapeur-pompier restera sur l'idée que le feu est éteint, donc que c'est une réussite, alors même que l'accroissement de surface démontre de façon assez évidente que c'est plutôt un échec.

Conclusion
Avec d'un côté une complète incapacité à définir correctement la validité de ses actions (est-ce réussi ou non?) et de l'autre, une incapacité à expliquer pourquoi il arrive à un tel résultat (bon, apparemment bon ou même mauvais), le sapeur-pompier ne possède pas d'éléments d'analyse lui permettant d'améliorer son processus. Il reste donc en permanence dans une ignorance quasi totale. En cas d'accident, son incompréhension est alors totale et sa remise en question personnelle très difficile, puisque les «réussites» habituelles de ses actions le confortent dans son idée principale : il réussit à éteindre les feux et si cela va mal, c'est certainement une fatalité.

[1] "Le fils de l'épée et autres écrits". Charles de Gaulle. Editions Plon. ISBN 978-2-259-19139-5
[2] "Achtung Panzer - The development of tank warfare". Heinz Guderian. Editions Cassel. ISBN 0-304-35285-3

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Re: Evolution: possible ou impossible? (I) (Score: 1)
par Max68 le 20 août 2009 à 01:06:06
(Profil Utilisateur | Envoyer un message)
Zut alors, c'est vrai ce qui est écrit!

On fait quoi maintenant???



Re: Evolution: possible ou impossible? (I) (Score: 1)
par titoff le 22 août 2009 à 02:49:39
(Profil Utilisateur | Envoyer un message)
ok ok!
mais franchement il me semble que lorsqu'on arrive avec notre tonne, ça va très vite.
La stratégie n'est pas forcement evidente car, nous ne sommes pas autour de la table pour mettre en place la technique de la tenaille ou de la pince à linge...
Se former pour être efficace. il y a de ça.
Bien entendu le coût. Il est là aussi.

en tout cas
On avance, on avance, on avance.
C'est une evidence on n'a pas assez d'essence,
mais on va dans le bon sens ...


 
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