Soulever les plafonds

Date: 28 mars 2007 à 15:30:01
Sujet: Tactique et Pratique


En intervention, la présence de faux plafonds peut s'avérer très dangereuse pour les sapeurs-pompiers. Les fumées, prises au piège, peuvent s'enflammer rapidement, parfois de façon explosive. Le décès récent d'Eric Pero (7 février 2007 à Rochefort, Province de Namur en Belgique) est un exemple de ce type d'événement. L'article qui suit à été écrit par Rick KOLOMAY pour le magazine Firehouse. Il concerne la gestion des faux plafonds, avec des considérations qui pourront être prises en compte afin d'éviter que de tels accidents ne se reproduisent.

NdT : Pike Pole
Cet article étant tiré d'une publication Américaine, il y est souvent question des "pike poles". Ces outils sont ce que les Français appellent des gaffes. Mais alors que de nombreux corps de sapeurs-pompiers se contentent de gaffes avec un seul type de crochet et un manche en bois, les sapeurs-pompiers Américains utilisent quant à eux des gaffes avec manche en matériaux composites, disponibles en plusieurs longueurs (avec parfois des rallonges) et dont la partie métallique peut se changer au gré des besoins. Lorsque nous parlerons de gaffe, cela désignera donc un "pike pole" donc un outil assez complet.

Gaffe "pike pole" et plusieurs extrémités. De gauche à droite, une extrémité pour les cloisons séches, un embout pour découper, une griffe pour les déblais et un croc (Photo Akron-Brass)

Alors que l'équipe du premier engin termine la mise en place de ses tuyaux au niveau de la porte d'entrée d'une maison en bois, à un étage, les tuyaux sont vides d'air, et l'officier se prépare à l'entrée. La reconnaissance des lieux a permis de déterminer la présence d'un feu sur l'arrière, avec une progression rapide. Une intense fumée noire sort par le toit, indiquant une extension dans le grenier. Il ne faut pas négliger la ventilation par le toit, mais malheureusement l'équipe initiale est en nombre insuffisant pour permettre une telle opération, et une forte ventilation horizontale doit être mise en place. Comme l'a indiqué maintes et maintes fois le Deputy Chief John Norman du FDNY : "ventilez et vous vivrez". Nous pouvons ajouter "Soulever les faux plafonds durant l'attaque et vous vivrez heureux et plus longtemps!".
La ventilation par le toit ne doit pas être négligée, mais l'équipe initiale n'est peut être pas en nombre suffisant pour réaliser une telle opération.
Photo Roy Hervas

Alors que, dans ce scénario, l'officier se rend compte que la porte peut facilement être ouverte, des fumées noires et chargées sortent de la structure.

Les conditions commencent à se dégrader et la chaleur est poussée sur les sapeurs-pompiers, depuis l'arrière de l'habitation.

Tandis qu'il avance doucement tout en dirigeant la lance vers le haut, l'officier entend le bris des vitres et le forcément de la porte arrière. Le plafond de fumées chaudes commence à remonter. A seulement quelques mètres de la porte d'entrée, l'officier, expérimenté, prend la décision de faire avancer un sapeur-pompier juste devant la lance, avec une gaffe, pour soulever le plafond. Bien que la chaleur soit momentanément remontée vers le plafond, l'officier peut alors ressentir le retour de la chaleur sur les intervenants. L'officier expérimenté a réalisé un rapide calcul : une lance + la ventilation + une structure + feu dans des zones cachées + conditions de chaleur = poussez le plafond car le feu peut être au-dessus de vous !

NdT : dans le cas des interventions sans matériel de ventilation ou dans le cas d'une impossibilité d'usage de ventilation, la technique d'anti-ventilation doit être utilisée. Cette technique consiste à refermer la porte sur le tuyau, pour ne pas apporter de comburant au feu. Dans ce cas, la technique consistant à soulever le faux plafond, reste pleinement utilisable.

Il est important que l'officier soit placé à côté de la lance, derrière le sapeur-pompier qui va soulever le plafond. Photo Roy Hervas Le sapeur-pompier qui travaillera à l'intérieur doit être entraîné pour sélectionner le type de gaffe le plus adapté au type de structure dans laquelle il devra opérer. Photo Roy Hervas

Tandis qu'il se place juste devant la lance, le sapeur-pompier commence à soulever les dalles du faux plafond ou à percer celui-ci. Cette première opération réalisée dans le plafond, lui en apprendra beaucoup :

  • Quel effort a été nécessaire pour briser ce plafond ?
  • Des morceaux du plafond sont-ils tombés ?
  • Est-ce que cette action dégage tout le plafond d'un coup?
  • Dés qu'un trou a été fait, est-ce qu'il y a eu une nouvelle " bouffée " de chaleur, indiquant que le feu est proche ?
  • Est-ce que des flammes sont " tombées " du plafond lorsque celui-ci a été soulevé ?

Il est important que l'officier soit placé à côté de la lance, juste derrière le sapeur-pompier qui soulève le plafond:

  • Il est évident qu'il n'est pas sécurisant de travailler devant la lance dans le cadre d'une attaque, mais dans le cas présent, c'est nécessaire.
  • Il est important de placer la lance juste derrière le sapeur-pompier qui travaille avec la gaffe.
  • En laissant le sapeur-pompier qui soulève le plafond, travailler derrière la lance, nous courons le risque de voir les débris tomber sur la lance et en plus dans ce cas la protection est limitée puisque le trou est réalisé juste au-dessus de la lance.
  • De même, si de l'eau est utilisée et projetée verticalement, juste au-dessus de la tête des intervenants présents, elle leur retombera dessus.
  • La lance placée juste derrière le sapeur-pompier qui soulève le plafond, en assure donc la sécurité.
  • En cas de chutes de débris ou de percement de zones cachées, il y a risque de détérioration rapide des conditions, obligeant le sapeur-pompier utilisant la gaffe, à reculer rapidement, tandis que la lance pourra immédiatement être mise en action vers le haut.

Des situations de backdraft se sont déjà produites lorsque des équipes intérieures ont ouvert des zones cachées ou des faux plafonds.
Le chef Bennie Crane du Chicago Fire Department (aujourd'hui en retraite) a relaté une telle expérience alors qu'il était en activité. Dans une vieille bâtisse construite en plâtre, avec des lattes de bois, la lance était placée dans le couloir, tandis que la fumée sortait du plafond et d'une pièce attenante, de façon inhabituelle. Alors qu'il entrait dans la pièce, il lui a été demandé de soulever le plafond. La seule chose dont il s'est ensuite souvenu, c'est d'avoir été tiré dans le couloir d'entrée par l'équipe qui était venue en rampant jusqu'à lui, pour combattre le feu violent qui s'était propagé dans la pièce au moment où il avait soulevé le plafond : un backdraft s'était en effet produit.

NdT : dans ce cas, outre des précautions et une protection par une lance, il est clair que la technique d'anti-ventilation est une solution idéale pour éviter l'apport d'air déclenchant le backdraft car la mise en place d'une ventilation forcée pourra difficilement empêcher cet évènement.

Le sapeur-pompier qui sera chargé de cette opération, devra être entraîné à choisir le type de gaffe correspondant au type de structure dans laquelle il entrera.

  • La gaffe de 1.80m sera utilisée dans certaines constructions avec des plafonds à 2.50m, mais lorsqu'il faudra travailler avec des plafonds plus hauts, comme dans les magasins, les bureaux ou les locaux industriels, il est évident que ce sont les gaffes de 2.50 ou de 3m qui devront être utilisées. Les intervenants qui travaillent dans la structure ne doivent pas penser à soulever les plafonds au-dessus d'eux, en faisant tomber les débris sur les autres personnes, mais doivent incliner la gaffe pour faire tomber les débris en avant de leur position. Dans de nombreux cas, la gaffe de 1.80m sera donc trop courte.
  • L'usage d'une gaffe plus longue est également justifié par le fait qu'il ne sera sans doute pas possible de se mettre debout, à cause des conditions thermiques. S'il est nécessaire de soulever le faux plafond tout en restant à genou, cette position fera perdre plusieurs dizaines de centimètres. Il sera donc préférable de prendre une gaffe de 2.50m plutôt qu'une gaffe de 1.80m.
  • Si vous n'êtes pas certain du type de construction (par exemple à cause des modifications, des constructions très légères avec des plafonds très hauts, etc), prenez deux gaffes différentes avec vous.
  • Suivant le type de construction, le choix du type de gaffe est également important. Dans de nombreux cas, la gaffe avec une extrémité pour cloisons sèches est très efficace, mais pour des plafonds de locaux commerciaux, très fins, une autre extrémité est parfois nécessaire.

Dans ce scénario d'attaque, l'officier était assez expérimenté et a désigné un sapeur-pompier pour travailler à l'intérieur, afin de pousser le plafond avant que l'équipe n'avance plus loin. Avec de telles conditions de fumées et de chaleur, l'officier aurait pu être victime de la "vision tunnel", l'équipe aurait pu s'avancer en position basse et passer sous un feu important, caché par le plafond. Le résultat aurait pu être désastreux car le plafond en feu aurait pu s'écrouler derrière eux. La bonne synchronisation d'une ventilation efficace, d'un bon dimensionnement des moyens hydrauliques et de la gestion des faux plafonds lorsque c'est nécessaire, sont quelques uns des points clefs permettant d'assurer une bonne sécurité et une bonne efficacité dans les actions de lutte contre l'incendie.

Rick KOLOMAY pour Firehouse






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